Interactivité

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Une page d’histoire pour remettre ce blog sur les rails.
Parmi les plus belles œuvres de l’interactivité d’avant l’interactivité (au sens du numérique).

Bill Viola, He Weeps for You, installation, 1976*, Détail [sur Youtube].

Texte de Bill Viola :
Ce travail fait allusion à la philosophie traditionnelle de la correspondance entre le microcosme et le macrocosme, ou croyance selon laquelle toute réalité supérieure dans l’échelle de l’être se reflète et est contenue dans la manifestation et le mode d’être des ordres inférieurs.
Les religions anciennes ont exprimé cela comme la correspondance symbolique de l’ici-bas (la terre) et du divin (les cieux) et on retrouve cette idée dans les théories de la physique contemporaine qui montrent comment la moindre particule de matière contient des connaissances et des informations sur l’état du système tout entier.
Dans cette installation, j’ai tenté de créer un « espace accordé » où non seulement tout est enfermé dans une seule cadence rythmique mais où un système dynamique interactif est produit dans lequel tous les éléments na goutte d’eau, I’image vidéo, le son, le spectateur et la pièce elle-même) fonctionnent ensemble de manière unifiée comme un instrument unique et plus grand.
L’œuvre repose sur un processus d’agrandissement : en modifiant l’échelle de ce qui devrait être normalement un événement accessoire pour l’amplifier à la fois visuellement et acoustiquement jusqu’à ce qu’il domine l’espace. Un examen plus serré révèle que le processus unificateur qui sous-tend l’œuvre est un phénomène optique.
La goutte d’eau agit elle-même comme une lentille et s’intègre de la sorte au système optique de la caméra vidéo. On peut voir une image de l’espace tout entier et de ceux qui s’y trouvent, image dont on constate qu’elle est contenue dans la structure anamorphique de chaque goutte d’eau.
Cette distorsion optique accroît à mesure que la goutte gonfle pour finalement tomber hors de l’image et s’écraser sur la surface amplifiée qui se trouve en dessous, inaugurant alors un nouveau cycle.


Entretien, 1998, SFMOMA.

*Bill Viola est né en 1951. Au moment de He Weeps for You, il a 25 ans.

Le site de Bill Viola : http://www.billviola.com/

Au cœur de toutes ces configurations se trouve l’évidente faculté de la vidéo à capter et à transmettre les apparences vivantes, en « temps réel », c’est-à-dire, comme l’énoncent les informaticiens, avec un temps de réponse compatible avec le processus en cours. Ce processus, pour l’artiste, c’est la pensée, la sensation, la vie même. L’œuvre de Bill Viola He Weeps for You, créée en 1976, accomplit ce temps réel dans l’intimité des mécanismes sensibles de son spectateur. Car c’est le corps qui est proprement saisi : dans une vaste pièce obscure, un tuyau descend du plafond, une goutte d’eau en coule très doucement. Une caméra vidéo couleur la filme de très près. L’image de la goutte est projetée sur le fond de l’espace. Le spectateur qui, lui, est éclairé, se voit pris dans le système optique de la goutte qui grossit et tombe avec un bruit d’impact amplifié. Mais déjà une nouvelle goutte se forme et emplit lentement l’écran, avec l’image renversée de ce qu’elle « voit » : celui qui se regarde, collé au mur, assujetti au temps qui coule. Rarement machine de vision n’est aussi organique, quasi biologique. La conscience existentielle, même pathétique, n’émerge-t-elle pas du plaisir d’une communication globale mais restreinte à son seul écho instantané et solitaire ? Ou bien résulte-t-elle de l’expérience d’une anamorphose et d’une amplification opto-électronique de la relation au réel ?
Jean-Louis Boissier, « Machines à communiquer faites œuvres », La Relation comme forme, Presses du réel, 2008, p.102.


Bill Viola, He Weeps for You, installation, 1976

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Harun Farocki,
Deep Play, 2007.
Voir, sur ce site, l’article : http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=269; et le texte d’Anne Zeitz : http://www.arpla.fr/canal20/adnm/?p=271


Harun Farocki,
Immersion, 2009.
Sur cette pièce, commentaires à venir.

Photos dans l’exposition du Jeu de Paume le lundi 6 avril 2009 par JLB.

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On peut observer, parmi les banderoles et bannières confectionnées pour les défilés du mois de mars, un emploi de la typographie de grand format qui passe par la composition sur ordinateur et la vidéoprojection. Voir, sur le site de arpla : http://www.arpla.fr/banners


(Photo JLB)

Au Palais de Tokyo, du 26 septembre 2008 au 4 janvier 2009, la carte blanche à Jeremy Deller a abouti à l’exposition intitulée « D’une révolution à l’autre », avec entre autres œuvres et documents, les banderoles de Ed Hall. Aujourd’hui à la retraite, il a confectionné depuis 20 ans plus de 400 bannières, peintes et en tissus de couleurs découpés et cousus, pour les syndicats, pour des groupes activistes et communautaires, comme contributions à des causes avec lesquelles il sympathise. (D’après le livre de Jeremy Deller et Alan Kane, Folk Archive: Contemporary Popular Art from the UK, Book Works, Londres, 2008, p. 82.)


Folk Archive: Contemporary Popular Art from the UK
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ISBN 1 870699-81-5

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1. Relativité de la simultanéité dans l’information

On s’intéressera à des éléments de l’« actualité » du mois de janvier 2009 (ou, plus précisément entre le 16 et le 20 janvier), la guerre à Gaza, l’investiture du président des États-Unis à Washington.

Lors du rendez-vous téléphonique d’une émission de la télévision israélienne avec un médecin accoucheur palestinien, la simultanéité met cruellement en évidence la disymétrie de l’information dans la guerre à Gaza. On retrouve cet écart dans Google Earth : l’opération technologique, commerciale, culturelle et politique autour de l’investiture de Barack Obama à Washington actualise les images satellitaires avec des images en haute définition et en fait la promotion sur Internet. Les images de la bande de Gaza restent quant à elles identiques, elles datent de 2007.

On peut noter que les deux « événements » sont liés dans le temps, Israel entendant conduire la guerre à Gaza avant l’investiture du nouveau président américain.

Surcroît d’images encore pour l’opération de CNN et Microsoft qui joue sur la proximité temporelle et spatiale de centaines de photographies prises par les spectateurs-participants de la cérémonie de Washington pour produire la « photographie immersive » d’un « moment » historique.

L’expérience du « webdocumentaire » Gaza-Sderot La Vie malgré tout sur Arte travaille quant à elle sur la durée, sur une certaine synchronie, sur la répétition autant que sur la séparation qu’exerce la frontière.

2.1. GAZA

Enregistrement vidéo du journal télévisé de la 10e chaîne de la télévision israélienne, le 16 janvier 2009, disponible sur YouTube:

Shlomi Eldar, présentateur de la télévision israélienne, en direct à l’antenne, en conversation téléphonique avec Izz el-Deen Aboul Aish, médecin palestinien à Gaza.

Ci-dessous, un extrait de l’article que donne à cette occasion Pierre Haski dans le journal en ligne Rue89:


TÉMOIGNAGE
La douleur d’un père palestinien, en direct à la TV israélienne
Par Pierre Haski | Rue89 | 18/01/2009 | 01H53

Cela restera peut-être l’image la plus marquante de cette guerre, la plus inhumaine et la plus humaine aussi: cette scène, en direct à la télévision israélienne, avec au téléphone un médecin palestinien hurlant sa douleur car ses trois filles viennent d’être tuées par un obus israélien. Le duplex était prévu, mais l’attaque du char israélien ne l’était pas.
Sur son blog Chroniques orientales, sur le Figaro.fr, Delphine Menoui raconte l’histoire:

« Izz el-Deen Aboul Aish est un médecin connu des spectateurs israéliens. Ce gynécologue palestinien, qui parle parfaitement l’hébreu, exerce à la fois dans un hôpital de Tel Aviv et dans la bande de Gaza, où vit sa famille. Depuis le début des raids, il y a 21 jours, il était resté à Gaza. L’accès des journalistes étant strictement contrôlé, il fut très vite sollicité par les média israéliens pour témoigner des conditions de vie sur place. »

Mais lorsque la télé l’appelle, vendredi soir, à l’heure de grand écoute, ce n’est plus le témoin qui est en ligne, mais un père effondré par la mort de ses filles, et qui implore Dieu. Le journaliste le laisse parler, tente de le calmer, de lui promettre une ambulance (qui viendra d’aileurs plus tard), et, visiblement ébranlé, ému, il préfère quitter le plateau avec le téléphone portable encore branché, plutôt que d’interrompre le flot de sanglots de cet homme.

2.2. BANDE DE GAZA, 14 JUIN 2007

Images satellitaires accessibles par Google Earth en février 2009


Le nord de la bande de Gaza et Israel (14 juin 2007).


La côte au sud-ouest de la ville de Gaza (14 juin 2007).


La frontière entre la bande de Gaza et l’Égypte à Rafah (14 juin 2007).

2.3. WASHINGTON DC, 20 JANVIER 2009, SYSTÈME DE VUES SATELLITAIRES GEOEYE ET GOOGLE EARTH

Images satellitaires accessibles par Google Earth en février 2009


Image avec une résolution de 0,50 mètre du Capitole, Washington D.C, États-Unis, saisie par le satellite GeoEye-1, le 20 janvier 2009, au cours de la cérémonie d’investiture de Barack Obama. (3,4 M°)


Cette image dans Google Earth.


Détail de l’image.

Pour accéder, dans Google Earth, à l’image en haute définition, télécharger le fichier kml en cliquant ici, puis ouvrir ce fichier kml (il faut avoir préalablement installé Google Earth: http://earth.google.fr/).

Site de Google Earth 

2.4. WASHINGTON DC, 20 JANVIER 2009, SYSTÈME PHOTOSYNTH ET CNN


20 janvier 2009, « moment » de la cérémonie d’investiture de Barack Obama. Copie d’écran du système de navigation entre les images envoyées par le public et assemblées dans un espace virtuel 3D par Photosynth (Microsoft).

À voir sur le site CNN :
http://edition.cnn.com/SPECIALS/2009/44.president/inauguration/themoment/

après avoir installé le logiciel Silverlight :
http://www.microsoft.com/silverlight/resources/install.aspx

2.5. GAZA-SDEROT, DOCUMENTAIRE INTERACTIF DIFUSÉ PAR ARTE


Copie de l’écran d’accueil.

Sur le site de la chaîne de télévision Arte, Gaza-Sderot La Vie malgré tout, documentaire interactif : Gaza (Palestine), Sderot (Israel), 2 villes, 3 km de distance, 2 vidéos par jour 40 épisodes (80 vidéos). Le programme des prises de vues s’est déroulé du 26 octobre au 23 décembre 2008.

Rue89 écrit:
« La nouveauté de ce programme (coproduit par Upian, qui travaille notamment pour Rue89) est qu’il est réalisé (par Ayelet Bachar à Sderot et Khalil Al Muzayyen à Gaza) quasiment en temps réel : les images sont diffusées sur le web dès le lendemain de leur tournage. »

2. Esthétique critique du temps réel

Si le temps est fondamentalement une dimension relationnelle, l’expression, somme toute étrange, de « temps réel » peut être comprise comme relative à un processus. On parle en effet de temps réel pour qualifier la capacité de l’ordinateur à traiter le flux des informations qui lui arrive. Autrement dit, l’artefact incluant le calcul numérique opère dans le cadre temporel imposé par son cycle d’utilisation. La notion de temps réel, attachée aux notions de vitesse opératoire et de synchronisme relatif, est donc étroitement liée à celle d’interactivité aussi bien interne qu’externe. L’interactivité étant ce qui place l’utilisateur dans la position de dialogue avec la machine, il convient que cet échange se fasse dans une temporalité psychologiquement acceptable, perçue comme directe, sans retard. On peut rappeler que l’ordinateur est fondamentalement une horloge et que sa « vitesse d’horloge », c’est-à-dire la fréquence des pulsations de son processeur, conditionne sa puissance. Cette horloge s’instaure d’ailleurs comme horloge universelle par la simultanéité qu’assurent les réseaux, et l’on notera, à l’inverse, que tous les appareils au fonctionnement numérique tendent à se constituer en réseau, ne serait-ce que par leur synchronisme.

Dans le champ du design et de l’art, le temps réel est donc une qualité des instruments mais aussi de certaines œuvres. D’une façon générale, une œuvre interactive possède, au moins pour une part, cette capacité de réponse en temps réel. Ainsi, son interface, ses capteurs comme son dispositif d’apparition — affichage d’images et de textes, émissions de sons et de lumières, etc. —, inscrivent leur cycle d’événements dans un régime de temporalité en adéquation avec celui des spectateurs.

L’esthétique du temps réel est à même de dépasser celle du pur spectacle. Avec les œuvres interactives, elle porte en effet sur l’expérience d’un processus en train de se faire, d’une actualisation et, qui plus est, d’un acte opératoire perçu comme dialogue ou comme jeu. C’est le cas des diverses propositions qui ont valeur d’instrument, génératrices de sons ou de traces graphiques, d’événements sonores et visuels, de textes, etc.

La « réalité artificielle » conçue, dès les années soixante-dix, par Myron Krueger, joue de la possibilité d’une rétroaction instantanée de la vidéo captant le geste du spectateur. Le temps réel est donc la condition d’une synchronie d’actions qui est aussi l’aspect premier des projets performatifs ou encore, par exemple, à l’échelle d’une ville et d’une collectivité et dans un dispositif imbriquant actuel et virtuel, de Can You See Me Now de Blast Theory. De façon paradoxale, c’est parce qu’elle peut être ressentie comme un processus du temps réel qu’une interactivité interne se séparera subtilement du mode ordinaire du spectacle. C’est ce que met en œuvre Masaki Fujihata avec sa série de Field-Works, y compris Landing Home in Geneva. Le vaste espace virtuel où s’affiche une collection cartographiée d’innombrables séquences vidéo est perçu comme pouvant être exploré librement, ce qu’il est potentiellement de par sa nature technique, mais l’auteur a choisi d’en fixer le parcours sur une simple ligne, nous le donnant comme une option parmi d’autres.

Intégré à une dimension spatio-temporelle, le temps réel participe aux effets d’immersion que l’on attend des environnements virtuels ou des jeux. Il en va de même d’installations dont la référence est le miroir. En ce sens, avant même le numérique, le circuit vidéo a pu s’affirmer comme le modèle du temps réel. Morel’s panorama de Masaki Fujihata est ainsi une hybridation de la vidéo directe avec le traitement numérique de l’image.

Le live (le spectacle vivant du théâtre, de la musique, de la danse, etc.) confronte des temporalités naturellement synchrones. On se dispense dans ce cas de la notion de temps réel, mais elle peut être prise en référence, pour ses qualités de vécu partagé, de nouveauté au sens fort, de singularité, d’imprévu ou d’improvisation. Le cinéma a gardé, de son dispositif théâtral, la part vivante du public, mais, pour l’essentiel il tient son originalité et sa pertinence de la répétition d’un enregistrement. Un spectacle interactif peut, dans certaines circonstances, ménager une exécution directe, mais s’en remet généralement à la programmation — y compris générative de nouveauté, « intelligente » — et au feed-back du public dans l’œuvre. S’il participe à l’idée d’immersion, le temps-réel peut, au même titre, faire l’objet d’une critique de ses revers, s’accompagner d’une distanciation qui, sans l’annuler, le donne à comprendre pour ce qu’il est, notamment comme construction artificielle.

Au début des années 1990, devant la généralisation de l’immédiateté des commutations homme-machine, Paul Virilio souligne que le temps réel tend à substituer à la profondeur d’espace de la perspective géométrique la « profondeur de temps » d’une « perspective du temps réel ». Il met en garde contre l’assujettissement du regardeur dans cette « transparence spatio-temporelle ». Ainsi parlera-t-on d’une dictature du temps réel. N’est-il pas le plus souvent — toujours ? — celui des autres. Interrogation prémonitoire, c’est en travaillant au retard de l’affichage de la vidéo qui capte l’image du visiteur que Dan Graham met en scène, dans ses installations des années 1970, une distanciation radicalement troublante, une critique de la transparence d’une représentation directe. C’est aussi à une prise de conscience dialectique de la « flèche du temps » — qui donne son nom à l’une de ses installations —, que Piotr Kowalski s’attache dans sa Time Machine (1981). Saisissant l’instant vécu du spectateur, il tente d’approcher l’utopie d’un temps que l’on pourrait travailler, inverser, en temps réel.

J.-L.B. Extrait adapté d’un ouvrage à paraître sur vidéo et interactivité

Librairie du Centre Pompidou, février 2009. Autres parutions aux Presses du réel dans la collection Mamco (Genève) : Jean-Marc Poinsot, Quand l’œuvre a lieuL’art exposé et ses récits autorisés (nouvelle édition revue et augmentée); Thierry de Duve, Faire école. (Ou la refaire ?) – Nouvelle édition revue et augmentée. Ainsi que la revue du Mamco : Retour d’y voir n° 01 et 02.

Vient de paraître aux Presses du réel :

PRÉSENTATION

Jean-Louis Boissier

La relation comme forme
L’interactivité en art. Nouvelle édition augmentée

éditeur :
Les presses du réel
35, rue Colson, F – 21000 Dijon
http://www.lespressesdureel.com/

 

collection :
Mamco, Musée d’art moderne et contemporain
10, rue des Vieux-Grenadiers, CH – 1205 Genève
http://www.mamco.ch/

336 pages, 22 dessins, format : 17×24 cm
ISBN : 978-2-84066-277-8
Prix : 25 €

L’ouvrage contient deux nouveaux textes : « La perspective relationnelle » et « Les arts interactifs s’exposent-ils ? »

Le CD-ROM contient un nouveau film interactif : Les Perspecteurs.

Sommaire
Introduction : La relation comme forme 9
À propos du vidéodisque Le Bus, ou l’Exercice de la découverte 14
Dramaturgie de l’interactivité 22
Pour que poussent les images 30
Le logiciel comme rêverie 46
Artifices 54
La collection à l’œuvre 78
Machines à communiquer faites œuvres 92
Vertus des mondes bornés 120
Notes sur l’esthétique du virtuel 132
Une esthétique de la saisie 148
Programmes interactifs 178
Des arts dans la logique de leur technique 216
Le CD-ROM de la 3e Biennale d’art contemporain de Lyon 224
L’image n’est pas seule 230
Le moment interactif 238
L’image-relation 262
La perspective relationnelle 298
Les arts interactifs s’exposent-ils ? 314
Liste des illustrations 333

L’ouvrage contient le CD-ROM :

Essais interactifs

Réalisation : Jean-Louis Boissier
Programmation : Jean-Noël Lafargue
Avec le concours du laboratoire Esthétique des nouveaux médias,
Université Paris 8
© 2004-2008, Jean-Louis Boissier

Sommaire du CD-ROM :
Album sans fin, 1989
Globus oculi, 1992-1993
Flora petrinsularis, 1993-1994
Mutatis mutandis, 1995
Bifurcation, 1996
Autoportrait, 1999
La Morale sensitive, 1999-2001
Dozographie, 2000
Le Petit Manuel interactif, 2001
Acrostiche, 2001
Modus operandi, 2002-2003
Les Perspecteurs, 2004

En couverture : dessin de l’installation-performance Les Perspecteurs, 2004-2005.

EXTRAITS

Introduction

La relation comme forme

Si « la relation comme forme » émerge comme titre légitime pour ce recueil ayant trait principalement à l’interactivité en art, cette proposition n’en constitue pas le projet systématique et approfondi. Considérant la suite des textes rassemblés ici, il faudrait chercher les diverses apparitions du mot relation et voir comment, avec les nouveaux médias numériques, la relation devient forme et s’inscrit dans des objets apparentés à l’art. Continuation de la photographie et du cinéma, la prise de vues, telle qu’elle est intentionnellement maintenue dans les programmes vidéo-interactifs, est attachée à l’idée de relation au réel. Cette idée est là pour prendre en compte la tradition picturale chinoise ou pour mettre en oeuvre la poétique de la collection, pour construire le diagramme de l’exploration d’un coin de banlieue ou pour mettre en scène un modèle qui se prête à la modélisation de ses gestes. Avec Rousseau, on parle de relation au monde, sur le mode du signe sensitif, de la réminiscence ou de la rêverie sans objet. C’est sans conteste ce qui donne sa pertinence à une entreprise visant à interpréter son texte sur le mode de la performance interactive et à prendre cette lecture comme critère de l’expérimentation d’une écriture nouvelle. Qu’elle soit prélèvement de fragments ou de traces ou qu’elle relève de codes ou de langages, la saisie permet le passage du photographique vers l’image calculée, le virtuel et l’interactivité. La saisie s’identifie alors, en tant que relation, à un processus formel et productif. L’association saisie-ressaisie qualifie la version de l’interactivité la plus homogène à tout ce qui relève de la figuration et de la représentation. La perspective interactive, où la programmation tient la place qu’a la géométrie dans la perspective optique, désigne le dispositif de la construction ou de la saisie des relations. Il est alors possible de concevoir une image-relation qui, au-delà du partage des actions, est une présentation directe de la relation. La jouabilité de l’oeuvre atteste la figurabilité des relations. Cette jouabilité, empruntée aux jeux informatiques, voit sa signification élargie à toutes les acceptions du mot jeu, jeu nécessaire du fonctionnement mécanique, jeu interprétatif, théâtral et musical, jeu de l’exercice corporel et mental, jeu de langage.

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Jack Lang, Jean-François Lyotard, inauguration des Immatériaux, Centre Pompidou, 27 mars 1985 ©Centre Pompidou

France culture, émission « Peinture fraîche », vendredi 6 février 2009.

Pour écouter directement cette émission, cliquer ici :

PRÉSENTATION SUR LE SITE DE FRANCE CULTURE

6 février 2009
« Peinture fraîche » : Les Immatériaux

Réalisation Clotilde Pivin
Reconstitution sonore de l’exposition culte du philosophe Jean-François Lyotard qui s’est déroulée au Centre Georges Pompidou du 28 mars au 15 juillet 1985 et dont se réclame la nouvelle génération.
Avec la voix de Jean-François Lyotard – archives INA

Il devient indispensable aujourd’hui de relire Jean-François Lyotard dans la mesure où toute une génération d’artistes, de critiques d’art, de conservateurs découvrent sa pensée et s’y réfèrent. Se réfèrent entre autres à cette incroyable exposition Les Immatériaux qui se déroulait au Centre Georges Pompidou en 1985 après deux années de préparation.
Ceux et celles qui ont vu cette manifestation n’en ont presque aucun souvenir. La mémoire n’a pas agi.
Au départ le projet devait prendre en compte les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies comme la vidéo et l’ordinateur.
Exposition ni-artistique, ni-scientifique.
Exposition d’une nouvelle sensibilité qui s’opposait à l’idéologie de la communication. Ne voulant pas privilégier automatiquement l’interaction, mais le fait qu’une œuvre d’art est aussi un spectacle.
Cette exposition aujourd’hui culte était une dramaturgie où le spectateur faisait lui-même son parcours.
Il affrontait la multiplicité des jeux de langage, dont la pensée de Wittgenstein se fait l’écho.
En écoutant les témoins et les auteurs témoigner nous obtenons l’empreinte sonore d’un moment de notre histoire qui a déchaîné les passions, les incompréhensions et qui nous oblige aujou’dhui à y revenir.

Invités
Dolorès Lyotard. Philosophe et épouse de Jean-François Lyotard
Jean-Louis Boissier. Universitaire et artiste alternatif, auteur de La relation comme forme : l’interactivité en art éd. Presses du Réel, 2008
Anne Tronche. Historienne de l’art
Philippe Curval. Écrivain, invité des Immatériaux en 1985

EXTRAIT

Dès le début des années 80, le Centre de création industrielle (CCI) avait en projet une grande exposition dont le titre était Nouveaux matériaux et création ( …). Le projet a semblé sombrer jusqu’au moment où la direction du CCI a eu l’idée de faire appel à un commissaire extérieur et c’est le projet, puisqu’il avait été sollicité, de Jean-François Lyotard qui a été retenu ; c’était à la fin de l’année 1983. Il y a eu un mouvement double de la part de Lyotard. D’une part il a été attiré par ce projet qui était assez flou et, en même temps, il l’a contesté dans ses termes mêmes puisqu’il a dit : « nouveau pour moi, ça ne veut rien dire ; matériaux, aujourd’hui ce ne sont plus des matériaux, on ne parle plus de matériaux ; et quant à la création, je ne sais pas ce que ça veut dire ». Dès l’été 1983 il a conçu ce projet qu’il a appelé Les Immatériaux en essayant de défendre ce concept (…).
J.-L.B.

DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES

• Invitation des Immatériaux, Luc Maillet-Grafibus, 1985

Sur ce site : « Les Immatériaux et la question des nouveaux médias numériques », octobre 2008.

• Retour sur Les Immatériaux, mars 2005
Quand, en 1984 au Centre Pompidou, Jean-François Lyotard est appelé à prendre la direction intellectuelle d’une exposition prévue sur le thème « matériaux nouveaux et création », il entend mettre en question chacun de ces trois termes en la nommant Les Immatériaux et en proposant d’agencer l’exposition selon les mots matériau, matière, matrice, matériel, maternité. L’exposition donnera au visiteur « le sentiment de la complexité des choses » car « une nouvelle sensibilité naît » alors que « dans la création apparaissent de nouveaux genres d’art reposant sur les nouvelles technologies ». Il s’agit aujourd’hui de témoigner de cette grande exposition devenue mythique, et de considérer le destin théorique et historique de ces « immatériaux », qui désignent non pas simplement ce qui est immatériel mais, de façon ouverte, « un matériau qui disparaît comme entité indépendante », un matériau où « le modèle du langage supplante celui de la matière » et dont le principe « n’est plus une substance stable mais un ensemble d’interactions ». J.-L.B. (Inroduction pour la conférence Ciren à l’occasion des 20 ans des Immatériaux)

• Jean-François Lyotard
Le Postmoderne expliqué aux enfants
, Galilée, Paris, 1986
 (et 2005)
Correspondance 1982-1985

Extrait, pp. 133-134
à Thomas Chaput
Rome, le 12 avril 1985

La pensée et l’action des XIXe et XXe siècles sont gouvernées par l’Idée de l’émancipation de l’humanité. Cette idée s’élabore à la fin du XVIIIe siècle dans la philosophie des Lumières et la Révolution française. Le progrès des sciences, des techniques, des arts et des libertés politiques affranchira l’humanité tout entière de l’ignorance, de la pauvreté, de l’inculture, du despotisme et ne fera pas seulement des hommes heureux, mais, notamment grace à l’École, des citoyens éclairés, maîtres de leur destin.
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メディアアートの教科書 (Media Art Exercise)
白井 雅人 (編さん), 森 公一 (編さん), 砥綿 正之 (編さん), 泊博 雅 (編さん)

Ouvrage en japonais, à destination des étudiants, 2008.03, avec plusieurs contributions de Jean-Louis Boissier.

Déjà paru :

Jean-Louis Boissier, Moments de Jean-Jacques Rousseau, livre et CD-Rom, Nihon Bunkyo Shuppan, Tokyo, 2003, traduction en japonais de : Jean-Louis Boissier, Moments de Jean-Jacques Rousseau, CD-Rom avec brochure, Gallimard, Paris, 2000.
ルソーの時―インタラクティヴィティの美学 (単行本)
伊藤 俊治 (著), レイモン ベルール (著), 白井 雅人 (著), ジャン=ルイ ボワシエ (著), 永守 基樹 (著), Raymond Bellour (原著), Jean‐Louis Boissier (原著)
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Matt Mullican, Five Into One, 1991. (©Mullican 1991. Collection iconographique de JLB)

En 1990, l’artiste américain Matt Mullican montre à Imagina (« Festival des nouvelles images » organisé par l’Institut national de l’audiovisuel à Monte-Carlo depuis 1981), une œuvre en images de synthèse, The City Project. Ses images ont été calculées à Hollywood sur une Connection Machine (avec Karl Sims), et il envisage de les croiser avec la « téléprésence » (de Scott Fisher). Matt Mullican est sculpteur, il développe une cosmologie personnelle, dans les médiums les plus divers, du bas relief de béton à la bannière de tissu, du bois laqué au parterre de fleurs, de l’objet archéologique au pictogramme le plus minimal. Son œuvre est faite de signes et de projections mentales, elle relève en définitive de la performance. La même année, on le voit au Magasin, à Grenoble, dans un état proche de l’hypnose, une longue baguette en main, décrire en un flot de paroles un immense frottis mural qui est comme le mandala de son univers. Lire la suite »

 

Luc Courchesne, The Visitor-Living by Numbers, installation, 2001.

Vidéo provenant de la Fondation Langlois.

Après avoir cherché une relation panoramique exerçant habilement une certaine mise à distance (Paysage n° 1), Luc Courchesne s’est attaché à une forme d’immersion, qui n’est pas elle-même sans distanciation, notamment avec Living by Numbers (2001). Les travaux plus récents, Le Panoscope, qui prolongent cette pièce, semblent plus ambigus, d’une part parce que l’image-panorama est considérée comme relevant d’une interactivité (avant la lettre) et d’autre part parce que l’expérience immersive se veut plus spectaculaire et plus illusionniste. Mais ce sont des notions qui doivent être discutées à partir des analyses précises des diverses propositions et en relation avec d’autres travaux et expérimentations. Vos contributions sont bienvenues.

ANNONCE

Second Life, nouveau territoire d’expérience artistique immatérielle ?

Lundi 14 avril 2008 à 15h00, École nationale supérieure des beaux-arts, chapelle des Petits-Augustins ou dans Second Life sur l’île Verte. Lire la suite »

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