Théorie

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PRACTICABLE
From Participation to Interaction in Contemporary Art

Samuel Bianchini and Erik Verhagen, editors
with the collaboration of Nathalie Delbard and Larisa Dryansky.
Published by MIT Press, Leonardo Book Series.
904 pp. | 7 x 9 in | 164 b&w illus. | October 2016
Hardcover | $50.00 | £41.95 | ISBN: 9780262034753
For more informations and to buy: https://mitpress.mit.edu/books/practicable

How are we to understand works of art that are realized with viewers’ physical involvement? How are we to analyze a relationship between a work of art and its audience that is rooted in an experience both aesthetic and physical when “user experience” is a central concern of a society held in the grip of omnipresent interactivity? Between two seemingly opposed modes, contemplation and use, this book offers a third option: that of “practicable” works, made for and of audience action. Today, these works often use digital technologies, but artists have created participatory works since the mid-twentieth century. In this volume, critics, writers, and artists provide diverse perspectives on this kind of “practicable” art, discussing and documenting a wide variety of works from recent decades. Practicable returns to the mainstays of contemporary art from the 1950s to the present, examining artistic practices that integrate the most forward-looking technologies, disregarding the false division between artworks that are technologically mediated and those that are not. Practicable proposes a historical framework to examine art movements and tendencies that incorporate participatory strategies, drawing on the perspectives of the humanities and sciences. It investigates performance and exhibition, as well as key works by artists including Marina Abramović, Janet Cardiff, Lygia Clark, Piotr Kowalski, Robert Morris, David Rokeby, and Krzysztof Wodiczko, and features interviews with such leading artists and theoreticians as Matt Adams of Blast Theory, Claire Bishop, Nicolas Bourriaud, Thomas Hirschhorn, Bruno Latour, Seiko Mikami, and Franz Erhard Walther.

Contributors

Matt Adams (Blast Theory), Jean-Christophe Bailly, Samuel Bianchini, Claire Bishop, Jean-Louis Boissier, Nicolas Bourriaud, Christophe Charles, Valérie Châtelet, Jean-Pierre Cometti, Sarah Cook, Jordan Crandall, Dominique Cunin, Nathalie Delbard, Anna Dezeuze, Diedrich Diederichsen, Christophe Domino, Larisa Dryansky, Glória Ferreira, Jean-Paul Fourmentraux, Gilles Froger, Masaki Fujihata, Jean Gagnon, Katrin Gattinger, Jochen Gerz, Piero Gilardi, Véronique Goudinoux, Usman Haque, Helen Evans and Heiko Hansen (HeHe), Jeppe Hein, Thomas Hirschhorn, Marion Hohlfeldt, Pierre-Damien Huyghe, Judith Ickowicz, Eric Kluitenberg, Janet Kraynak, Bruno Latour, Christophe Leclercq, Frédérik Lesage, Rafael Lozano-Hemmer, Peter Lunenfeld, Lawrence Malstaf, Julie Martin, Seiko Mikami, Dominique Moulon, Hiroko Myokam, Ernesto Neto, Mayumi Okura, Eddie Panier, Françoise Parfait, Simon Penny, Daniel Pinkas, Chantal Pontbriand, Emanuele Quinz, Margit Rosen, Alberto Sánchez Balmisa, Frederik Schikowski, Arnd Schneider, Madeline Schwartzman, Luke Skrebowski, Vanessa Theodoropoulou, Rirkrit Tiravanija, Andrea Urlberger, Erik Verhagen, Franz Erhard Walther, Peter Weibel, Renate Wiehager, Catherine Wood, Giovanna Zapperi, Anne Zeitz, David Zerbib.

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Caspar David Friedrich, 1774-1840, Vanderer über dem Nebelmeer, vers 1817. Photo jlggb, Hambourg, Kunsthalle, 20 mai 2014.

Colloque international « Arts et mobiles »
4 et 5 décembre 2014, INHA, Paris
Pour sa troisième saison, le groupe de recherche « Mobile et Création » de l’IRCAV aborde frontalement dans le cadre de ce colloque le rapport à l’Art des terminaux et services ayant des fonctionnalités mobiles (téléphones, smartphones, tablettes et autres phablets).
http://www.mobilecreation.fr

Ce colloque est l’occasion de renouveler la question des causes et des circonstances de ce que l’on nomme aujourd’hui à l’excès « révolution numérique ». On peut aussi s’interroger sur l’invention de l’ordinateur et du téléphone portable, puis « intelligent ».
Le rapprochement, même s’il faut éviter toute comparaison mécaniste, avec l’invention de la photographie — un cas très net de l’histoire des inventions de médiums technologiques — est utile. L’étude notable de Roland Recht, La Lettre de Humboldt, Christian Bourgois, 1989 (voir ci-dessous) devrait nous éclairer. Dans mon article « La perspective interactive », j’écrivais :
Selon l’analyse de Roland Recht consacrée à la naissance de la photographie, La Lettre de Humboldt, la photographie trouve ses raisons dans le regard individuel, diversifié, libre, émancipé d’une vision illusionniste et centrale que la fin du XVIIIe siècle, puis du Romantisme, portent sur le paysage. En adoptant le dispositif du cadrage, on assume l’image comme fragment d’un univers vaste, complexe et changeant. Mais voilà que la veduta, la fenêtre, s’ouvre à plat, à la surface de l’écran des ordinateurs. La « profondeur de temps » et la « trans-apparence » qu’annonçait Paul Virilio s’exercent désormais dans la profondeur d’Internet. http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?page_id=31

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recht humboldt cb 1989 couv
Roland Recht
La lettre de Humboldt
Du jardin paysager au daguerréotype
Christian Bourgois, Paris, 1989

Extrait pp. 147-152

Une manière de conclusion

Ce qui se constitue à partir du jardin paysager jusqu’à l’invention de la photographie en passant par la peinture de paysage, c’est une nouvelle théorie du regard. La préhistoire de cette théorie, elle, connaît sa naissance historique avec l’invention des Van Eyck. C’est aux environs de 1425 qu’ils parviennent, grâce à la mise au point d’une peinture dont le liant est l’huile, à poser des glacis successifs qui permettaient de produire des effets de transparence. Tout un monde miniaturisé fut alors disposé dans le tableau, rendant ainsi plus dense le spectacle proposé au spectateur. Le tableau devint un microcosme que la capacité optique de l’œil ne semble pas pouvoir épuiser. Avoir le sentiment que rien n’est jamais totalement vu, que l’image non seulement augmente notre plaisir de voir mais redouble notre acuité quotidienne : l’art nous apprend à voir le réel.
Une nouvelle flexion dans l’histoire du regard se situe au cours du XVIIIe siècle avec l’émergence du sentiment de la nature dont rend compte Jean-Jacques Rousseau. L’homme ne se sent plus soumis à son cours inexorable. En cherchant des points de vue nouveaux sur cette nature, l’homme des Lumières opère en fait la première remise en cause de l’espace illusionniste établi à la Renaissance et cela plus d’un siècle avant Degas et Cézanne auxquels Francastel et sa suite ont voulu attribuer la paternité. Car si le XVIIIe siècle proclame effectivement, comme l’avait fait la Renaissance, la primauté de la vue sur tous les autres sens, ce n’est pas dans le but d’ordonner le monde en fonction d’une position fixe de l’œil, mais plutôt dans celui de modifier la proximité de l’objet observé, à la manière dont on déplace l’optique d’un microscope. On pourrait dire en forçant les choses que la Renaissance a construit l’image à partir d’un point fixe et que le cadre de l’image est en quelque sorte la résultante de la position arbitraire de ce point, à la manière dont se tient l’onde la plus éloignée par rapport au point d’impact sur l’eau. On pourrait dire que la peinture de paysage telle que la pense le XVIIIe siècle finissant, part au contraire du cadre : c’est à partir de ses limites que se construit le contenu du champ pictural. Alberti disait bien que le tableau devait être perçu comme une fenêtre ouverte sur le monde : par là, il signifiait que le cadre était une donnée fixe que le peintre ne pouvait pas modifier. L’œil de Caspard-David Friedrich va balayer le panorama en quête d’une multitude de cadrages possibles parmi lesquels il va opérer un choix : une optique affinée comme celle que fournit la longue-vue, livre pour ainsi dire ces cadrages au sortir de l’œil. Mieux, il remarque à quel point l’objet, sur lequel il braque son optique, ne pouvant jamais être totalement isolé, gagne à être au contraire appréhendé au sein d’une matière végétale ou géologique qui indique le continuum entre cet objet et le monde. À la différence de l’image de la Renaissance qui constituait un récit cohérent, autonome et fermé sur lui-même, celle du paysage moderne se donne en tant que fragment. Lire la suite »

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Notes pour une théorie 
esthétique de l’interactivité *

Jean-Louis Boissier

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1. Définition de l’interactivité

Le terme d’interactivité, bien qu’il ait eu précédemment un certain usage dans le domaine scientifique, s’est imposé, à la fin des années 70, pour répondre à une situation nouvelle. Il s’agissait de désigner la qualité, le type de dialogue que l’on peut avoir avec une machine, ou plutôt, parce que cette machine est très automatique, parce qu’elle présente une certaine autonomie, la manière dont une machine « comprend » et « répond ».

Pourquoi cette nécessité ? L’ordinateur, le processeur qui en est le centre, présentent la caractéristique d’une très grande opacité. Si l’on s’en tient à une description très simplifiée, on dira que ce qui s’y exerce est un ensemble gigantesque, rapide et complexe d’opérations qui, au plus près du plan matériel, consistent en deux états d’un flux électrique. Ces deux valeurs permettent, par leur combinaison, de supporter toutes les opérations qu’exécute le processeur, c’est-à-dire l’envoi d’instructions et le traitement des données d’un programme.

On peut noter que cette interprétation des entrées et sorties induit déjà, à elle seule, le caractère dialogique du dispositif informatique. On parlera aussi de « mode conversationnel ». Au demeurant, cette dernière expression reflète la situation où la relation entre le travail de l’ordinateur et son utilisateur reposait sur le « texte » s’affichant à l’écran. L’interactivité suppose une rapidité convenable de cet échange, c’est l’origine de l’expression « temps réel » que l’on peut traduire par l’expression stéréotypée qui vient inévitablement dans toute description de l’interactivité : « à chaque instant » « la machine répond… », « l’utilisateur peut… », etc.

Le numérique appelait une relation de contrôle, d’envoi et de réception d’informations toujours plus rapide et plus intense. Si l’on peut dire que le numérique porte l’interactif dans son principe, il a fallu un certain développement technique spécifique pour que l’interactivité réussisse à compenser la « boîte noire » qu’est a priori l’ordinateur. C’est ainsi que la notion d’« interface » a considérablement évolué. On a du mal à imaginer que les premiers ordinateurs n’aient eu ni clavier ni écran, alors qu’aujourd’hui l’ordinateur tend à s’assimiler à eux et fait oublier son « unité centrale ».

Il est vrai que la miniaturisation des processeurs a conduit à leur intégration directe partout où ils sont nécessaires, dans des objets que l’on n’assimile pas à des ordinateurs : automobiles, téléphones, machines à laver, jouets, etc. On peut citer à ce propos les installations centrées sur des vidéodisques des années 80 où l’on pouvait se passer d’ordinateur pour piloter l’accès aux images en utilisant des mémoires « mortes » (EPROM), autrement dit des « puces » programmées par transformation physique et définitive.

Les interfaces ont évolué en fonction de la nature et de la puissance de l’interactivité, ainsi les manettes de jeu. Mais il arrive aussi un point où c’est le programme qui se complexifie pour permettre une interface simplifiée et « intuitive » comme les écrans tactiles. Dans le domaine spécifique du couplage vidéo et interactivité, c’est l’image vidéo elle-même qui fait figure d’interface principale, ou tout au moins d’élément relationnel à parité avec la commande proprement dite. Pour étayer l’indépendance des relations rapportées à leurs termes, l’image de la conduite automobile peut être adoptée à propos de la situation de l’image dans la plupart des projets vidéo-interactifs : si le volant, l’accélérateur, etc. sont des interfaces de la conduite, c’est-à-dire de relation entre comportement de la voiture et configuration de la route, on comprend bien que le conducteur intègre dialectiquement, ce qu’il voit, ses gestes et ce qu’il perçoit en retour dans la course du véhicule, en particulier l’« image » cadrée par le pare-brise. Dans cette comparaison, les différents compteurs du tableau de bord sont à comparer aux interfaces graphiques qui sont elles aussi inhérentes au principe d’interactivité.

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Intervention de Mercedes Bunz, conférence LIFT10, Centre international de conférences, Genève, 5 mai 2010. (photo JLB)

Les conférences LIFT se présentent ainsi :

Lift est une série de conférences qui explore les implications économiques et sociales des nouvelles technologies en Europe et dans le monde. Chaque conférence offre la possibilité de comprendre les effets de l’innovation sur la société, et de transformer le changement en opportunité.

Site de LIFT : http://liftconference.com/lift10

Un aperçu du contenu de LIFT10, Genève, 5-7 mai 2010, dans l’émission de Xavier de la Porte, « Place de la toile », sur France culture : « Retour sur LIFT10 » le 14 mai 2010

Invités :
Jamais Cascio, futuriste, Institute For The Futur
Olivier Glassey, sociologue, université de Lausanne
Mercedes Bunz, journaliste au Guardian
Basile Zimmermann, sinologue, université de Genève
Yeon-ho Oh, fondateur et directeur du site d’informations coréen OhMyNews

Télécharger cette émission en mp3 : http://www.arpla.fr/canal20/adnm/wp-mp3/LIFT10-GENEVE.mp3

Un entretien avec Mercedes Bunz par le groupe IDN d’EnsadLab : http://idn.ensad.fr/?p=1043

Le catalogue de l’exposition MODE : DEMO dans LIFT10 : http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=2331

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Arts des nouveaux médias. Préparation du séminaire du 11 mai 2010. Anne Zeitz

Texte

« Je voudrais suggérer ici une autre manière d’avancer vers une nouvelle économie des relations de pouvoir, qui soit à la fois plus empirique, plus directement reliée à notre situation présente, et qui implique davantage de rapports entre la théorie et la pratique. Ce nouveau mode d’investigation consiste à prendre les formes de résistance aux différents types de pouvoir comme point de départ. Ou, pour utiliser une autre métaphore, il consiste à utiliser cette résistance comme un catalyseur chimique qui permet de mettre en évidence les relations de pouvoir, de voir où elles s’inscrivent, de découvrir leurs points d’application et les méthodes qu’elles utilisent. Plutôt que d’analyser le pouvoir du point de vue de sa rationalité interne, il s’agit d’analyser les relations du pouvoir à travers l’affrontement des stratégies. »
Michel Foucault, « Le sujet et le pouvoir », in Dits et écrits II, Paris, Gallimard, 2001

Films


The Conversation
, Francis Ford Coppola, 1974


Enemy of the State
, Tony Scott, 1998

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Dan Graham, Performer/Audience/Mirror, 1975, 23 minutes (cf. http://www.ubu.com/film/graham_performer.html)

Dan Graham écrit :

« Through the use of the mirror the audience is able to instantaneously perceive itself as a public mass (as a unity), offsetting its definition by the performer (‘s discourse). The audience sees itself reflected by the mirror instantly while the performer’s comments are slightly delayed. First, a person in the audience sees himself ‘objectively’ (‘subjectively’) perceived by himself, next he hears himself described ‘objectively’ (‘subjectively’) in terms of the performer’s perception. »

A performer faces a seated audience. Behind the performer, covering the back wall (parallel to the frontal view of the seated audience), is a mirror reflecting the audience.

PROCEDURE:

Stage 1: The performer looks in the general direction of the audience. He begins a continuous description of the external movements and the attitudes he believes are signified y this behavior for about 5 minutes. The audience hears the performer and sees a mirrorview reverse to the performer’s view.

Stage 2: The performer continues facing he audience. Looking directly at them, he continuously describes their external behavior for bout 5 minutes.

Stage 3: The performer faces the mirror (his back being turned to the audience). For about 5 minutes he continuously describes his front body’s gestures and the attitudes it may signify. He is free to move about, to change his distance relative to the mirror, in order to better see aspects of his body’s movements. When he sees and describes his front, the audience, inversely, sees his back (and their front). The performer is facing the same direction as the audience, seeing the same mirror-view. The audience can not see (the position of) the performer’s eyes.

Stage 4: The performer remains turned, facing the mirror. For about 5 minutes he observes and continuously describes the audience who he can see mirror-reversed from Stage 2 (their right and left now being the same as his). He freely moves about relative to the mirror in order to view different aspects of the audience’s behavior. His change of position produces a changing visual perspective which is correspondingly reflected in the description. The audience’s view remains fixed; they are not (conventionally) free to move from their seats in relation to the mirror covering the front staging area.

NOTES
Sur Dan Graham, la performance, l’« esthétique de la relation » et le « temps réel », voir deux articles précédents de ce blog AdNM :
http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=985
http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=1193

Deux exemples de la postérité de cette performance historique de Dan Graham :

Walker Art Center (Minneapolis, États Unis), 12 mars 2009.
Choreographers Olive Bieringa and Otto Ramstad (aka the Body Cartography Project) are known for combining dance, video, and public space. Join them for a movement-based tour of the work of Dan Graham, whose art shares a similar sensibility.

Performer/Audience/Remake sample part 1 from Adad Hannah on Vimeo.
This is an excerpt from a 22-minute video consisting of twelve two minute shots of people performing tableaux vivants of a performance titled Performer/Audience/Mirror originally performed by American artist Dan Graham in 1975. My version was produced in 2008 and is called Performer/Audience/Remake.

Un texte de référence par Thierry de Duve :

Extrait du texte de Thierry de Duve, « Dan Graham et la critique de l’autonomie artistique », in Dan Graham, Pavilions, Kunsthalle Bern, 12 März – 17 April 1983, pp. 45-73.

3. Performer/Audience Mirror 1977

« Un performer fait face un public assis. Derrière le performer, couvrant le mur du fond (et parallèle à la vue frontale du public assis), se trouve un miroir réfléchissant le public. »

Il existe une version « améliorée » de Performer/Audience Sequence, dans laquelle un grand miroir a été placé derrière le performer, face au public. Sa fonction, comme celle du miroir latéral dans Present Continuous Past(s), est avant tout de permettre au public la production et l’enregistrement d’un maintenant de référence qui est l’idée d’un point de départ historique, l’impératif qui prescrit à chacun la responsabilité de faire l’histoire, c’est-à-dire d’en juger.

La performance comporte quatre phases qui peuvent se répéter, d’une durée approximative de cinq minutes chacune. Les deux premières sont identiques à ce qui se passe dans Performer/Audience Sequence : face au public, le performer se décrit lui-même, puis décrit le public. Les deux dernières sont la répétition des deux premières, à ceci près que le performer s’est retourné vers le miroir. Il peut donc se décrire en se voyant; et lorsqu’il décrit le public, il décrit en fait son image virtuelle inversée latéralement. Parmi bien d’autres aspects qui distinguent cette performance de Performer/Audience Sequence, il y a ceux-ci sur lesquels Dan Graham insiste: «Grâce à l’usage d’un miroir, le public est capable de se percevoir instantanément comme faisant corps, publiquement (comme une unité), compensant sa définition par le performer. Ceci lui donne dans la performance un pouvoir équivalent à celui du performer.» Si l’on ajoute à cela que dans les deux dernières phases «le performer est tourné dans la même direction que le public, regardant la même vue dans le miroir», on se rend compte que l’allégorie politique de Performer/Audience Sequence, est nettement déplacée. Le performer y était comme un député en campagne électorale. Tourné dans la même direction que le public, il apparaît plus encore légitimé dans ce rôle, comme s’il avait été délégué par le groupe pour être son porte-parole. De plus, le public dispose maintenant d’une surface de projection où l’image de soi que lui réverbère le performer peut être comparée à son propre imaginaire. L’allégorie se fait utopique: si les médias renvoyaient immédiatement à la masse l’image qu’elle a d’elle-même, le contrôle démocratique serait moins incertain, l’homéostasie moins coûteuse, le pouvoir plus légitime et plus transparent. A une allégorie pessimiste succède une allégorie optimiste qui place l’autonomie au bout de l’homéostasie.

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Arts des nouveaux médias. Préparation du séminaire du 23 mars 2010. Héloïse Lauraire

Il sera question de la perception de l’épaisseur du temps (cf. texte Chronologies de Daniel Birnbaum) ainsi que de la théorie de « l’expérience émotionnelle de l’espace », en référence au texte éponyme de Pierre Kaufmann qui traite notamment du rapport entre l’architecture et la peur.
Pour ce faire, certaines œuvres étudiées dans le corpus de ma thèse intitulée « des vertus de l’insécurité dans l’art contemporain ». En effet, ces dernières mettent en jeu pour le spectateur une perception particulière du temps liée à des déplacements dans l’espace et dans le temps. Il pourra donc être fait référence aux dispositifs et installations de Mathieu Briand, Christoph Büchel, Gregor Schneider ou encore Christophe Berdaguer et Marie Péjus.


Mathieu Briand, Derrière Le Monde Flottant, Musée d’Art Contemporain de Lyon, 2004
(photo : Bruno Amsellem)

Le dédale a t-il un centre ? Ce titre est emprunté au texte de Daniel Birnbaum, « Chronologies », extrait de l’essai Chronologie, Co-Edition Les presses du réel, Dijon /JRP.Ringier, Zurich, 2007)

Daniel Birnbaum, Chronologies, p. 45-51


http://www.ednm.fr/wp-pdf/Birnbaum Chronologies.pdf

Lien vers Stanley Kubrick, 2001, Odyssée de l’espace, 1968, dernière partie : « Jupiter et au delà de l’infini »
http://www.youtube.com/watch?v=c1IPrx-zC1Y

Arts des nouveaux médias. Préparation du séminaire du 16 février 2010. Mariina Bakic


J.L. Austin, Quand dire, c’est faire, Seui.

Quand dire, c’est faire, la théorie des actes de langage de John L. Austin opère loin du cadre concerné par la discipline de ma recherche, auquel celle-ci se rapporte pourtant. Le performatif est une qualité du langage ordinaire, tandis que l’art un artifice des moins ordinaires. Pourtant, à travers la lecture spécifique aux œuvres de l’iconographie de cette thèse, il se révèle que la lecture actée en art possède des qualités performatives, qui sont mobilisées par la possibilité d’inscription de cette lecture à l’œuvre.
« Le performatif dans l’art contemporain » est une incursion dans les composantes linguistiques de l’esthétique. Le regard posé sur ces dispositifs analysés possède des attributs actées et fait appel à de nombreuses dimensions de l’énonciation, tant dans l’expression de la déictique  que dans les postures spécifiques qui s’imposent à la lecture en offrant des qualités verbales aux formes. Le prestige, auquel aspire cette lecture, bouscule la causalité linéaire; un paradigme de l’interactivité, dont la banalisation des pratiques ne saurait diminuer la capacité de ce médium à faire converger une certaine magie irrationnelle dans le pragmatisme calculé.


Tino Sehgal, His Is So Contemporary.


Pierre Bismuth, Certificat d’authenticité.


Golan Levin et Zach Lieberman, Messa di Voce.
Voir : http://www.tmema.org/messa/messa.html

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21 décembre 2009. (Photo JLB)

Je pars d’une image de saison et de circonstances. C’est une photo de traces dans la neige — une couche exceptionnellement  fine et fragile pour inscrire ainsi les pas — que j’ai prise dans un parc pendant un moment de loisirs. Elle réveille mon projet d’apporter quelques commentaires à un texte d’André Gunthert que nous avions lu avec intérêt il y a maintenant plus de deux ans sur son blog : « L’empreinte digitale. Théorie et pratique de la photographie à l’ère numérique ». Sans revenir à Rosalind Krauss et à ce qu’elle nous a apporté sur Duchamp ou sur la photographie, je me souviens de ce qu’Hubert Damisch a écrit à propos de la photographie — que je prends volontiers, avec le cinéma, pour prémices des arts des nouveaux médias — dans sa préface à Le Photographique (Rosalind Krauss, Macula, 1990)  : « La conception fétichiste de l’art est ennemie de la technique, comme elle l’est de la théorie, et ne s’accommode pas que de nouveaux objets l’y reconduisent. »

André Gunthert a raison de critiquer Pierre Barboza ou André Rouillé quand ils écrivent «Le codage numérique qui la caractérise est symbolique et ruine toute trace indicielle » et « C’est par cette rupture du lien physique et énergétique que la photographie numérique se distingue fondamentalement de la photographie argentique et que s’effondre le régime de vérité que celle-ci soutenait ». Il aurait pu citer Edmond Couchot dont le seul titre de l’ouvrage — au demeurant précurseur, éclairant et utile — Image. De l’optique au numérique (Hermès, 1988) — annonçait un malentendu qui fut la source de nombreux discours erronés, pour ce qui concerne le photographique mais aussi, plus généralement, pour ce que j’ai tenté d’analyser dans la même période (en particulier dans l’exposition L’Image calculée à la Cité des sciences de La Villette en 1988), du partage entre saisie et synthèse dans l’image numérique, en dénonçant notamment la thèse d’images « totalement émancipées du réel ». Car le numérique n’efface pas l’optique. Le numérique s’est connecté à toutes sortes de dispositifs « classiques » d’enregistrement, de saisie, de capture, dont l’optique et la très ancienne chambre noire, mais aussi le moulage, la prise d’empreinte, la mesure, le décompte, la liste, etc. La simple réalité d’une « photographie numérique » indique le prolongement du photographique, au minimum dans la mise en œuvre d’un objectif, d’une image dite réelle se formant sur une surface apte à être transformée par la lumière ainsi organisée. Il est vrai que d’autres stratégies de « prise de vues » sont apparues et se développent, qui si elles relèvent encore de l’optique et de la lumière, n’emploient pas l’objectif auquel on continue à reconnaître un appareil photo. Ces dispositifs de l’imagerie scientifique tournés vers l’investigation du réel devraient être étudiés par les théoriciens de l’art, à condition qu’ils soient aptes à concevoir un tant soit peu les notions de mathématique et de physique qui en fondent l’invention. Il est vrai aussi, et c’est ici que le numérique a bousculé les croyances naïves quant au naturel de l’enregistrement et de la transmission photographiques, que le moindre appareil photographique embarque désormais plus d’électronique et d’informatique que les premiers ordinateurs qui avaient pourtant relativisé d’emblée l’« intégrité » de l’image optique.

Il n’est pas dans mon intention, dans ce billet, de revenir sur l’ontologie du photographique qui a pu être construite à partir de Peirce, en le méconnaissant et en le déformant, comme cela a été montré depuis par bien des auteurs. André Gunthert a raison d’en souligner à la fois la « beauté » et les écueils. Cependant, je lui oppose deux remarques critiques. Premièrement, il est fondé de dire que le numérique brise la continuité matérielle du processus photographique ou bien qu’il contribue à mettre en doute une continuité supposée. Mais le numérique n’est-il pas, parallèlement, support de continuités inédites ? Je me suis attaché, dans des textes comme dans des  travaux expérimentaux, à mettre en évidence le continuum que porte le codage numérique, dans les opérations de saisie et de transformation et jusque dans l’interactivité et le virtuel. Nous en avons un exemple fort connu, littéralement sous les yeux, en considérant le texte que je rédige sur le clavier et qui va se transporter, sans nouvelle saisie, vers des écrans ou vers des impressions. L’apparente discontinuité de la discrétisation est génératrice d’une continuité supérieure. Deuxièmement, j’avais lu et entendu Jean-Marc Levy-Leblond lors de la parution de son livre La Vitesse et l’ombre. Aux limites de la science (Seuil, 2006). Ce qui contribue à critiquer la notion (et l’idéologie) de transparence m’intéresse toujours. L’article d’André Gunthert le cite pour étayer sa dénonciation du fétichisme de la « continuité de matière entre les choses et les images » (André Rouillé) : « Les photons qui entrent dans une plaque de verre ne sont pas ceux qui en sortent. […] Il y a bien eu un renouvellement complet de ces constituants de la lumière au sein du matériau. » Peu de temps après, j’avais évoqué cette question avec un cosmologue, spécialiste des lumières fossiles et appelé à contribuer à ce titre à la préparation du satellite Planck qui a été lancé en mai dernier pour cartographier l’intégralité de la voûte céleste et le « fond diffus cosmologique » issu de l’origine de l’Univers. Sa réponse avait été très brève : « elle traverse; autant dire qu’elle traverse » (la lumière). Il suffit d’admettre que la continuité matérielle est subtile et qu’elle s’exprime par ses effets. J’y repensais récemment en écoutant Serge Haroche (Médaille d’or 2009 du CNRS), grand savant de physique atomique et d’optique quantique, mettant en garde contre les références imprudentes à la théorie quantique qui oublient les questions d’échelle.

À notre échelle d’effets et d’observations, je vois les traces d’un oiseau, d’un chien et de chaussures. Les ayant vues se faire, je peux préciser : un merle, un jeune garçon et son chien (incidemment, je « vois » le cas Peirce, et le catalogue de Georges Didi-Huberman, L’Empreinte, Centre Pompidou, 1997). Mais ce qui me saute aux yeux cette fois, c’est la possibilité de ranger notre image (les empreintes dans la neige, la photo que j’en ai fait)  dans la catégorie des « objets spatio-temporels » que nous avons étudiés il y a quelques mois (avec Tania Ruiz, notamment). C’est le déroulé de passages, leurs moments surimprimés, la segmentation lisible que produit la marche, qui font l’attrait surprenant de cette image. Une nouvelle piste à suivre donc.

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