Vient de paraître aux Presses du réel

Librairie du Centre Pompidou, février 2009. Autres parutions aux Presses du réel dans la collection Mamco (Genève) : Jean-Marc Poinsot, Quand l’œuvre a lieuL’art exposé et ses récits autorisés (nouvelle édition revue et augmentée); Thierry de Duve, Faire école. (Ou la refaire ?) – Nouvelle édition revue et augmentée. Ainsi que la revue du Mamco : Retour d’y voir n° 01 et 02.

Vient de paraître aux Presses du réel :

PRÉSENTATION

Jean-Louis Boissier

La relation comme forme
L’interactivité en art. Nouvelle édition augmentée

éditeur :
Les presses du réel
35, rue Colson, F – 21000 Dijon
http://www.lespressesdureel.com/

 

collection :
Mamco, Musée d’art moderne et contemporain
10, rue des Vieux-Grenadiers, CH – 1205 Genève
http://www.mamco.ch/

336 pages, 22 dessins, format : 17×24 cm
ISBN : 978-2-84066-277-8
Prix : 25 €

L’ouvrage contient deux nouveaux textes : « La perspective relationnelle » et « Les arts interactifs s’exposent-ils ? »

Le CD-ROM contient un nouveau film interactif : Les Perspecteurs.

Sommaire
Introduction : La relation comme forme 9
À propos du vidéodisque Le Bus, ou l’Exercice de la découverte 14
Dramaturgie de l’interactivité 22
Pour que poussent les images 30
Le logiciel comme rêverie 46
Artifices 54
La collection à l’œuvre 78
Machines à communiquer faites œuvres 92
Vertus des mondes bornés 120
Notes sur l’esthétique du virtuel 132
Une esthétique de la saisie 148
Programmes interactifs 178
Des arts dans la logique de leur technique 216
Le CD-ROM de la 3e Biennale d’art contemporain de Lyon 224
L’image n’est pas seule 230
Le moment interactif 238
L’image-relation 262
La perspective relationnelle 298
Les arts interactifs s’exposent-ils ? 314
Liste des illustrations 333

L’ouvrage contient le CD-ROM :

Essais interactifs

Réalisation : Jean-Louis Boissier
Programmation : Jean-Noël Lafargue
Avec le concours du laboratoire Esthétique des nouveaux médias,
Université Paris 8
© 2004-2008, Jean-Louis Boissier

Sommaire du CD-ROM :
Album sans fin, 1989
Globus oculi, 1992-1993
Flora petrinsularis, 1993-1994
Mutatis mutandis, 1995
Bifurcation, 1996
Autoportrait, 1999
La Morale sensitive, 1999-2001
Dozographie, 2000
Le Petit Manuel interactif, 2001
Acrostiche, 2001
Modus operandi, 2002-2003
Les Perspecteurs, 2004

En couverture : dessin de l’installation-performance Les Perspecteurs, 2004-2005.

EXTRAITS

Introduction

La relation comme forme

Si « la relation comme forme » émerge comme titre légitime pour ce recueil ayant trait principalement à l’interactivité en art, cette proposition n’en constitue pas le projet systématique et approfondi. Considérant la suite des textes rassemblés ici, il faudrait chercher les diverses apparitions du mot relation et voir comment, avec les nouveaux médias numériques, la relation devient forme et s’inscrit dans des objets apparentés à l’art. Continuation de la photographie et du cinéma, la prise de vues, telle qu’elle est intentionnellement maintenue dans les programmes vidéo-interactifs, est attachée à l’idée de relation au réel. Cette idée est là pour prendre en compte la tradition picturale chinoise ou pour mettre en oeuvre la poétique de la collection, pour construire le diagramme de l’exploration d’un coin de banlieue ou pour mettre en scène un modèle qui se prête à la modélisation de ses gestes. Avec Rousseau, on parle de relation au monde, sur le mode du signe sensitif, de la réminiscence ou de la rêverie sans objet. C’est sans conteste ce qui donne sa pertinence à une entreprise visant à interpréter son texte sur le mode de la performance interactive et à prendre cette lecture comme critère de l’expérimentation d’une écriture nouvelle. Qu’elle soit prélèvement de fragments ou de traces ou qu’elle relève de codes ou de langages, la saisie permet le passage du photographique vers l’image calculée, le virtuel et l’interactivité. La saisie s’identifie alors, en tant que relation, à un processus formel et productif. L’association saisie-ressaisie qualifie la version de l’interactivité la plus homogène à tout ce qui relève de la figuration et de la représentation. La perspective interactive, où la programmation tient la place qu’a la géométrie dans la perspective optique, désigne le dispositif de la construction ou de la saisie des relations. Il est alors possible de concevoir une image-relation qui, au-delà du partage des actions, est une présentation directe de la relation. La jouabilité de l’oeuvre atteste la figurabilité des relations. Cette jouabilité, empruntée aux jeux informatiques, voit sa signification élargie à toutes les acceptions du mot jeu, jeu nécessaire du fonctionnement mécanique, jeu interprétatif, théâtral et musical, jeu de l’exercice corporel et mental, jeu de langage.

Si la relation est une forme, elle a ses techniques et ses supports, ses matériaux, ou ses immatériaux – des matériaux fondés sur des langages. Ainsi l’interactivité n’est pas la simple médiation de l’accès à l’œuvre, elle est partie intégrante de l’oeuvre. Certes, il n’est pas de proposition artistique véritable qui n’organise, d’une façon ou d’une autre, la relation à ses destinataires. Il convient cependant de rechercher la spécificité esthétique de l’interactivité dans les transformations effectives que connaissent, dans l’exercice dialogique, à la fois l’œuvre et son destinataire. Plus simplement, c’est la vitesse des opérations numériques qui distingue radicalement les modalités relationnelles des objets interactifs. Leur capacité à organiser les comportements logiques les plus complexes, à traiter dans l’instant les variations et les événements, à s’accorder à la temporalité du lecteur, à s’insérer dans le cours des choses, caractérise leur nouveauté. Qui plus est, ces capacités s’appliquent à faire fonctionner ensemble des registres formels ordinairement séparés. L’interactivité la plus sensible et la plus intuitive ne saurait faire oublier qu’elle repose sur le flux du code. L’indétermination du statut des oeuvres interactives ne doit pas être confondue avec une indétermination de leur fonctionnement. C’est, au contraire, dans le perfectionnement programmé de leurs
relations internes que résident leur autonomie et leur faculté de réponse aux sollicitations les plus singulières.

Dans les recherches rapportées ici, interactivité n’est jamais employé dans un sens métaphorique ou idéologique. Il faut l’entendre dans son sens technique. L’apparition du mot, contemporaine des premiers essais de ce recueil, est une réponse à la nécessité de désigner spécifiquement la relation à l’ordinateur. Sa pertinence ne tient qu’à ça et, si son usage répété est nécessaire, il faut savoir aussi s’en méfier et le maintenir à distance. Une semblable attitude s’impose avec virtuel, à cette différence près, très grande, que le terme virtuel préexiste à son usage dans les technologies numériques, notamment dans le champ philosophique où il a une grande puissance conceptuelle. La fascination pour les « nouvelles technologies » va de pair avec le refus de leur examen informé et critique. Par exemple, dire des images calculées qu’elles sont libres de toute attache au réel, qu’elles ne peuvent constituer une trace, interdit de comprendre en quoi elles peuvent s’alimenter au réel et participer à son investigation sans renoncer à leur dimension de construction pure. D’ailleurs, qu’une image fasse l’objet d’un calcul n’est en rien l’exclusivité du numérique, même si l’ordinateur calcule des configurations inimaginables avant lui. Autre exemple, parler d’une dématérialisation inhérente au numérique, c’est faire peu de cas des constituants de la matière que sont les électrons et le magnétisme. Que les entités numériques résultent d’opérations codées, qu’on y accède par le biais de langages, n’exclut pas l’inscription matérielle de leurs transformations et de leurs interactions. Sans former un projet polémique explicite, les propositions théoriques comme les projets expérimentaux exposés ici tendent à contredire les discours qui substituent l’affirmation sans nuances d’une originalité technique réelle ou supposée à la pertinence des implications artistiques du numérique, ou bien interdisent l’usage effectif des nouveaux instruments, au nom d’une dénonciation de l’effet de démonstration auquel il conduirait fatalement.

Dès les premiers textes, une stratégie d’innovation artistique se dessine qui consiste à préférer, à l’annonce d’une rupture radicale, la recherche des continuités historiques capables d’éclairer les mutations artistiques du numérique. Malgré les effets d’entraînement et d’enfermement inhérents à l’implication résolue dans la nouveauté, une telle posture ne peut que se confirmer si la priorité reste à l’observation et à la description, au commentaire théorique et didactique, à la production expérimentale. Parce qu’il s’infiltre partout, parce que tous les genres sont touchés par sa variabilité, le numérique conduit à reconsidérer les paradigmes les plus établis. Il fait apparaître rétrospectivement tout un ensemble de disciplines et de dispositifs comme des cas particuliers d’ensembles plus généraux dont il tracerait les nouvelles limites. Ainsi la participation du spectateur, l’oeuvre ouverte, la combinatoire, le récit non-linéaire peuvent être perçus comme des antécédents particuliers des potentialités ouvertes par l’interactivité, sans pour autant coïncider avec elles. Ainsi le dispositif cinématographique se voit déstabilisé lorsque la relation, sous sa forme programmée, s’installe dans l’entre-images pour contester le défilement des photogrammes. À l’époque des premières recherches, les expériences d’art en réseau passent par le téléphone ordinaire et la vidéo n’a aucune existence dans les ordinateurs. Dans la période qui suit et jusqu’aujourd’hui, la puissance des ordinateurs courants est multipliée par dix mille, Internet apparaît et se généralise, la vidéo s’identifie au numérique. Conçu avec des moyens rudimentaires pour les premiers programmes sur ordinateur, le procédé de la chronophotographie interactive qui vise à réinvestir la tradition cinématographique reste sensiblement le même et confirme ses capacités descriptives, narratives et fictionnelles. Même si sa dimension d’image-relation se trouve considérablement renforcée, elle est repérable dès l’origine. Peut-être faut-il comprendre que, dès l’apparition du numérique, l’essentiel de ses spécificités esthétiques est en place. Peut-être faut-il aussi reconnaître au travail artistique une certaine obstination et une certaine constance.

Ce sont des textes de circonstance. Circonstances entrecroisées mais ayant leurs spécificités : l’enseignement et la recherche, le commissariat d’expositions et l’édition documentaire, la réalisation et l’expérimentation artistiques. Ces textes sont ainsi des contributions à des revues et à des colloques, des descriptions et des commentaires pour des catalogues, des essais accompagnant les projets artistiques.
Beaucoup des images qui pourraient en constituer la documentation sont publiées dans les catalogues d’Artifices, dans les ouvrages à vocation encyclopédique que sont le CD-ROM de la 3e Biennale de Lyon et celui de la Revue virtuelle. Des dessins, par contre, sont spécialement collectés et adaptés. Ces vues techniques d’installations et d’expositions sont là comme une proposition théorique supplémentaire. Car elles relèvent d’une même recherche, celle d’affirmer la relation propre aux oeuvres par une scénographie elle-même relationnelle. Gardant comme référence les environnements-spectacles des débuts, et l’idée de distanciation qui leur était associée, les formes qui s’imposent sont celles de la chambre et de l’alcôve, de la table et de la chaise, car elles doivent réaliser simultanément l’alliance du jeu et de la consultation, l’alliance du spectacle et de la lecture.

L’édition augmentée

Conservant le même principe de laisser les textes tels qu’ils ont été initialement rédigés et publiés, cette seconde édition de La Relation comme forme. L’Interactivité en art, reprend la totalité de ceux de l’édition de 2004, à l’exception de « La perspective interactive », auquel un nouveau texte, « La perspective relationnelle », se substitue. Plus complète et développée autour d’une proposition artistique – Les Perspecteurs –, cette étude tend à affirmer une fois encore la dimension expérimentale des travaux spécifiquement réalisés au cours d’une vingtaine d’années de recherche. Un autre texte vient en supplément, issu de plusieurs conférences, qui porte finalement sur la question : « Les arts interactifs s’exposent-ils ? ».

Ainsi se conclut un cycle, par deux mouvements, celui qui ouvre vers l’art contemporain tout en gardant au premier plan le processus performatif et relationnel, celui qui rapproche de la complexité du numérique pour repérer, dans l’ensemble de ses intrications aux réalités contemporaines, ses effets esthétiques.

Ce livre a bénéficié d’une triple chance. Celle d’être publié, celle de l’être dans la collection du Mamco, celle d’être de la sorte rattaché au plus intéressant de l’art contemporain. Car il n’était pas dit qu’un ouvrage axé à ce point sur les nouvelles technologies dans l’art puisse trouver une place aux éditions du Mamco. La conjonction des projets éditoriaux en matière de théorie de la création de l’Université Paris 8, de la Haute école d’art et de design – Genève qui avait été décisive, se renouvelle fidèlement. Mes remerciements vont vers ces instances et se mêlent à la gratitude exprimée à Christian Bernard et Françoise Ninghetto comme à Ho-Sook Kang, qui s’est généreusement mobilisée pour faire exister ce livre.

Introduction à « La perspective relationnelle »

À la perspective optique, que le numérique reprend en compte pour en amplifier les performances et la variabilité, s’ajoutent une perspective déterritorialisée dans les réseaux et encore ce qui peut être désigné comme perspective interactive. C’est dans ce dispositif, combinant programmation et interfaces, que se construisent des modalités relationnelles et que se saisissent des relations, avec l’image ou sans l’image. On définit alors une jouabilité, comme il y a une visibilité et une lisibilité.

« Le récit interactif », colloque organisé en décembre 2000 à Paris par l’Atelier de recherches interactives de l’École nationale supérieure des arts décoratifs et le laboratoire Esthétique de l’interactivité de l’Université Paris 8, rejoint le projet d’un numéro de la Revue d’esthétique dédié aux arts en réseaux. La première partie de ce texte est publié dans la Revue d’esthétique, nº 39, « Autres sites, nouveaux paysages », sous la direction d’Anne Cauquelin, Paris, 2001. La deuxième partie résulte des articles accompagnant la production expérimentale, dans le contexte du programme de recherche « Formes de l’interactivité » de la Haute école d’art et de design de Genève, de l’installation-performance Les Perspecteurs : « La perspective relationnelle », publié dans le catalogue de l’exposition Invisibile au Palazzo delle Papesse, Sienne, octobre 2004, sous la direction d’Emanuele Quinz ; « Les Perspecteurs », publié dans le catalogue de l’exposition Update_1, Kunstplatform Zebrastraat, Gand, avril 2006, sous la direction de Jean-Marie Dallet.

Introduction à « Les arts interactifs s’exposent-ils ? »

Dans les circonstances, issues de la fin des années soixante, d’une attention particulière à la place du spectateur, voire du projet de la disparition de la dialectique auteur-spectateur au profit d’un lecteur, expérimentateur et producteur, l’interactivité numérique apparaît comme l’un des horizons de la pratique artistique. Pour autant, l’exposition reste la forme dominante, y compris lorsqu’une esthétique de la démonstration ou de la consultation prend le pas sur l’esthétique de la simple réception ou contemplation.

Une série de textes aborde cette question paradoxale, sans y répondre jamais de façon tranchée mais dans le souci de l’interrogation critique d’un processus particulier : en 1991, c’est, en référence à la première exposition Artifices et à Machines à communiquer à La Villette, à la demande de la revue Ars Technica, adossée à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris et dirigée par Claude Faure, Piero Gilardi et Piotr Kowalski, l’article « Le virtuel s’expose-t-il ? ». Thème repris en 1996, mais à propos du « curatorial challenge » de la biennale Artifices 4, pour l’entretien avec Jérôme Glicenstein publié dans Parachute n° 85 à Montréal : « L’art du virtuel s’expose-t-il ? ». En 1999, c’est la conférence « Exposer les arts numériques» au Centre culturel franco-japonais du Kansai à Kyoto. « L’image consultée – Exposer les arts numériques et interactifs» publié dans Exposer l’image en mouvement, La Lettre volée, Bruxelles, 2004, comme « La question des nouveaux médias numériques » publié dans Centre Pompidou : 30 ans d’histoire, ouvrage collectif sous la direction de Bernadette Dufrêne, Centre Pompidou, 2007, sont aussi des manières de bilans descriptifs d’opérations effectives, mais sur une période plus longue.

Lui aussi référé à une pratique concrète, ce texte reprend certains éléments de ces interventions successives mais il s’appuie avant tout sur deux conférences inédites, dont il conserve le style oral, intitulées « Les arts interactifs s’exposent-ils? », au colloque ICHIM, « Patrimoine et culture numérique », dirigé par Xavier Perrot à la Bibliothèque nationale de France en septembre 2005 et au symposium « Neo Museum as Multi-Space » à Kwangju, Corée, en janvier 2007.

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