Dispositifs

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Bill Viola, He Weeps for You,1976/Thierry Kuntzel, La Peau, 2007 (dr)

L’article « Les 33 ans de He Weeps for You » du 18 juin 2009 (http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=1529), comme celui consacré à Thierry Kuntzel le 11 novembre 2007 (http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=243), trouvent un prolongement avec l’exposition du Fresnoy Deux Éternités proches – Thierry Kuntzel / Bill Viola (27 février – 25 avril 2010), dont le commissaire est Raymond Bellour.

Cette exposition est le reflet d’une amitié profonde entre deux artistes, Bill Viola et Thierry Kuntzel (décédé en 2007) qui ont en partage des façons proches d’occuper le temps et l’espace. Pourquoi cette lenteur ? Pourquoi tant de lenteurs attachées à la formation, au passage, à la figuration, la défiguration des images ? La lenteur préserve et révèle. Elle est l’instrument et la conscience du temps. Ainsi, l’exposition conçue par Raymond Bellour tresse un jeu savant de confrontation entre des installations et des bandes vidéo de Bill Viola et de Thierry Kuntzel.
Raymond Bellour, commissaire de l’exposition, suit depuis de nombreuses années leurs travaux. Il rend compte des affinités électives entre ces deux artistes. Bill Viola et Thierry Kuntzel ont développé depuis les années soixante-dix des carrières internationales qui les placent au premier rang de la création contemporaine dans le domaine de l’art vidéo.
Texte de présentation/Le Fresnoy

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Arts des nouveaux médias. Préparation du séminaire du 23 mars 2010. Héloïse Lauraire

Il sera question de la perception de l’épaisseur du temps (cf. texte Chronologies de Daniel Birnbaum) ainsi que de la théorie de « l’expérience émotionnelle de l’espace », en référence au texte éponyme de Pierre Kaufmann qui traite notamment du rapport entre l’architecture et la peur.
Pour ce faire, certaines œuvres étudiées dans le corpus de ma thèse intitulée « des vertus de l’insécurité dans l’art contemporain ». En effet, ces dernières mettent en jeu pour le spectateur une perception particulière du temps liée à des déplacements dans l’espace et dans le temps. Il pourra donc être fait référence aux dispositifs et installations de Mathieu Briand, Christoph Büchel, Gregor Schneider ou encore Christophe Berdaguer et Marie Péjus.


Mathieu Briand, Derrière Le Monde Flottant, Musée d’Art Contemporain de Lyon, 2004
(photo : Bruno Amsellem)

Le dédale a t-il un centre ? Ce titre est emprunté au texte de Daniel Birnbaum, « Chronologies », extrait de l’essai Chronologie, Co-Edition Les presses du réel, Dijon /JRP.Ringier, Zurich, 2007)

Daniel Birnbaum, Chronologies, p. 45-51


http://www.ednm.fr/wp-pdf/Birnbaum Chronologies.pdf

Lien vers Stanley Kubrick, 2001, Odyssée de l’espace, 1968, dernière partie : « Jupiter et au delà de l’infini »
http://www.youtube.com/watch?v=c1IPrx-zC1Y

Mode-Démo, un projet d’exposition pour les conférences Lift10, Genève, 5-7 mai 2010

1° Repérages à Londres et Berlin


Gerard Rallo, Devices for Mindless Communication, Royal College of Art, Londres, Design Interactions, 4 février 2010.


Ka Fai Choy, Eternal Summer Storm, Royal College of Art, Londres, Design Interactions, 4 février 2010.


Aaron Koblin et Daniel Massey, Bicycle Built For Two Thousand, Université de Californie du Sud

2° Présentation

Communiqué

Sous l’intitulé Mode-Démo la Haute école d’art et de design – Genève conçoit une exposition dans le cadre de LIFT Conference, du 5 au 7 mai 2010 au Centre international de conférence de Genève. L’exposition prend le thème de Lift10, « Connected people », comme fil conducteur. Elle en propose un commentaire plus qu’une illustration, y compris par des mises en perspective ironiques et décalées.

Les propositions, si elles relèvent globalement du design, s’apparentent aussi à l’art et à la recherche. Elles peuvent être considérées en outre comme des prototypes et des projets conceptuels, comme des expérimentations en cours. Dans Mode-Démo, elles relèvent encore de la performance.

En effet, pour appuyer leur dimension expérimentale et dans le contexte du « connected people » de Lift, l’exposition prend le parti de traiter toutes les propositions selon le mode de la « démonstration ». Elle se déplie donc radicalement dans une série de « scènes » dont le dispositif est identique : une table est le lieu de la démonstration, elle supporte les objets, si la proposition en comporte, ainsi qu’un ordinateur qui est comme une console de montage vidéo. Derrière la table se trouve un grand écran recevant l’image d’un projecteur à miroir et à très courte distance. La caméra intégrée à l’ordinateur, une caméra fixée sous l’écran et tournée vers le démonstrateur et le public, une caméra mobile sans fil à disposition sur la table alimentent en direct cette projection, au même titre que d’éventuels documents : sites Web, films, photographies, textes, dessins, etc. Il s’agit à la fois d’amplifier la présence partagée des œuvres, de leurs auteurs et du public, tout en produisant une certaine mise à distance spectaculaire.

C’est ici qu’intervient une deuxième signification de Mode-Démo, plus proche de l’usage courant, puisqu’il s’agit de la possibilité de projeter automatiquement un résumé enregistré de la démonstration. Le dispositif de Mode-Démo interprète donc la permanence des connexions, l’immédiateté des transmissions, la mobilité, le travail à distance, les réseaux sociaux qui ont généralisé une forme de pratique de la démonstration propre à la création et au développement des projets numériques et interactifs.

Dans la dynamique initiée par la création de l’orientation Media Design à la HEAD et en s’appuyant sur ses orientations et sur les premiers travaux développés dans cette formation, Mode-Démo entend intervenir dans le programme de Lift10 en repérant les perspectives les plus nouvelles du domaine du design relationnel. L’exposition fait donc appel à un ensemble d’écoles et universités qui sont ses homologues et ses partenaires internationaux et donc aux créateurs et chercheurs qui les accompagnent.

Le comité de programmation de Mode-Démo est composé d’enseignants du master en design de la HEAD-Genève et de responsables du comité de LIFT. Le commissaire délégué par la HEAD-Genève est Jean-Louis Boissier, chercheur et théoricien des arts interactifs.

1er mars 2010


Carlos Cruz-Diez, Couleur additive, 2008. Photo JLB, janvier 2010.


Carlos Cruz-Diez, Transchromie mécanique A, 1965-2009. Photo et vidéo JLB, janvier 2010.

« Les Transchromies sont des œuvres basées sur le comportement de la couleur par soustraction. Si l’on superpose une structure de lamelles de couleurs transparentes à des distances différentes et dans un ordre déterminé, des combinaisons soustractives se produisent alors et vont se modifier selon le déplacement du spectateur, l’intensité de la lumière et la couleur naturelle. Le fait de la transparence permet d’observer la nature à travers ces lamelles, nature cependant modifiée par le phénomène de la soustraction chromatique qui crée des situations visuelles ambiguës. Certaines Transchromies sont actionnées par des moyens mécaniques. »
(Document de l’artiste, 2010)

L’exposition de la galerie Lavignes est intitulée « 50 ans de recherche »*. Même si Carlos Cruz-Diez (1923, Caracas) — son atelier — a beaucoup produit, tableaux, sculptures, œuvres pour l’espace architectural et urbain, il est vrai qu’il a exploré deux grands aspects de l’art contemporain : la participation du spectateur et les phénomènes de perception de la couleur. La couleur en est le principe central, elle est travaillée comme élément actif et pour activer le regardeur. Ses « couleurs additives », « physichromies », « inductions chromatiques », « chromointerférences », « transchromies », « chromosaturations » et « couleurs à l’espace » sont autant de séries spécifiques que de problèmes créatifs et perceptifs. C’est pourquoi, si Cruz-Diez a participé à l’Art optique et au Cinétisme, il ne peut pas être réduit à ces courants. Au moment où apparaissait l’interactivité numérique, il a vu la parenté qu’elle pouvait entretenir avec ses travaux et a produit une pièce interactive, Expérience chromatique aléatoire interactive, 1995.

* « Cruz-Diez : 50 ans de recherche », galerie Lavignes-Bastille, 22 rue de Charonne, Paris 11e, 18 novembre 2009 – 17 février 2010.
Télécharger le document édité par la galerie : http://www.lavignesbastille.com/cruz-diez/Cruz-Diez_Lavignes-Bastille_2009-10.pdf
Voir le site de Cruz-Diez : http://www.cruz-diez.com/

Carlos Cruz-Diez. Du participatif à ‘interactif.
« Pourquoi des œuvres manipulables et interactives ? J’ai toujours pensé que l’œuvre d’art n’est pas détachée de la société ni des circonstances générationnelles qui entourent l’artiste au moment de la création. Les projets d’œuvres manipulables à être installés dans les rues, que je réalisais dans les années 54, ne partaient pas d’une réflexion purement esthétique, mais étaient motivés par une inquiétude sociale. Étant étudiant à l’École des Beaux-Arts de Caracas, je pensais que l’artiste devait refléter les circonstances de son temps dans un témoignage qui pourrait sensibiliser les gens et les induire à changer leurs “notions” et attitudes en ouvrant les chemins de l’esprit. Je considérais prétentieux que l’artiste exprima ses inquiétudes ou sa fantaisie sur une toile pour que les gens viennent passivement “vénérer ce produit”, quand ce même droit pouvait être exercé par un artisan ou un ouvrier avec son travail. Peut-être pourrait-on changer cette soumission perceptive, en effectuant des “œuvres partagées”; c’est-à dire, que l’artiste “imposerait” dans son discours une partie et le spectateur le complèterait en intervenant manuellement ou en se déplaçant devant l’œuvre jusqu’à trouver le point de vue qui lui ferait plaisir. De cette manière, il se réaliserait une véritable communion entre “l’artiste” et le “récepteur du message”. Le recours aux objets manipulables, à l’aléatoire, à l’éphémère, aux “situations” en constante mutation que j’utilise dans mes œuvres, m’ont conduit à créer des circonstances capables de mettre en évidence différents résultats, parfois inédits, du monde chromatique. Le changement du support manipulable au support numérique me permet d’obtenir d’autres possibilités de communication. De plus, dans l’œuvre conçue pour l’ordinateur Expérience chromatique aléatoire interactive, les gens entrent dans l’esprit et intimité de ma recherche, comme le ferait un interprète avec une partition musicale. »

À la fin de l’année 1969 – début de l’année 1970, Frank Popper, théoricien de l’art cinétique et directeur du département Arts plastiques de Paris8-Vincennes, conçut pour Centre national d’art contemporain une manifestation d’art dans la rue à Paris pour laquelle Cruz-Diez réalisa un labyrinthe de caissons d’immersion colorée, Chromosaturation, au métro Odéon. (dr)

On peut noter que c’est Cruz-Diez qui signe la couverture du livre de Frank Popper L’Art cinétique, Gauthier-Villars, Paris, 1970, et que c’est lui qui fournit la composition pour l’affiche et le catalogue (réalisés par Jean-Louis Boissier) de Cinétisme, spectacle, environnement, exposition de Frank Popper à Grenoble en 1968. (archives JLB)

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Arts des nouveaux médias. Préparation du séminaire du 12 janvier 2010. Julien Levesque

Discussion

L’Invention de Morel, machine à enregistrer et à reproduire des personnages simulacres du vivant, est une métaphore littéraire du désir et du besoin qu’éprouvent les humains à représenter et recréer leur monde ou du moins à en conserver l’illusion. Aujourd’hui, les mondes virtuels deviennent lieu de « tournage » où notre moi-avatar joue les acteurs et réalisateurs d’un nouveau genre. L’enregistrement de ces séquences conduit à nous questionner sur l’existence d’un cinéma du virtuel.

Références


Diary of a Camper
, machinima de Rangers Clan (United Ranger Films), 1996.


My Trip to Liberty City, machinima de Jim Munroe, 2003.


Watch the World, machinima de Robbie Dingo, 2007.


Avatar, film de James Cameron, 2009.

Deux articles d’AdNM :

« Retour sur l’Invention de Morel », http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=683
«Masaki Fujihata : poétique de la carte, du panorama et du miroir (virtuels) », http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=279

Sur Avatar et le cinéma en relief :

« Le dernier des blogs », blog de Jean-Noël Lafargue, 27 décembre 2009.
« En quête de sciences », Blog du Monde, 10 janiver 2010.

Livre, films :


Adolfo Bioy Casares, L’invention de Morel, 1940, éditions 10/18, 2004, 3,80 €.


James Cameron, Avatar, 2009.


L’Année dernière à Marienbad, 1961, Delphine Seyrig, Giorgio Albertazzi.

Suppléments proposés par Jean-Louis Boissier :
On se reportera aussi à : Alain Resnais et Alain Robbe-Grillet, L’Année dernière à Marienbad (1961); ainsi qu’à : Luc Courchesne, Portrait numéro 1, installation vidéo-interactive, 1990.

L’Année dernière à Marienbad, Bande annonce du film à sa sortie. (doc. The Criterion Collection)
Extraits du texte de la bande-annonce de L’Année dernière à Marienbad :
… que c’est-il vraiment passé l’année dernière ? Voici les questions auxquelles vous, spectateur, aurez à répondre. […] Pour la première fois au cinéma, vous serez le co-auteur d’un film, à partir des images que vous verrez, vous créerez vous-même l’histoire, d’après votre sensibilité, votre caractère, votre humeur, votre vie passée. C’est à vous qu’il appartiendra de décider si cette image, ou celle-là, représente la vérité ou le mensonge, si cette image est réelle ou imaginaire, si cette image figure le présent ou le passé, tous les éléments vous seront donnés, à vous de conclure. […]
venez JOUER le VRAI JEU de la VÉRITÉ
venez GOÛTER…
cette sensation NOUVELLE
MIEUX qu’avec le CINÉMA en RELIEF
MIEUX qu’avec le GRAND ÉCRAN
VOUS SEREZ
VOUS-MÊME
le CENTRE
… de cette histoire d’AMOUR comme vous n’en avez encore JAMAIS VU…
… mais comme vous en avez peut-être VÉCU…


L’Année dernière à Marienbad, Delphine Seyrig dans le rôle de A.


Luc Courchesne, Portrait numéro 1, 1990. (© Luc Courchesne)

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Dominique Cunin, CT-Hand, application (image 3D interactive) pour iPhone, EnsadLab, 2009.

Regardons autour de nous un phénomène qui semble traverser toutes les couches sociales. Songeons aux millions de personnes qui, en l’espace de quelques mois, ont inventé et assimilé une nouvelle gestuelle, celle de poser dans leur main un objet plat, dur, lisse, sans prises. Non sans humour, Dominique Cunin, chercheur à EnsadLab (centre de recherche nouvellement ouvert à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris), emprunte une image anatomique 3D de la main (obtenue par CT, computerized tomography, c’est-à-dire reconstruite à partir de coupes par résonnance magnétique nucléaire d’un sujet vivant) pour que le iPhone (ou le iPod, ou tout autre écran mobile, portable, manipulable, de cette génération) exerce sur la main qui le porte le tranchant de sa planéité de verre.

Voici ce que son auteur en dit :

« Parce qu’il est à la fois support de l’image et interface d’interaction avec elle, l’écran mobile instaure un nouveau rapport à l’image. En devenant réactive à nos gestes, l’image entre en résonance directe avec l’état physique de l’objet dans lequel elle prend forme : l’écran. L’objet représenté dans l’image tend à se confondre avec l’objet qui l’accueille. Dans un tel mouvement d’objectivation de l’image, la notion d’image-objet émerge naturellement et définit une interactivité. Ce qui permet ce nouvel état, cette fluctuation entre l’image et son support, c’est une manipulation qui passe précisément par la main. C’est d’ailleurs parce que l’écran tient dans la main, et parce qu’il y a transmission du geste de la main à l’écran que l’image-objet prend forme. Que ce passerait-il si l’écran transmettait à son tour son état à la main, en faisant d’elle un objet ? »

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21 décembre 2009. (Photo JLB)

Je pars d’une image de saison et de circonstances. C’est une photo de traces dans la neige — une couche exceptionnellement  fine et fragile pour inscrire ainsi les pas — que j’ai prise dans un parc pendant un moment de loisirs. Elle réveille mon projet d’apporter quelques commentaires à un texte d’André Gunthert que nous avions lu avec intérêt il y a maintenant plus de deux ans sur son blog : « L’empreinte digitale. Théorie et pratique de la photographie à l’ère numérique ». Sans revenir à Rosalind Krauss et à ce qu’elle nous a apporté sur Duchamp ou sur la photographie, je me souviens de ce qu’Hubert Damisch a écrit à propos de la photographie — que je prends volontiers, avec le cinéma, pour prémices des arts des nouveaux médias — dans sa préface à Le Photographique (Rosalind Krauss, Macula, 1990)  : « La conception fétichiste de l’art est ennemie de la technique, comme elle l’est de la théorie, et ne s’accommode pas que de nouveaux objets l’y reconduisent. »

André Gunthert a raison de critiquer Pierre Barboza ou André Rouillé quand ils écrivent «Le codage numérique qui la caractérise est symbolique et ruine toute trace indicielle » et « C’est par cette rupture du lien physique et énergétique que la photographie numérique se distingue fondamentalement de la photographie argentique et que s’effondre le régime de vérité que celle-ci soutenait ». Il aurait pu citer Edmond Couchot dont le seul titre de l’ouvrage — au demeurant précurseur, éclairant et utile — Image. De l’optique au numérique (Hermès, 1988) — annonçait un malentendu qui fut la source de nombreux discours erronés, pour ce qui concerne le photographique mais aussi, plus généralement, pour ce que j’ai tenté d’analyser dans la même période (en particulier dans l’exposition L’Image calculée à la Cité des sciences de La Villette en 1988), du partage entre saisie et synthèse dans l’image numérique, en dénonçant notamment la thèse d’images « totalement émancipées du réel ». Car le numérique n’efface pas l’optique. Le numérique s’est connecté à toutes sortes de dispositifs « classiques » d’enregistrement, de saisie, de capture, dont l’optique et la très ancienne chambre noire, mais aussi le moulage, la prise d’empreinte, la mesure, le décompte, la liste, etc. La simple réalité d’une « photographie numérique » indique le prolongement du photographique, au minimum dans la mise en œuvre d’un objectif, d’une image dite réelle se formant sur une surface apte à être transformée par la lumière ainsi organisée. Il est vrai que d’autres stratégies de « prise de vues » sont apparues et se développent, qui si elles relèvent encore de l’optique et de la lumière, n’emploient pas l’objectif auquel on continue à reconnaître un appareil photo. Ces dispositifs de l’imagerie scientifique tournés vers l’investigation du réel devraient être étudiés par les théoriciens de l’art, à condition qu’ils soient aptes à concevoir un tant soit peu les notions de mathématique et de physique qui en fondent l’invention. Il est vrai aussi, et c’est ici que le numérique a bousculé les croyances naïves quant au naturel de l’enregistrement et de la transmission photographiques, que le moindre appareil photographique embarque désormais plus d’électronique et d’informatique que les premiers ordinateurs qui avaient pourtant relativisé d’emblée l’« intégrité » de l’image optique.

Il n’est pas dans mon intention, dans ce billet, de revenir sur l’ontologie du photographique qui a pu être construite à partir de Peirce, en le méconnaissant et en le déformant, comme cela a été montré depuis par bien des auteurs. André Gunthert a raison d’en souligner à la fois la « beauté » et les écueils. Cependant, je lui oppose deux remarques critiques. Premièrement, il est fondé de dire que le numérique brise la continuité matérielle du processus photographique ou bien qu’il contribue à mettre en doute une continuité supposée. Mais le numérique n’est-il pas, parallèlement, support de continuités inédites ? Je me suis attaché, dans des textes comme dans des  travaux expérimentaux, à mettre en évidence le continuum que porte le codage numérique, dans les opérations de saisie et de transformation et jusque dans l’interactivité et le virtuel. Nous en avons un exemple fort connu, littéralement sous les yeux, en considérant le texte que je rédige sur le clavier et qui va se transporter, sans nouvelle saisie, vers des écrans ou vers des impressions. L’apparente discontinuité de la discrétisation est génératrice d’une continuité supérieure. Deuxièmement, j’avais lu et entendu Jean-Marc Levy-Leblond lors de la parution de son livre La Vitesse et l’ombre. Aux limites de la science (Seuil, 2006). Ce qui contribue à critiquer la notion (et l’idéologie) de transparence m’intéresse toujours. L’article d’André Gunthert le cite pour étayer sa dénonciation du fétichisme de la « continuité de matière entre les choses et les images » (André Rouillé) : « Les photons qui entrent dans une plaque de verre ne sont pas ceux qui en sortent. […] Il y a bien eu un renouvellement complet de ces constituants de la lumière au sein du matériau. » Peu de temps après, j’avais évoqué cette question avec un cosmologue, spécialiste des lumières fossiles et appelé à contribuer à ce titre à la préparation du satellite Planck qui a été lancé en mai dernier pour cartographier l’intégralité de la voûte céleste et le « fond diffus cosmologique » issu de l’origine de l’Univers. Sa réponse avait été très brève : « elle traverse; autant dire qu’elle traverse » (la lumière). Il suffit d’admettre que la continuité matérielle est subtile et qu’elle s’exprime par ses effets. J’y repensais récemment en écoutant Serge Haroche (Médaille d’or 2009 du CNRS), grand savant de physique atomique et d’optique quantique, mettant en garde contre les références imprudentes à la théorie quantique qui oublient les questions d’échelle.

À notre échelle d’effets et d’observations, je vois les traces d’un oiseau, d’un chien et de chaussures. Les ayant vues se faire, je peux préciser : un merle, un jeune garçon et son chien (incidemment, je « vois » le cas Peirce, et le catalogue de Georges Didi-Huberman, L’Empreinte, Centre Pompidou, 1997). Mais ce qui me saute aux yeux cette fois, c’est la possibilité de ranger notre image (les empreintes dans la neige, la photo que j’en ai fait)  dans la catégorie des « objets spatio-temporels » que nous avons étudiés il y a quelques mois (avec Tania Ruiz, notamment). C’est le déroulé de passages, leurs moments surimprimés, la segmentation lisible que produit la marche, qui font l’attrait surprenant de cette image. Une nouvelle piste à suivre donc.

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charles-sandison-locus-solus-2009
Charles Sandison, Locus Solus, 2009, édition 1/5.

Vue à la galerie  Yvon Lambert, une projection de l’artiste Charles Sandison (né en Écosse en 1969, vit en Finlande), inspirée, comme la plupart des œuvres de l’exposition, par le roman de Raymond Roussel (1877-1933) Locus Solus. Charles Sandison s’est fait une spécialité de produire des pièces où des mots sont générés par ordinateur avec un certain comportement automatique dans des projections directement sur les murs. Voir son site : http://www.sandison.fi/

Galerie Yvon Lambert, Paris : Charles Sandison, Locus Solus, 2009. Vidéo de 15 s. par J.L.B.


Charles Sandison, Optima quaeque dies miseris mortabilus aevi prima fugit (All the Best Slips Away), 2008. 3 LCD Panels, computer code, network, édition 1/5.

Exposition à la galerie Yvon Lambert, du 9 janvier au 7 février 2010 : http://www.yvon-lambert.com/Writing+with+Light-E178.html

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Il ne s’agit pas de faire une longue analyse mais simplement de souligner un fait. Le cas exemplaire est celui du blog {Sciences 2} du quotidien Libération, tenu par Sylvestre Huet. Il est dit que le blog a plus de lecteurs que le journal lui-même. Dans notre note du 6 février, nous notions : « Des blogs, comme beaucoup d’échanges par mail et de nombreux mails envoyés massivement, sont désormais le moyen d’information et de discussion primordial ».

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Communiqué

La galerie Ars Longa accueille Nogo Voyages, collectif qui réunit les artistes et chercheurs Stéphane Degoutin, Gwenola Wagon et Alex Knapp. Nogo Voyages est un laboratoire de projets dont le voyage est l’atelier. Le collectif explore le potentiel attractif des périphéries urbaines. Il produit des projets, des analyses et des réflexions sur l’espace public, réalise des textes, des films, des architectures fantastiques ainsi que des interventions in situ. Le collectif conçoit des logiques exploratoires qui rendent possible le voyage, en associant une méthode à un lieu spécifique. L’exposition présente au public différentes expérimentations déjà réalisées, comme la vidéo Moillesulaz échelle 1, issue du dispositif de sons géolocalisés autour de la zone frontalière franco-suisse de Moillesulaz. L’exposition propose également une collection de voyages, invitant les spectateurs à y participer, ainsi que des ateliers et des performances en collaboration avec plusieurs artistes étrangers.

Exposition du mercredi 6 mai  au vendredi 12 juin 2009

Vernissage le mardi 5 mai à partir de 19h
Suivi de la performance Courage, dispositif sonore interactif d’Alexis Chazard et Michaël Sellam.

Finissage vendredi 12 juin 2009 à partir de 20h
Suivi d’une performance en Langue des Signes Française de Céline Ahond.

Liste des artistes et intervenants : Stéphane Degoutin, Alex Knapp, Gwenola Wagon (Nogo Voyages), Alexis Chazard et Michaël Sellam, Marika Dermineur (Upgrade! Paris), Lalya Gaye, Julien Levesque, Bertrand Clavez et Ben Patterson.

Samedi 30 mai, 14h-18h : Nogo Voyages, Les Halles : Architecture potentielle échelle 1
Atelier d’écriture géolocalisée par GPS autour du jardin du forum des Halles.

Jeudi 4 juin : Ars Longa accueille Upgrade! Paris avec Nogo Voyages et Julien Levesque « Voyages dans les mondes persistants ».

Vendredi 5 juin, 14h-19h : Lalya Gaye, atelier de captation sonore et mobilité urbaine.

Samedi 6  juin : performance de Ben Patterson et conférence de Bertrand Clavez. Déplacement collectif d’une centaine de participants entre Ars Longa et Futur en Seine, retransmise en temps réel par le dispositif Métacarte.

ARS LONGA
67 Avenue Parmentier, 75011 Paris
Métro Parmentier

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Gwenola Wagon, immobile Porte Lescot, Forum des Halles (carte postale Nogo Voyages, édition Ars Longa, tirage: 500 exemplaires).

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