Photographie

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Caspar David Friedrich, 1774-1840, Vanderer über dem Nebelmeer, vers 1817. Photo jlggb, Hambourg, Kunsthalle, 20 mai 2014.

Colloque international « Arts et mobiles »
4 et 5 décembre 2014, INHA, Paris
Pour sa troisième saison, le groupe de recherche « Mobile et Création » de l’IRCAV aborde frontalement dans le cadre de ce colloque le rapport à l’Art des terminaux et services ayant des fonctionnalités mobiles (téléphones, smartphones, tablettes et autres phablets).
http://www.mobilecreation.fr

Ce colloque est l’occasion de renouveler la question des causes et des circonstances de ce que l’on nomme aujourd’hui à l’excès « révolution numérique ». On peut aussi s’interroger sur l’invention de l’ordinateur et du téléphone portable, puis « intelligent ».
Le rapprochement, même s’il faut éviter toute comparaison mécaniste, avec l’invention de la photographie — un cas très net de l’histoire des inventions de médiums technologiques — est utile. L’étude notable de Roland Recht, La Lettre de Humboldt, Christian Bourgois, 1989 (voir ci-dessous) devrait nous éclairer. Dans mon article « La perspective interactive », j’écrivais :
Selon l’analyse de Roland Recht consacrée à la naissance de la photographie, La Lettre de Humboldt, la photographie trouve ses raisons dans le regard individuel, diversifié, libre, émancipé d’une vision illusionniste et centrale que la fin du XVIIIe siècle, puis du Romantisme, portent sur le paysage. En adoptant le dispositif du cadrage, on assume l’image comme fragment d’un univers vaste, complexe et changeant. Mais voilà que la veduta, la fenêtre, s’ouvre à plat, à la surface de l’écran des ordinateurs. La « profondeur de temps » et la « trans-apparence » qu’annonçait Paul Virilio s’exercent désormais dans la profondeur d’Internet. http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?page_id=31

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recht humboldt cb 1989 couv
Roland Recht
La lettre de Humboldt
Du jardin paysager au daguerréotype
Christian Bourgois, Paris, 1989

Extrait pp. 147-152

Une manière de conclusion

Ce qui se constitue à partir du jardin paysager jusqu’à l’invention de la photographie en passant par la peinture de paysage, c’est une nouvelle théorie du regard. La préhistoire de cette théorie, elle, connaît sa naissance historique avec l’invention des Van Eyck. C’est aux environs de 1425 qu’ils parviennent, grâce à la mise au point d’une peinture dont le liant est l’huile, à poser des glacis successifs qui permettaient de produire des effets de transparence. Tout un monde miniaturisé fut alors disposé dans le tableau, rendant ainsi plus dense le spectacle proposé au spectateur. Le tableau devint un microcosme que la capacité optique de l’œil ne semble pas pouvoir épuiser. Avoir le sentiment que rien n’est jamais totalement vu, que l’image non seulement augmente notre plaisir de voir mais redouble notre acuité quotidienne : l’art nous apprend à voir le réel.
Une nouvelle flexion dans l’histoire du regard se situe au cours du XVIIIe siècle avec l’émergence du sentiment de la nature dont rend compte Jean-Jacques Rousseau. L’homme ne se sent plus soumis à son cours inexorable. En cherchant des points de vue nouveaux sur cette nature, l’homme des Lumières opère en fait la première remise en cause de l’espace illusionniste établi à la Renaissance et cela plus d’un siècle avant Degas et Cézanne auxquels Francastel et sa suite ont voulu attribuer la paternité. Car si le XVIIIe siècle proclame effectivement, comme l’avait fait la Renaissance, la primauté de la vue sur tous les autres sens, ce n’est pas dans le but d’ordonner le monde en fonction d’une position fixe de l’œil, mais plutôt dans celui de modifier la proximité de l’objet observé, à la manière dont on déplace l’optique d’un microscope. On pourrait dire en forçant les choses que la Renaissance a construit l’image à partir d’un point fixe et que le cadre de l’image est en quelque sorte la résultante de la position arbitraire de ce point, à la manière dont se tient l’onde la plus éloignée par rapport au point d’impact sur l’eau. On pourrait dire que la peinture de paysage telle que la pense le XVIIIe siècle finissant, part au contraire du cadre : c’est à partir de ses limites que se construit le contenu du champ pictural. Alberti disait bien que le tableau devait être perçu comme une fenêtre ouverte sur le monde : par là, il signifiait que le cadre était une donnée fixe que le peintre ne pouvait pas modifier. L’œil de Caspard-David Friedrich va balayer le panorama en quête d’une multitude de cadrages possibles parmi lesquels il va opérer un choix : une optique affinée comme celle que fournit la longue-vue, livre pour ainsi dire ces cadrages au sortir de l’œil. Mieux, il remarque à quel point l’objet, sur lequel il braque son optique, ne pouvant jamais être totalement isolé, gagne à être au contraire appréhendé au sein d’une matière végétale ou géologique qui indique le continuum entre cet objet et le monde. À la différence de l’image de la Renaissance qui constituait un récit cohérent, autonome et fermé sur lui-même, celle du paysage moderne se donne en tant que fragment. Lire la suite »

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On a déjà ici sommairement cité les travaux passionnants de David Claerbout — tout en leur accordant une grande place dans les exposés et discussions du séminaire (voir : http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=236). De sa récente exposition de la galerie Yvon Lambert (24 octobre – 22 novembre 2013) intitulée Interfuit, on évoque deux films, qui ont pour point commun de se former à partir de photos « trouvées » — comme cela est souvent le cas chez Claerbout. Pour Highway Wreck, 2013, c’est une photographie qui date de 70 ans (de la guerre), qui montre un soldat et trois enfants observant de près une voiture accidentée au bord de la route. Dans une successions progressive de plans — de légers mouvements sur des images fixes; des photographies dont la troisième dimension a été reconstruite — cette scène ancienne est contournée, reconstituée, placée dans un vaste ensemble de vues contemporaines, celles d’automobilistes bloqués sur une autoroute en raison d’un accident, de cet accident ancien. Parler de photographies est à la fois incertain, puisque la reconstruction numérique peut assimiler l’image à une « peinture », et cependant légitime tant il est vrai que la matière initiale provient d’une capture photographique des apparences. Il en va de même avec le film Oil workers (from the Shell company of Nigeria) returning home from work, caught in torrential rain, 2013, si ce n’est qu’ici c’est une seule photographie, prise sur Internet, qui est mise en volume, enrichie de façon très minutieuse et virtuose, pour permettre à la caméra de l’explorer dans un très lent travelling latéral. L’attente, la contemplation, l’étirement extrême du temps — jusque dans une dimension historique — parviennent ainsi à installer une tension véritablement troublante entre un sentiment de présence aiguisé et un puissant effet de réminiscence venu dont on ne sait où. [photos JLB]
dossier de presse : http://www.yvon-lambert.com/2013/CP_David_Claerbout_2013.pdf

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L’appareil Lytro, version 16 GB.

Nous avons à plusieurs reprises insisté ici sur la nuance de taille à apporter à l’idée d’une « révolution » que peut apporter le numérique au photographique. Pour bien mesurer l’ampleur des mutations, il faut savoir décrire aussi ce qui ne change pas : ainsi, un appareil photo numérique reste un appareil photographique, c’est-à-dire une chambre noire avec une optique et une surface sensible. L’exemple du scanner et d’autres types de balayage par un laser étaient déjà des techniques qui voyaient le photographique s’émanciper de la pyramide optique formée dans la chambre noire. Il en va autrement aussi quand l’optique est modifiée au point de ne plus donner lieu à une image réelle « simplement » captée puis traitée mais qui est couplée à des algorithmes, à une computation, qui fait de l’image une base de données dont il s’agira d’extraire la, ou plutôt les multiples images de type photographique. Il est vrai que la capture numérique, comme d’ailleurs la capture argentique, n’est pas une image « achevée ».  Cependant, ici, le principe prend une toute autre ampleur car il repousse à « après la prise de vue » un paramètre qui semblait inhérent à l’instant de la saisie optique, mécanique et électro-chimique, la mise au point, le placement du plan de capture en un plan de netteté optimum. Notons qu’une telle mise au point « après » est elle-même éventuelle puisqu’elle suppose une variation qui peut rester ouverte dans de nouvelles formes de diffusion et d’usage de ces « blocs photographiques », comme par exemple pour des images 3D, stéréoscopiques et interactives.

Il y a maintenant quatre ans (nous y faisions écho, voir : http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=256), Adobe présentait un dispositif multi-objectifs qui permettait un enregistrement visuel où la mise au point « restait à faire », autrement dit, qui fournissait une image d’apparence floue mais contenant les informations de sa propre mise au point dans tel ou tel plan de sa profondeur. Mettant en œuvre un principe comparable, le Lytro, annoncé fin 2011, est un appareil-logiciel qui saisit en la traitant non plus l’image réelle formée dans un plan où elle est principalement nette, mais le champ de rayons omnidirectionnels émis par l’objet, une globalité lumineuse chargée du potentiel d’informations apte à restituer l’image volumique que l’optique classique échoue à percevoir. Pour le dire simplement, l’appareil capture à la fois l’intensité et la direction de la lumière — et pour cela opère dans une quatrième dimension. L’appareil diffère d’un appareil photo digital ordinaire par la présence d’une grille de micro-lentilles devant son capteur. La notion de Digital Light Field Photography emprunte celle de light field à l’image de synthèse et en particulier au ray-tracing.

Une série de photographies « à mettre au point » est visible sur le site : http://www.lytro.com/living-pictures/292.

Citation du site Lytro, 26 décembre 2011 : Les tout premiers champs de lumière ont été capturés à l’Université de Stanford il y a maintenant 15 ans. La recherche la plus avancée sur le champ de lumière demandait une pièce remplie de caméras reliées à un superordinateur. Aujourd’hui, Lytro achève le travail de sortir les champs de lumière hors du laboratoire de recherche et de les rendre disponibles pour tous, sous la forme de la première Lytro Light Field Camera.

Pour plus d’informations techniques sur la Digital Light Field Photography, consulter :
https://www.lytro.com/science_inside
http://www.lytro.com/renng-thesis.pdf



Exemples de l’effet Lytro : photo par Mugur Marculescu et portrait du directeur de la photographie Stephen Goldblatt © Lytro.

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Il y a longtemps que se dénonce, par des études théoriques comme par des propositions artistiques, scientifiques et expérimentales, que la photographie n’est pas attachée à la vue. Ce n’est pas la photographie faite par les aveugles qui est la plus éclairante sur cette question, au contraire peut-être, puisqu’il y est question d’image mentale, d’imagination ou de désir de voir.



Sascha Pohflepp, Buttons, 2006.

Au dossier pour l’instant, Buttons, une proposition de Sascha Pohflepp. Cet artiste et designer (Cologne, 1978), aujourd’hui basé à Londres pour le Design Interactions Programm du Royal College of Art, avait conduit cette expérience à la Universität der Künste de Berlin en 206, dans le cadre d’un mémoire intitulé « Between Blinks and Buttons ». Dans le contexte de tout un ensemble de recherches liées aux réseaux et au banques d’images indexées telles que Flickr, Buttons met en évidence poétiquement et concrètement la saisie photographique comme point de la flèche du temps, comme événement simultané à une infinité d’autres moments, y compris ceux d’autres prises de vues synchrones, indépendamment de leur lieu. L’appareil photo est devenu un objet appartenant aux réseaux. L’appareil de Buttons ne comporte aucun élément optique. En ce sens, il est ironiquement l’appareil numérique « émancipé de l’optique » que croyaient révéler les théoriciens trop pressés de la photographie numérique (cf. l’expression « de l’optique au numérique ») — alors que dans la photo numérique, beaucoup de  choses changent, sauf la formation d’une image lumino-optique (jusqu’à nouvel ordre).

« Il vous permet de saisir votre moment, mais, ce faisant, il le détache du sujet. Quand vous voulez mémoriser un moment, l’appareil mémorise seulement la temps (la date) et commence à chercher sur le Net d’autres photos qui ont été prises exactement au même instant »

« Après qelquex minutes ou quelques heures, une image apparaitra sur l’écran de l’appareil. »

À consulter, le site de Sascha Pohflepp et « A blind camera », la page consacrée à Buttons.

Buttons, vidéo de documentation [cc] 2006

Sascha Pohflepp est contributeur du site We make money not art, sous la signature de Plugimi.

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