mai 2009

Vous consultez actuellement les archives mensuelles pour mai 2009.


Aude Oliva, MIT

Le magazine Wired publie dans son numéro de mai 2009, cette démonstration de Aude Oliva, chercheuse au MIT, où l’on constate, une fois de plus, l’écart entre notre œil et notre cerveau… Car ce n’est pas uniquement une affaire de taille de l’image mais de qualité et de circonstances de la perception : distance, durée, connaissance préalable des images, etc.

Cliquer sur l’image ci-dessus
Photo: Monroe: Getty Images; Einstein: Corbis

On en donne ici une version qui utilise le simple changement d’échelle. Mais il faut aussi faire les expériences que décrit l’article.

Look at the picture above and you see Albert Einstein. Now walk across the room. Suddenly, he morphs into Marilyn Monroe. Trippy, right? Aude Oliva, an associate professor of cognitive science at MIT, uses images like this one to study how our brains make sense of sight.
Our eyes pick up resolutions with both high spatial frequencies (sharp lines) and low ones (blurred shapes). By blending the high frequencies from one picture with the lows from another, Oliva creates images that change as a function of distance and time—allowing her to parse how humans absorb visual information. Turns out that we perceive coarse features quickly, within the first 30 milliseconds, and then home in on details at around 100 milliseconds. We also focus on the higher frequencies close up and register softer shapes from afar.
« It’s something we never think about, » Oliva says. « But we still don’t know how our brains digest new images so seamlessly and so rapidly. » The answer could help treat cognitive disorders or assist in the development of more-perceptive bots. Because, let’s be honest: What good is a robot if it can’t tell the difference between a sexy, troubled icon and Marilyn Monroe?

Au delà de l’expérience instructive et troublante (amusante), on peut se reporter au site du Department of Brain and Cognitive Science et noter à quel point l’approche cognitive est associée aux recherches sur les « nouvelles images ». Au demeurant, l’assemblage subtil Einstein-Marilyn est obtenu par des procédés numériques.

Remarque : la pratique des vignettes ou « imagettes » qui s’est universellement répandue avec les bases d’images, les hypertextes, et, plus récemment, avec les portraits et autres avatars pour réseaux sociaux, pourrait connaître une sérieuse mise en perspective si l’on mesure l’écart radical de contenu qui peut résulter d’une variation de dimensions.

Il ne s’agit pas de faire une longue analyse mais simplement de souligner un fait. Le cas exemplaire est celui du blog {Sciences 2} du quotidien Libération, tenu par Sylvestre Huet. Il est dit que le blog a plus de lecteurs que le journal lui-même. Dans notre note du 6 février, nous notions : « Des blogs, comme beaucoup d’échanges par mail et de nombreux mails envoyés massivement, sont désormais le moyen d’information et de discussion primordial ».

Mots clés : , ,

premier mai poptronics
© Chris Marker

Chris Marker n’est pas seulement le cinéaste de La Jetée (1962), de Le fond de l’air est rouge (1977) ou de Sans soleil (1982). Il a conçu Zapping Zone (1990) et Immemory (1998), des œuvres (installation, cd-rom) associant divers types d’images reliées par le numérique. Plus récemment, il a exploré Second Life. Mais il y a aussi chez lui une façon subtile de travailler les nouveaux médias. Elle consiste à en user à travers des appareils et des logiciels démodés, personnalisés, bricolés, poétisés. La série de photos enchaînées que met en ligne le site Poptronics (6 mai 2009) révèle ainsi une modalité de la prise de vue et du montage qui les signe manifestement. Saisies comme séquences vidéo DV, les images sont « prises » à nouveau sur l’ordinateur et traitées comme photographies en noir et blanc. Et c’est ainsi que s’écrit — car Chris Marker reste toujours et d’abord un écrivain — une « description d’un combat » (titre de son film de 1960) subjective, attentive, morale, « à l’écoute » dit Annick Rivoire (Poptronics, « Le 1er Mai vu par Chris Marker : le fond de l’air est grave »).

Écrivain ou peut-être plus précisément auteur de livres. On sait peut-être que Chris Marker, directeur de la collection « Petite Planète » au Seuil, fut le découvreur d’une forme d’une alliance moderne du texte et de l’image qui se libérait du rapport strict d’illustration, autrement dit qui leur offrait une coprésence sous le régime du ET. Avec le livre Coréennes (1959), il concevait un livre, fait de photographies, annoncé comme court-métrage ou  « ciné-essai ». Ses recherches sur une écriture spécifiquement interactive et le CD-ROM confirmeront le modèle du livre ou de l’album dans leur essence cinématographique si l’on veut bien voir la reliure comme dispositif de montage — concernant, comme tout dispositif, ce qui gouverne le passage de la production à la réception. C’est pourquoi encore, il ne faut pas parler, à propos des images photographiques de La Jetée, de photogrammes mais bien de plans ou de séquences ayant leurs durées, leurs articulations et leurs rythmes propres.

Le « film » du 1er mai 2009 appartient lui aussi à ce genre hybride de l’entre-image (Raymond Bellour) ou encore à celui du défilé, métaphore fondamentale du cinéma repérée par Godard lorsqu’au défilement des photogrammes il substitue (ou superpose) un défilé de personnes portant des photographies. Pour donner une « image juste », Chris Marker choisit de donner « juste une image » (Godard), beaucoup plus forte que celle de la manifestation, un défilé de portraits recueillis par lui dans ce défilé qui s’est présenté à lui.

Paris, vendredi 1er mai 2009, 17h20, le défilé boulevard Saint-Michel, dans la section qui va de Cluny au Luxembourg, C’est la première fois que je le vois ainsi en action. Pourtant, sa démarche, sa silhouette et son profil le désignent entre mille. Avoir voyagé avec lui, l’avoir croisé à l’époque de Immemory, a laissé l’empreinte du code visuel qui permet de repérer un personnage réputé invisible. D’ailleurs, un homme encore jeune l’approche depuis le trottoir mais ne parvient pas à retenir son attention. Je demande : « Vous savez qui c’est ? » ; réponse : « J’étais sur Sans soleil ! ». Je sais qu’il ne veut pas de photographies de lui mais je passe outre — pour l’instant — cette interdiction sous prétexte qu’il ne l’exprime pas.

Le 12 mai, la rédactrice de Poptronics nous avertit gentiment : « Quelle impudence :) ».

Le 11 juin, Patricia K. nous envoie ce commentaire : « La photo du « chasseur » solitaire ou plutôt du cueilleur d’images, accroupi comme un jeune homme et transformé en pied caméra-position-basse, nous aurait suffi… »

Le 24 juin 2009, la demande provient du premier cercle, elle est impérative : « Peux-tu enlever de ton blog, accessible à tous, cette photo et cette vidéo. »

Les sites et les blogs que nous faisons sont, jusqu’à nouvel ordre, des espaces relativement libres. On y pratique donc librement l’autocensure (voir la série de billets ayant trait au mouvement des Universités depuis le mois de janvier), surtout si un ami nous rappelle à la raison. J.-L.B.

PS. On nous rappelle aussi à l’ordre au nom du « droit à l’image ». Alors réfléchissons à ce qui fait que le droit à l’image n’est pas le même pour tous.

Bibliographie
Chris marker, Commentaires, Seuil, 1961
Raymond Bellour, L’Entre-Image 2, POL, 1999 : « Le livre, aller, retour — Apologie de Chris Marker », pp. 335-362 (reprise du texte publié dans Qu’est-ce qu’une madeleine ?, À propos du CD-ROM Immemory de Chris Marker, Yves Gevaert/Centre Pompidou, 1997
Raymond Bellour, « La querelle des dispositifs », Art Press, n°262 (à consulter ici)

Mots clés : , , ,

Communiqué

La galerie Ars Longa accueille Nogo Voyages, collectif qui réunit les artistes et chercheurs Stéphane Degoutin, Gwenola Wagon et Alex Knapp. Nogo Voyages est un laboratoire de projets dont le voyage est l’atelier. Le collectif explore le potentiel attractif des périphéries urbaines. Il produit des projets, des analyses et des réflexions sur l’espace public, réalise des textes, des films, des architectures fantastiques ainsi que des interventions in situ. Le collectif conçoit des logiques exploratoires qui rendent possible le voyage, en associant une méthode à un lieu spécifique. L’exposition présente au public différentes expérimentations déjà réalisées, comme la vidéo Moillesulaz échelle 1, issue du dispositif de sons géolocalisés autour de la zone frontalière franco-suisse de Moillesulaz. L’exposition propose également une collection de voyages, invitant les spectateurs à y participer, ainsi que des ateliers et des performances en collaboration avec plusieurs artistes étrangers.

Exposition du mercredi 6 mai  au vendredi 12 juin 2009

Vernissage le mardi 5 mai à partir de 19h
Suivi de la performance Courage, dispositif sonore interactif d’Alexis Chazard et Michaël Sellam.

Finissage vendredi 12 juin 2009 à partir de 20h
Suivi d’une performance en Langue des Signes Française de Céline Ahond.

Liste des artistes et intervenants : Stéphane Degoutin, Alex Knapp, Gwenola Wagon (Nogo Voyages), Alexis Chazard et Michaël Sellam, Marika Dermineur (Upgrade! Paris), Lalya Gaye, Julien Levesque, Bertrand Clavez et Ben Patterson.

Samedi 30 mai, 14h-18h : Nogo Voyages, Les Halles : Architecture potentielle échelle 1
Atelier d’écriture géolocalisée par GPS autour du jardin du forum des Halles.

Jeudi 4 juin : Ars Longa accueille Upgrade! Paris avec Nogo Voyages et Julien Levesque « Voyages dans les mondes persistants ».

Vendredi 5 juin, 14h-19h : Lalya Gaye, atelier de captation sonore et mobilité urbaine.

Samedi 6  juin : performance de Ben Patterson et conférence de Bertrand Clavez. Déplacement collectif d’une centaine de participants entre Ars Longa et Futur en Seine, retransmise en temps réel par le dispositif Métacarte.

ARS LONGA
67 Avenue Parmentier, 75011 Paris
Métro Parmentier

Agrandir le plan


Gwenola Wagon, immobile Porte Lescot, Forum des Halles (carte postale Nogo Voyages, édition Ars Longa, tirage: 500 exemplaires).

Mots clés : , , , , , ,