He Weeps for You

Vous consultez actuellement les articles indexés He Weeps for You.

Une page d’histoire pour remettre ce blog sur les rails.
Parmi les plus belles œuvres de l’interactivité d’avant l’interactivité (au sens du numérique).

Bill Viola, He Weeps for You, installation, 1976*, Détail [sur Youtube].

Texte de Bill Viola :
Ce travail fait allusion à la philosophie traditionnelle de la correspondance entre le microcosme et le macrocosme, ou croyance selon laquelle toute réalité supérieure dans l’échelle de l’être se reflète et est contenue dans la manifestation et le mode d’être des ordres inférieurs.
Les religions anciennes ont exprimé cela comme la correspondance symbolique de l’ici-bas (la terre) et du divin (les cieux) et on retrouve cette idée dans les théories de la physique contemporaine qui montrent comment la moindre particule de matière contient des connaissances et des informations sur l’état du système tout entier.
Dans cette installation, j’ai tenté de créer un « espace accordé » où non seulement tout est enfermé dans une seule cadence rythmique mais où un système dynamique interactif est produit dans lequel tous les éléments na goutte d’eau, I’image vidéo, le son, le spectateur et la pièce elle-même) fonctionnent ensemble de manière unifiée comme un instrument unique et plus grand.
L’œuvre repose sur un processus d’agrandissement : en modifiant l’échelle de ce qui devrait être normalement un événement accessoire pour l’amplifier à la fois visuellement et acoustiquement jusqu’à ce qu’il domine l’espace. Un examen plus serré révèle que le processus unificateur qui sous-tend l’œuvre est un phénomène optique.
La goutte d’eau agit elle-même comme une lentille et s’intègre de la sorte au système optique de la caméra vidéo. On peut voir une image de l’espace tout entier et de ceux qui s’y trouvent, image dont on constate qu’elle est contenue dans la structure anamorphique de chaque goutte d’eau.
Cette distorsion optique accroît à mesure que la goutte gonfle pour finalement tomber hors de l’image et s’écraser sur la surface amplifiée qui se trouve en dessous, inaugurant alors un nouveau cycle.


Entretien, 1998, SFMOMA.

*Bill Viola est né en 1951. Au moment de He Weeps for You, il a 25 ans.

Le site de Bill Viola : http://www.billviola.com/

Au cœur de toutes ces configurations se trouve l’évidente faculté de la vidéo à capter et à transmettre les apparences vivantes, en « temps réel », c’est-à-dire, comme l’énoncent les informaticiens, avec un temps de réponse compatible avec le processus en cours. Ce processus, pour l’artiste, c’est la pensée, la sensation, la vie même. L’œuvre de Bill Viola He Weeps for You, créée en 1976, accomplit ce temps réel dans l’intimité des mécanismes sensibles de son spectateur. Car c’est le corps qui est proprement saisi : dans une vaste pièce obscure, un tuyau descend du plafond, une goutte d’eau en coule très doucement. Une caméra vidéo couleur la filme de très près. L’image de la goutte est projetée sur le fond de l’espace. Le spectateur qui, lui, est éclairé, se voit pris dans le système optique de la goutte qui grossit et tombe avec un bruit d’impact amplifié. Mais déjà une nouvelle goutte se forme et emplit lentement l’écran, avec l’image renversée de ce qu’elle « voit » : celui qui se regarde, collé au mur, assujetti au temps qui coule. Rarement machine de vision n’est aussi organique, quasi biologique. La conscience existentielle, même pathétique, n’émerge-t-elle pas du plaisir d’une communication globale mais restreinte à son seul écho instantané et solitaire ? Ou bien résulte-t-elle de l’expérience d’une anamorphose et d’une amplification opto-électronique de la relation au réel ?
Jean-Louis Boissier, « Machines à communiquer faites œuvres », La Relation comme forme, Presses du réel, 2008, p.102.


Bill Viola, He Weeps for You, installation, 1976

Mots clés : ,