Carlos Cruz-Diez, participation et perception


Carlos Cruz-Diez, Couleur additive, 2008. Photo JLB, janvier 2010.


Carlos Cruz-Diez, Transchromie mécanique A, 1965-2009. Photo et vidéo JLB, janvier 2010.

« Les Transchromies sont des œuvres basées sur le comportement de la couleur par soustraction. Si l’on superpose une structure de lamelles de couleurs transparentes à des distances différentes et dans un ordre déterminé, des combinaisons soustractives se produisent alors et vont se modifier selon le déplacement du spectateur, l’intensité de la lumière et la couleur naturelle. Le fait de la transparence permet d’observer la nature à travers ces lamelles, nature cependant modifiée par le phénomène de la soustraction chromatique qui crée des situations visuelles ambiguës. Certaines Transchromies sont actionnées par des moyens mécaniques. »
(Document de l’artiste, 2010)

L’exposition de la galerie Lavignes est intitulée « 50 ans de recherche »*. Même si Carlos Cruz-Diez (1923, Caracas) — son atelier — a beaucoup produit, tableaux, sculptures, œuvres pour l’espace architectural et urbain, il est vrai qu’il a exploré deux grands aspects de l’art contemporain : la participation du spectateur et les phénomènes de perception de la couleur. La couleur en est le principe central, elle est travaillée comme élément actif et pour activer le regardeur. Ses « couleurs additives », « physichromies », « inductions chromatiques », « chromointerférences », « transchromies », « chromosaturations » et « couleurs à l’espace » sont autant de séries spécifiques que de problèmes créatifs et perceptifs. C’est pourquoi, si Cruz-Diez a participé à l’Art optique et au Cinétisme, il ne peut pas être réduit à ces courants. Au moment où apparaissait l’interactivité numérique, il a vu la parenté qu’elle pouvait entretenir avec ses travaux et a produit une pièce interactive, Expérience chromatique aléatoire interactive, 1995.

* « Cruz-Diez : 50 ans de recherche », galerie Lavignes-Bastille, 22 rue de Charonne, Paris 11e, 18 novembre 2009 – 17 février 2010.
Télécharger le document édité par la galerie : http://www.lavignesbastille.com/cruz-diez/Cruz-Diez_Lavignes-Bastille_2009-10.pdf
Voir le site de Cruz-Diez : http://www.cruz-diez.com/

Carlos Cruz-Diez. Du participatif à ‘interactif.
« Pourquoi des œuvres manipulables et interactives ? J’ai toujours pensé que l’œuvre d’art n’est pas détachée de la société ni des circonstances générationnelles qui entourent l’artiste au moment de la création. Les projets d’œuvres manipulables à être installés dans les rues, que je réalisais dans les années 54, ne partaient pas d’une réflexion purement esthétique, mais étaient motivés par une inquiétude sociale. Étant étudiant à l’École des Beaux-Arts de Caracas, je pensais que l’artiste devait refléter les circonstances de son temps dans un témoignage qui pourrait sensibiliser les gens et les induire à changer leurs “notions” et attitudes en ouvrant les chemins de l’esprit. Je considérais prétentieux que l’artiste exprima ses inquiétudes ou sa fantaisie sur une toile pour que les gens viennent passivement “vénérer ce produit”, quand ce même droit pouvait être exercé par un artisan ou un ouvrier avec son travail. Peut-être pourrait-on changer cette soumission perceptive, en effectuant des “œuvres partagées”; c’est-à dire, que l’artiste “imposerait” dans son discours une partie et le spectateur le complèterait en intervenant manuellement ou en se déplaçant devant l’œuvre jusqu’à trouver le point de vue qui lui ferait plaisir. De cette manière, il se réaliserait une véritable communion entre “l’artiste” et le “récepteur du message”. Le recours aux objets manipulables, à l’aléatoire, à l’éphémère, aux “situations” en constante mutation que j’utilise dans mes œuvres, m’ont conduit à créer des circonstances capables de mettre en évidence différents résultats, parfois inédits, du monde chromatique. Le changement du support manipulable au support numérique me permet d’obtenir d’autres possibilités de communication. De plus, dans l’œuvre conçue pour l’ordinateur Expérience chromatique aléatoire interactive, les gens entrent dans l’esprit et intimité de ma recherche, comme le ferait un interprète avec une partition musicale. »

À la fin de l’année 1969 – début de l’année 1970, Frank Popper, théoricien de l’art cinétique et directeur du département Arts plastiques de Paris8-Vincennes, conçut pour Centre national d’art contemporain une manifestation d’art dans la rue à Paris pour laquelle Cruz-Diez réalisa un labyrinthe de caissons d’immersion colorée, Chromosaturation, au métro Odéon. (dr)

On peut noter que c’est Cruz-Diez qui signe la couverture du livre de Frank Popper L’Art cinétique, Gauthier-Villars, Paris, 1970, et que c’est lui qui fournit la composition pour l’affiche et le catalogue (réalisés par Jean-Louis Boissier) de Cinétisme, spectacle, environnement, exposition de Frank Popper à Grenoble en 1968. (archives JLB)

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