Histoire

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premier mai poptronics
© Chris Marker

Chris Marker n’est pas seulement le cinéaste de La Jetée (1962), de Le fond de l’air est rouge (1977) ou de Sans soleil (1982). Il a conçu Zapping Zone (1990) et Immemory (1998), des œuvres (installation, cd-rom) associant divers types d’images reliées par le numérique. Plus récemment, il a exploré Second Life. Mais il y a aussi chez lui une façon subtile de travailler les nouveaux médias. Elle consiste à en user à travers des appareils et des logiciels démodés, personnalisés, bricolés, poétisés. La série de photos enchaînées que met en ligne le site Poptronics (6 mai 2009) révèle ainsi une modalité de la prise de vue et du montage qui les signe manifestement. Saisies comme séquences vidéo DV, les images sont « prises » à nouveau sur l’ordinateur et traitées comme photographies en noir et blanc. Et c’est ainsi que s’écrit — car Chris Marker reste toujours et d’abord un écrivain — une « description d’un combat » (titre de son film de 1960) subjective, attentive, morale, « à l’écoute » dit Annick Rivoire (Poptronics, « Le 1er Mai vu par Chris Marker : le fond de l’air est grave »).

Écrivain ou peut-être plus précisément auteur de livres. On sait peut-être que Chris Marker, directeur de la collection « Petite Planète » au Seuil, fut le découvreur d’une forme d’une alliance moderne du texte et de l’image qui se libérait du rapport strict d’illustration, autrement dit qui leur offrait une coprésence sous le régime du ET. Avec le livre Coréennes (1959), il concevait un livre, fait de photographies, annoncé comme court-métrage ou  « ciné-essai ». Ses recherches sur une écriture spécifiquement interactive et le CD-ROM confirmeront le modèle du livre ou de l’album dans leur essence cinématographique si l’on veut bien voir la reliure comme dispositif de montage — concernant, comme tout dispositif, ce qui gouverne le passage de la production à la réception. C’est pourquoi encore, il ne faut pas parler, à propos des images photographiques de La Jetée, de photogrammes mais bien de plans ou de séquences ayant leurs durées, leurs articulations et leurs rythmes propres.

Le « film » du 1er mai 2009 appartient lui aussi à ce genre hybride de l’entre-image (Raymond Bellour) ou encore à celui du défilé, métaphore fondamentale du cinéma repérée par Godard lorsqu’au défilement des photogrammes il substitue (ou superpose) un défilé de personnes portant des photographies. Pour donner une « image juste », Chris Marker choisit de donner « juste une image » (Godard), beaucoup plus forte que celle de la manifestation, un défilé de portraits recueillis par lui dans ce défilé qui s’est présenté à lui.

Paris, vendredi 1er mai 2009, 17h20, le défilé boulevard Saint-Michel, dans la section qui va de Cluny au Luxembourg, C’est la première fois que je le vois ainsi en action. Pourtant, sa démarche, sa silhouette et son profil le désignent entre mille. Avoir voyagé avec lui, l’avoir croisé à l’époque de Immemory, a laissé l’empreinte du code visuel qui permet de repérer un personnage réputé invisible. D’ailleurs, un homme encore jeune l’approche depuis le trottoir mais ne parvient pas à retenir son attention. Je demande : « Vous savez qui c’est ? » ; réponse : « J’étais sur Sans soleil ! ». Je sais qu’il ne veut pas de photographies de lui mais je passe outre — pour l’instant — cette interdiction sous prétexte qu’il ne l’exprime pas.

Le 12 mai, la rédactrice de Poptronics nous avertit gentiment : « Quelle impudence :) ».

Le 11 juin, Patricia K. nous envoie ce commentaire : « La photo du « chasseur » solitaire ou plutôt du cueilleur d’images, accroupi comme un jeune homme et transformé en pied caméra-position-basse, nous aurait suffi… »

Le 24 juin 2009, la demande provient du premier cercle, elle est impérative : « Peux-tu enlever de ton blog, accessible à tous, cette photo et cette vidéo. »

Les sites et les blogs que nous faisons sont, jusqu’à nouvel ordre, des espaces relativement libres. On y pratique donc librement l’autocensure (voir la série de billets ayant trait au mouvement des Universités depuis le mois de janvier), surtout si un ami nous rappelle à la raison. J.-L.B.

PS. On nous rappelle aussi à l’ordre au nom du « droit à l’image ». Alors réfléchissons à ce qui fait que le droit à l’image n’est pas le même pour tous.

Bibliographie
Chris marker, Commentaires, Seuil, 1961
Raymond Bellour, L’Entre-Image 2, POL, 1999 : « Le livre, aller, retour — Apologie de Chris Marker », pp. 335-362 (reprise du texte publié dans Qu’est-ce qu’une madeleine ?, À propos du CD-ROM Immemory de Chris Marker, Yves Gevaert/Centre Pompidou, 1997
Raymond Bellour, « La querelle des dispositifs », Art Press, n°262 (à consulter ici)

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Librairie du Centre Pompidou, février 2009. Autres parutions aux Presses du réel dans la collection Mamco (Genève) : Jean-Marc Poinsot, Quand l’œuvre a lieuL’art exposé et ses récits autorisés (nouvelle édition revue et augmentée); Thierry de Duve, Faire école. (Ou la refaire ?) – Nouvelle édition revue et augmentée. Ainsi que la revue du Mamco : Retour d’y voir n° 01 et 02.

Vient de paraître aux Presses du réel :

PRÉSENTATION

Jean-Louis Boissier

La relation comme forme
L’interactivité en art. Nouvelle édition augmentée

éditeur :
Les presses du réel
35, rue Colson, F – 21000 Dijon
http://www.lespressesdureel.com/

 

collection :
Mamco, Musée d’art moderne et contemporain
10, rue des Vieux-Grenadiers, CH – 1205 Genève
http://www.mamco.ch/

336 pages, 22 dessins, format : 17×24 cm
ISBN : 978-2-84066-277-8
Prix : 25 €

L’ouvrage contient deux nouveaux textes : « La perspective relationnelle » et « Les arts interactifs s’exposent-ils ? »

Le CD-ROM contient un nouveau film interactif : Les Perspecteurs.

Sommaire
Introduction : La relation comme forme 9
À propos du vidéodisque Le Bus, ou l’Exercice de la découverte 14
Dramaturgie de l’interactivité 22
Pour que poussent les images 30
Le logiciel comme rêverie 46
Artifices 54
La collection à l’œuvre 78
Machines à communiquer faites œuvres 92
Vertus des mondes bornés 120
Notes sur l’esthétique du virtuel 132
Une esthétique de la saisie 148
Programmes interactifs 178
Des arts dans la logique de leur technique 216
Le CD-ROM de la 3e Biennale d’art contemporain de Lyon 224
L’image n’est pas seule 230
Le moment interactif 238
L’image-relation 262
La perspective relationnelle 298
Les arts interactifs s’exposent-ils ? 314
Liste des illustrations 333

L’ouvrage contient le CD-ROM :

Essais interactifs

Réalisation : Jean-Louis Boissier
Programmation : Jean-Noël Lafargue
Avec le concours du laboratoire Esthétique des nouveaux médias,
Université Paris 8
© 2004-2008, Jean-Louis Boissier

Sommaire du CD-ROM :
Album sans fin, 1989
Globus oculi, 1992-1993
Flora petrinsularis, 1993-1994
Mutatis mutandis, 1995
Bifurcation, 1996
Autoportrait, 1999
La Morale sensitive, 1999-2001
Dozographie, 2000
Le Petit Manuel interactif, 2001
Acrostiche, 2001
Modus operandi, 2002-2003
Les Perspecteurs, 2004

En couverture : dessin de l’installation-performance Les Perspecteurs, 2004-2005.

EXTRAITS

Introduction

La relation comme forme

Si « la relation comme forme » émerge comme titre légitime pour ce recueil ayant trait principalement à l’interactivité en art, cette proposition n’en constitue pas le projet systématique et approfondi. Considérant la suite des textes rassemblés ici, il faudrait chercher les diverses apparitions du mot relation et voir comment, avec les nouveaux médias numériques, la relation devient forme et s’inscrit dans des objets apparentés à l’art. Continuation de la photographie et du cinéma, la prise de vues, telle qu’elle est intentionnellement maintenue dans les programmes vidéo-interactifs, est attachée à l’idée de relation au réel. Cette idée est là pour prendre en compte la tradition picturale chinoise ou pour mettre en oeuvre la poétique de la collection, pour construire le diagramme de l’exploration d’un coin de banlieue ou pour mettre en scène un modèle qui se prête à la modélisation de ses gestes. Avec Rousseau, on parle de relation au monde, sur le mode du signe sensitif, de la réminiscence ou de la rêverie sans objet. C’est sans conteste ce qui donne sa pertinence à une entreprise visant à interpréter son texte sur le mode de la performance interactive et à prendre cette lecture comme critère de l’expérimentation d’une écriture nouvelle. Qu’elle soit prélèvement de fragments ou de traces ou qu’elle relève de codes ou de langages, la saisie permet le passage du photographique vers l’image calculée, le virtuel et l’interactivité. La saisie s’identifie alors, en tant que relation, à un processus formel et productif. L’association saisie-ressaisie qualifie la version de l’interactivité la plus homogène à tout ce qui relève de la figuration et de la représentation. La perspective interactive, où la programmation tient la place qu’a la géométrie dans la perspective optique, désigne le dispositif de la construction ou de la saisie des relations. Il est alors possible de concevoir une image-relation qui, au-delà du partage des actions, est une présentation directe de la relation. La jouabilité de l’oeuvre atteste la figurabilité des relations. Cette jouabilité, empruntée aux jeux informatiques, voit sa signification élargie à toutes les acceptions du mot jeu, jeu nécessaire du fonctionnement mécanique, jeu interprétatif, théâtral et musical, jeu de l’exercice corporel et mental, jeu de langage.

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Jack Lang, Jean-François Lyotard, inauguration des Immatériaux, Centre Pompidou, 27 mars 1985 ©Centre Pompidou

France culture, émission « Peinture fraîche », vendredi 6 février 2009.

Pour écouter directement cette émission, cliquer ici :

PRÉSENTATION SUR LE SITE DE FRANCE CULTURE

6 février 2009
« Peinture fraîche » : Les Immatériaux

Réalisation Clotilde Pivin
Reconstitution sonore de l’exposition culte du philosophe Jean-François Lyotard qui s’est déroulée au Centre Georges Pompidou du 28 mars au 15 juillet 1985 et dont se réclame la nouvelle génération.
Avec la voix de Jean-François Lyotard – archives INA

Il devient indispensable aujourd’hui de relire Jean-François Lyotard dans la mesure où toute une génération d’artistes, de critiques d’art, de conservateurs découvrent sa pensée et s’y réfèrent. Se réfèrent entre autres à cette incroyable exposition Les Immatériaux qui se déroulait au Centre Georges Pompidou en 1985 après deux années de préparation.
Ceux et celles qui ont vu cette manifestation n’en ont presque aucun souvenir. La mémoire n’a pas agi.
Au départ le projet devait prendre en compte les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies comme la vidéo et l’ordinateur.
Exposition ni-artistique, ni-scientifique.
Exposition d’une nouvelle sensibilité qui s’opposait à l’idéologie de la communication. Ne voulant pas privilégier automatiquement l’interaction, mais le fait qu’une œuvre d’art est aussi un spectacle.
Cette exposition aujourd’hui culte était une dramaturgie où le spectateur faisait lui-même son parcours.
Il affrontait la multiplicité des jeux de langage, dont la pensée de Wittgenstein se fait l’écho.
En écoutant les témoins et les auteurs témoigner nous obtenons l’empreinte sonore d’un moment de notre histoire qui a déchaîné les passions, les incompréhensions et qui nous oblige aujou’dhui à y revenir.

Invités
Dolorès Lyotard. Philosophe et épouse de Jean-François Lyotard
Jean-Louis Boissier. Universitaire et artiste alternatif, auteur de La relation comme forme : l’interactivité en art éd. Presses du Réel, 2008
Anne Tronche. Historienne de l’art
Philippe Curval. Écrivain, invité des Immatériaux en 1985

EXTRAIT

Dès le début des années 80, le Centre de création industrielle (CCI) avait en projet une grande exposition dont le titre était Nouveaux matériaux et création ( …). Le projet a semblé sombrer jusqu’au moment où la direction du CCI a eu l’idée de faire appel à un commissaire extérieur et c’est le projet, puisqu’il avait été sollicité, de Jean-François Lyotard qui a été retenu ; c’était à la fin de l’année 1983. Il y a eu un mouvement double de la part de Lyotard. D’une part il a été attiré par ce projet qui était assez flou et, en même temps, il l’a contesté dans ses termes mêmes puisqu’il a dit : « nouveau pour moi, ça ne veut rien dire ; matériaux, aujourd’hui ce ne sont plus des matériaux, on ne parle plus de matériaux ; et quant à la création, je ne sais pas ce que ça veut dire ». Dès l’été 1983 il a conçu ce projet qu’il a appelé Les Immatériaux en essayant de défendre ce concept (…).
J.-L.B.

DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES

• Invitation des Immatériaux, Luc Maillet-Grafibus, 1985

Sur ce site : « Les Immatériaux et la question des nouveaux médias numériques », octobre 2008.

• Retour sur Les Immatériaux, mars 2005
Quand, en 1984 au Centre Pompidou, Jean-François Lyotard est appelé à prendre la direction intellectuelle d’une exposition prévue sur le thème « matériaux nouveaux et création », il entend mettre en question chacun de ces trois termes en la nommant Les Immatériaux et en proposant d’agencer l’exposition selon les mots matériau, matière, matrice, matériel, maternité. L’exposition donnera au visiteur « le sentiment de la complexité des choses » car « une nouvelle sensibilité naît » alors que « dans la création apparaissent de nouveaux genres d’art reposant sur les nouvelles technologies ». Il s’agit aujourd’hui de témoigner de cette grande exposition devenue mythique, et de considérer le destin théorique et historique de ces « immatériaux », qui désignent non pas simplement ce qui est immatériel mais, de façon ouverte, « un matériau qui disparaît comme entité indépendante », un matériau où « le modèle du langage supplante celui de la matière » et dont le principe « n’est plus une substance stable mais un ensemble d’interactions ». J.-L.B. (Inroduction pour la conférence Ciren à l’occasion des 20 ans des Immatériaux)

• Jean-François Lyotard
Le Postmoderne expliqué aux enfants
, Galilée, Paris, 1986
 (et 2005)
Correspondance 1982-1985

Extrait, pp. 133-134
à Thomas Chaput
Rome, le 12 avril 1985

La pensée et l’action des XIXe et XXe siècles sont gouvernées par l’Idée de l’émancipation de l’humanité. Cette idée s’élabore à la fin du XVIIIe siècle dans la philosophie des Lumières et la Révolution française. Le progrès des sciences, des techniques, des arts et des libertés politiques affranchira l’humanité tout entière de l’ignorance, de la pauvreté, de l’inculture, du despotisme et ne fera pas seulement des hommes heureux, mais, notamment grace à l’École, des citoyens éclairés, maîtres de leur destin.
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13 janvier 1969 : ouverture du centre universitaire expérimental de Vincennes.
13 janvier 2009 : 40 ans de l’Université Paris 8.


Site du programme : http://www.univ-paris8.fr/40ans/


L’Université de Vincennes au début des années 70 [photos JLB]

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« Un rêve, deux facs »
Article paru dans l’édition du Monde du 30 Mai 2008

Mai 68 a donné naissance à deux universités, celle de Vincennes, devenue Saint-Denis, et Dauphine, à Paris. Quarante ans plus tard, l’une est la fac des plus pauvres, l’autre celle des plus riches

Incroyable mais vrai : la fac qui sélectionne ses étudiants, celle dont les diplômés peuplent les entreprises du CAC 40, est née en 1968. Dauphine, qui a accueilli ses premiers étudiants il y a quarante ans dans les quartiers chics du 16e arrondissement de Paris, est bien la sœur jumelle de Vincennes, déplacée en 1980 à Saint-Denis, enfant terrible du mouvement de Mai, dont on sait mieux à quel point elle bouscula les codes universitaires. Lire la suite »

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Hiroshima-Nagasaki Four Years. Also Atomic Bomb Casualty Commission, October 10, 1949. Photographer: Carl Mydans. Life sous Google
On peut préciser : il y a, dans la collection accessible de Life, 8 clichés du même enfant sur fond de draps blancs. Ils révèlent une mise en scène, au demeurant intéressante, dans la logique de la mission politique et médicale aussi bien que de la mission photographique. Voir : Atomic Bomb Casualty Commission source:life


Gene Tierney. Actress Gene Tierney in sexy gown as she sits on set of her new movie Shanghai Gesture… October 1941. Photographer: Peter Stackpole. Life sous Google
On peut préciser : film de Josef von Sternberg.

Dans Le Monde du 5 décembre 2008, deux articles où il est question d’images : ils semblent contradictoires, mais peut-être pas tant que ça.

Dans sa « carte blanche » en dernière page, Caroline Fourest s’inquiète de « La démocratie des cerveaux disponibles » soit, concrètement, de la place et du rôle des journaux et des journalistes. L’« image » est d’emblée mise du côté des dangers : « Quand l’image, la pipolisation, l’anecdotique et la petite phrase dominent, il reste peu de temps pour aborder le fond. » Elle précise ensuite : « Le triomphe de l’image sur l’écrit favorise le fait-divers, le personnel et l’émotion au détriment de l’analyse, du recul et de la confrontation d’idées. » On comprend ensuite — parce qu’elles se font au stylo ? — que les seules images qui peuvent jouer un rôle éclairant sont les dessins d’humour : « Mais avec un peu de talent, le goût pour l’image peut être mis au service de l’esprit critique grâce à la satire et à l’impertinence. » À condition… — allusion faite à la récente « affaire Siné » à Charlie Hebdo —   « à condition de vouloir effectivement fortifier cet esprit critique et non conforter certaines pulsions infantiles, bêtes et méchantes. D’où la division au sein de la presse satirique, entre, d’un côté, celle qui veut vivifier la démocratie et, de l’autre, celle qui s’en moque, voire celle qui la vomit. »

Que les images, les photographies — ce sont elles qui dominent la presse et l’édition depuis des décennies et le numérique en renforce encore la présence et les effets — puissent être autre chose que l’anecdotique, le facile, le racoleur et l’expéditif, semble échapper à Caroline Fourest, à qui l’on reconnaît pourtant des qualités d’analyse et de clairvoyance militante. Que des photographies apportent des nuances, de la complexité, du contexte, du réel non immédiatement explicable, de l’intuition, semble inconcevable pour qui n’y voit que le subjectif et le factice. Que la photographie soit une construction, au détriment apparent de son objectivité, fait partie de ses facultés à encourager l’interrogation, pour qui veut les faire fonctionner dans une opération sensible et critique. Ainsi, bien des images « pipoles » en disent long sur ce qu’elles impliquent, tant elles donnent à toucher, par leur existence même, aux opérations qui les ont fait naître et diffuser.

Alors, si on retourne à la une, comment prendre l’annonce de la mise en libre consultation sur Internet de dix millions de photos de Life (par Google) ? Il faut rappeler que le magazine illustré américain, « qui fut le plus influent au monde dans les années 1930 à 1960 » avait cessé de paraître comme hebdomadaire en 1972 puis avait fermé définitivement en 2007. L’article du Monde souligne l’absence de légendes, de références d’auteurs, de classements, de sélection, l’impréparation apparente d’une opération de marketing contestée par les agences et les photographes : « Des images célèbres comme le portrait d’une migrante durant la dépression de 1936 aux États-Unis, par Dorothea Lange, ou le Débarquement en Normandie par Robert Capa, voisinent avec des variantes de photos connues et d’innombrables photos qui ont plus ou moins d’intérêt. Les noms célèbres succèdent aux anonymes, sans classement. »

La main mise totalisante de Google, de Getty et d’autres puissances commerciales de l’information peut appeler méfiance et dénonciation. La négation du potentiel informationnel, éducatif, politique, historique — et finalement artistique — des images obtenues par enregistrement et transmission (la photographie autrefois, Internet aujourd’hui), telle qu’elle semble se déduire du premier article, relève de l’aveuglement.

J.-L.B.


Liberation of Gertrude Stein. Author Gertrude Stein (R) walking with Alice B. Toklas (L) and their dog. France, 1944. Photographer: Carl Mydans. Life sous Google
On peut préciser : septembre 1944 à Culoz (Ain).

Liens :

Télécharger l’article sur Life

Télécharger l’article de Caroline Fourest

http://images.google.com/hosted/life

http://carolinefourest.wordpress.com/


Portrait photographique de Caroline Fourest.
[Photo prélevée sur Internet. DR]

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Une nouvelle page sur techniques graphiques et politique.

Matt Mullican, Five Into One, 1991. (©Mullican 1991. Collection iconographique de JLB)

En 1990, l’artiste américain Matt Mullican montre à Imagina (« Festival des nouvelles images » organisé par l’Institut national de l’audiovisuel à Monte-Carlo depuis 1981), une œuvre en images de synthèse, The City Project. Ses images ont été calculées à Hollywood sur une Connection Machine (avec Karl Sims), et il envisage de les croiser avec la « téléprésence » (de Scott Fisher). Matt Mullican est sculpteur, il développe une cosmologie personnelle, dans les médiums les plus divers, du bas relief de béton à la bannière de tissu, du bois laqué au parterre de fleurs, de l’objet archéologique au pictogramme le plus minimal. Son œuvre est faite de signes et de projections mentales, elle relève en définitive de la performance. La même année, on le voit au Magasin, à Grenoble, dans un état proche de l’hypnose, une longue baguette en main, décrire en un flot de paroles un immense frottis mural qui est comme le mandala de son univers. Lire la suite »


Contribution à la documentation sur l’art et la politique en 1968. L’affiche de la « Réunion d’information sur l’affaire Langlois » du 21 mars 1968 à Grenoble (maquette : JLB+JLB).

Voir sur ce site la page « 21 mars 1968 ».


Harun Farocki, Deep Play, 2007, installation pour 12 écrans, Documenta XII, Kassel.
© Courtesy the artist, Greene Naftali Gallery, New York. Photos : Julia Zimmermann, Documenta.

Harun Farocki est né en 1944 à Nový Jicin (CZ), il vit à Berlin (DE). Il est à l’origine cinéaste et réalisateur de télévision. Depuis quelques années, son travail s’est orienté vers l’art contemporain. À la Documenta de Kassel 2007, Deep Play propose, sur 12 écrans, une analyse critique et scientifique de tout un ensemble d’images produites au cours de la finale de la coupe du monde de football 2006 à Berlin, des images de surveillance du stade aux transmissions de télévision, de la capture scientifique et analytique en temps réel de la situation de jeu à l’affichage automatique de l’activité de chaque joueur, de la reconstruction en 3D de phases décisives aux commentaires calmes mais passionnés de grands connaisseurs du foot-ball. Il semble que ces 12 écrans restent synchrones, autrement dit, qu’ils suivent en parallèle le cours du jeu.

One-and-a-half billion people saw exactly the same images of the World Cup final in Berlin’s Olympic Stadium last year. Harun Farocki interprets this phenomenon – the monopolisation of live pictures – as the television industry’s staging of the world. On twelve monitors in the rotunda of the Museum Fridericianum, his video installation Deep play (2007) presents original material from the television broadcasting companies alongside digitally processed images that simulate the mathematical analysis of the game. There is no commentary, only the unfiltered voices of sports commentators, police and TV stage-direction which expose the process of perfection to which the telecast is subjected.

Extrait du site de Documenta XII, 2007.

« Des images qui savent se traduire en mots »

Un entretien avec Harun Farocki à la Documenta de Kassel, mardi 7 août 2007, par Martine Béguin, de la Radio Suisse Romande.


Martine Béguin, Harun Farocki

Cliquer ci-dessous pour écouter l’entretien à la RSR :
ou bien télécharger le mp3

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