décembre 2010

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Piero Gilardi, galerie Sémiose, Paris, 9 octobre 2009. (photo JLB)


Piero Gilardi, Macchina per discorrere (Machine pour discourir, de la série Macchine per il futuro, sa première exposition), 1963, bois et matériel électrique, collection de l’artiste (il avait 21 ans). Exposition Leçon de choses, au CCC (Centre de Création Contemporaine) de Tours, où Piero Gilardi a proposé, du 26 juin au 07 novembre 2010, des éléments d’une rétrospective de près de 50 ans. (photo et vidéo 9s par JLB)
Iktaalik (2010), installation interactive inédite (co-produite avec le CCC) qui traite des interrelations entre l’homme et le monde animal. (vidéo 40s par JLB)


Deux ans après sa première exposition personnelle, « Machines pour le futur » en 1963, Piero Gilardi réalise ses premières pièces en mousse polyuréthane, les « tapis-nature ». Une pièce récente à la galerie Sémiose, Paris, en octobre 2009. (photo JLB)

Notice du CCC de Tours : Né en 1942 à Turin, Piero Gilardi vit et travaille à Turin. Il fut dans les années 60 l’un des membres fondateurs de l’Arte Povera et l’inventeur des célèbres « tapis-nature », échantillons de nature artificielle en mousse polyuréthane. Il explore au cours des années 70 d’autres voies qui le guident rapidement vers un art plus relationnel : menant des expériences d’art thérapie et de créativité collective, au Nicaragua ou en Afrique, il s’investit parallèlement dans le militantisme social et politique. Depuis les années 80, son œuvre s’oriente vers le Bio Art et les nouvelles technologies. En 2008, il crée à Turin le Parc d’Art Vivant (PAV), qui concrétise sa conception d’un art profondément engagé dans la vie, ouvert à la compréhension du vivant dans toute sa complexité et diversité.

Notice du Mamco de Genève : http://www.mamco.ch/artistes_fichiers/G/gilardi.html

Ce qu’on sait moins, c’est que Piero Gilardi était avec Andy Warhol à la Factory de New York au milieu des années 60*, qu’il était parmi les jeunes gens qui ont accompagné Harald Szeemann au moment de Quand les attitudes deviennent forme en 1969 à la Kunsthalle de Bern, qu’il fut l’un des fondateurs et principaux animateurs, dans les années 90, de l’Association Ars Technica (Paris-Turin) avec Claude Faure et Piotr Kowalski. Il exposa en 1991 à la galerie Di Meo, à Paris, l’installation interactive Inverosimile, « vignes dansantes », créée à Sienne en 1990, et dont on verra une nouvelle version à la Biennale de Lyon en 2003.


Piero Gilardi, Inverosimile, 1990 (dr)

En 1992 il produisit spécialement pour la Biennale des arts interactifs Artifices, que nous organisions à Saint-Denis, l’installation participative Nord vs. Sud (voir le catalogue Artifices 2 en ligne : http://www.ciren.org/artifice/artifices_2/gilardi.html).


Piero Gilardi, Nord vs. Sud, Artifices 2, 1992 (photo JLB)
Plus récemment, ses œuvres ont été incluses dans la rétrospective From Zero to Infinity: Arte Povera 1962–1972 à la Tate Gallery de Londres en 2001, aussi bien que, la même année, dans Les Années pop, au Centre Pompidou (alors qu’Arte Povera et Pop Art sont ordinairement opposés).


Piero Gilardi
Not for Sale – A la recherche de l’art relationnel 1982-2000
Préface d’Eric Troncy.
Traduit de l’italien par Fulvia Airoldi Namer.
Les Presses du réel, 2003
édition française, 15 x 21 cm, 224 pages, 12 €
ISBN : 978-2-84066-079-8/EAN : 9782840660798

Extrait de la présentation du livre aux Presses du réel :
Ce livre réunit des textes des vingts dernières années. Conduite au plan social, comme esthétique et philosophique, cette réflexion vise à préciser la place de l’individu dans la communauté contemporaine. L’engagement sans concession de Piero Gilardi en faveur du resserrement des liens entre l’art et la vie, vont le pousser à l’action sur le terrain de l’expérimentation collective : des formes du théâtre politique et anthropologique, aux ateliers psychiatriques.


NOTE * Voir la série des photos par Billy Name dans le très beau catalogue Andy Warhol du Moderna Museet de Stockholm, février-mars 1968 (composé uniquement de citations de Warhol et de nombreuses photographies). (collection JLB)


Richard Avedon, portrait de Viva (Janet Susan Mary Hoffmann) qui est avec Piero Gilardi dans la photo ci-dessus.
La chaîne des hyperliens (relationnels) pourrait s’étendre très loin et dans diverses directions : Michel Auder, Cindy Sherman, etc.

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Niklas Roy, My Little Piece of Privacy, installation interactive, 2010.

Niklas Roy (http://www.niklasroy.com/, né en 1974, il vit et travaille à Berlin) a créé, ces dernières années, de nombreuses installations interactives. My Little Piece of Privacy, qu’il a installée (en octobre 2010) à la fenêtre de son atelier, est très convaincante. Il s’agit d’un rideau motorisé, ou robotisé, qui accompagne les piétons qui passent devant lui. Sa vivacité associée à une très grande simplicité, la relation qu’elle instaure entre intérieur et extérieur, entre expérimentateur inventif et public « ordinaire », font que cette proposition retient l’attention dans la discussion sur la pertinence des œuvres interactives. D’innombrables expériences ont été basées sur la présence et le comportement du spectateur. Elles souffrent généralement d’une instrumentalisation du public, d’un « mode d’emploi » obscur ou bien vide de sens. Ici, le caractère à la fois direct et surprenant de l’interaction, qui se passe de toute interface, instaure une poétique humoristique particulièrement réussie.


Document vidéo de l’artiste.

NOTE. Niklas Roy est aussi l’auteur d’une version purement mécanique du jeu vidéo historique Pong : Pongmekanic. Site : http://www.cyberniklas.de/pongmechanik/index.html


Niklas Roy, Pongmekanic, 2003-2004. Photo Andy Küchenmeister.

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Notes pour une théorie 
esthétique de l’interactivité *

Jean-Louis Boissier

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1. Définition de l’interactivité

Le terme d’interactivité, bien qu’il ait eu précédemment un certain usage dans le domaine scientifique, s’est imposé, à la fin des années 70, pour répondre à une situation nouvelle. Il s’agissait de désigner la qualité, le type de dialogue que l’on peut avoir avec une machine, ou plutôt, parce que cette machine est très automatique, parce qu’elle présente une certaine autonomie, la manière dont une machine « comprend » et « répond ».

Pourquoi cette nécessité ? L’ordinateur, le processeur qui en est le centre, présentent la caractéristique d’une très grande opacité. Si l’on s’en tient à une description très simplifiée, on dira que ce qui s’y exerce est un ensemble gigantesque, rapide et complexe d’opérations qui, au plus près du plan matériel, consistent en deux états d’un flux électrique. Ces deux valeurs permettent, par leur combinaison, de supporter toutes les opérations qu’exécute le processeur, c’est-à-dire l’envoi d’instructions et le traitement des données d’un programme.

On peut noter que cette interprétation des entrées et sorties induit déjà, à elle seule, le caractère dialogique du dispositif informatique. On parlera aussi de « mode conversationnel ». Au demeurant, cette dernière expression reflète la situation où la relation entre le travail de l’ordinateur et son utilisateur reposait sur le « texte » s’affichant à l’écran. L’interactivité suppose une rapidité convenable de cet échange, c’est l’origine de l’expression « temps réel » que l’on peut traduire par l’expression stéréotypée qui vient inévitablement dans toute description de l’interactivité : « à chaque instant » « la machine répond… », « l’utilisateur peut… », etc.

Le numérique appelait une relation de contrôle, d’envoi et de réception d’informations toujours plus rapide et plus intense. Si l’on peut dire que le numérique porte l’interactif dans son principe, il a fallu un certain développement technique spécifique pour que l’interactivité réussisse à compenser la « boîte noire » qu’est a priori l’ordinateur. C’est ainsi que la notion d’« interface » a considérablement évolué. On a du mal à imaginer que les premiers ordinateurs n’aient eu ni clavier ni écran, alors qu’aujourd’hui l’ordinateur tend à s’assimiler à eux et fait oublier son « unité centrale ».

Il est vrai que la miniaturisation des processeurs a conduit à leur intégration directe partout où ils sont nécessaires, dans des objets que l’on n’assimile pas à des ordinateurs : automobiles, téléphones, machines à laver, jouets, etc. On peut citer à ce propos les installations centrées sur des vidéodisques des années 80 où l’on pouvait se passer d’ordinateur pour piloter l’accès aux images en utilisant des mémoires « mortes » (EPROM), autrement dit des « puces » programmées par transformation physique et définitive.

Les interfaces ont évolué en fonction de la nature et de la puissance de l’interactivité, ainsi les manettes de jeu. Mais il arrive aussi un point où c’est le programme qui se complexifie pour permettre une interface simplifiée et « intuitive » comme les écrans tactiles. Dans le domaine spécifique du couplage vidéo et interactivité, c’est l’image vidéo elle-même qui fait figure d’interface principale, ou tout au moins d’élément relationnel à parité avec la commande proprement dite. Pour étayer l’indépendance des relations rapportées à leurs termes, l’image de la conduite automobile peut être adoptée à propos de la situation de l’image dans la plupart des projets vidéo-interactifs : si le volant, l’accélérateur, etc. sont des interfaces de la conduite, c’est-à-dire de relation entre comportement de la voiture et configuration de la route, on comprend bien que le conducteur intègre dialectiquement, ce qu’il voit, ses gestes et ce qu’il perçoit en retour dans la course du véhicule, en particulier l’« image » cadrée par le pare-brise. Dans cette comparaison, les différents compteurs du tableau de bord sont à comparer aux interfaces graphiques qui sont elles aussi inhérentes au principe d’interactivité.

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