Archive for décembre, 2009

Hallucinorama

Mercredi, décembre 16th, 2009

MagicLantern

Exposition  Lanterne magique et film peint à la Cinémathèque française.

“Ne peut-on pas supposer chez eux, une attente, un “suspense primitif”, tenant précisement à la brièveté de ces œuvres, à la concentration de temps et de détails qui s’opèrent en elles, à leur ouverture sur un “hors-film”, qui transforme la frustration en rêve inverstigatrice ? Et ne faut-il pas supposer qu’au delà du “suspense narratif” tel que nous le connaissons, il subsiste quelque chose, dans le cinéma auquel nous sommes habitués, de ce “suspense primitif” devant l’image en tant qu’image, dépouillée de toute signification narrative, conventionnelle, préétablie, et d’autant plus riche en tant que telle, de significations ?”

Max Milner, Introduction in Les Arts de l’hallucination, sous la direction de Donata Pesenti Campagnoni et Paolo Tortonese, Paris, Presse de la Sorbonne Nouvelle, 2001.

Dispositif d’attention et cinéma réactionnel

Jeudi, décembre 3rd, 2009

smithson

Robert Smithson, Museum of the Void, 1969.

Robert Smithson dans A Cinematic Atopia (1) imagine une salle de cinéma transformée en un vaisseau immobile souterrain où l’espèce humaine vient s’oublier dans la contemplation d’un monde de substitution. Il souhaite construire une salle de cinéma dans une caverne ou une mine abandonnée, filmer l’opération de construction et projeter ce seul film dans la caverne. Robert Smithson dans son essai Entropy And the New Monuments compare la salle de cinéma à une machine à conditionner les esprits. “Le confinement du corps à l’intérieur de ces boîtes obscures conditionne indirectement l’esprit. Même l’endroit où l’on achète son billet s’appelle box-office”(2). Selon Smithson, les spectateurs feraient “un trou dans leur propre vie.”(3) Il explique que le cinéma nous détache de nous-même en nous inventant un destin pareil à celui du narrateur de l’Invention de Morel, le roman de Bioy Casarès qui coule ses derniers jours au sein d’un univers intégralement filmique et dont le corps s’en va peu à peu en lambeaux.

Or malgré les critiques des salles de cinéma émises par Smithson, le cinématographe  permet de par son dispositif, de proposer au spectateur un espace de concentration, ou de perception pendant un certain temps. Cet espace qui peut être considéré comme une perte de temps peut aussi être un moyen de se retrouver seul, seul face au film parmis d’autres téléspectateurs. Dans La fin de la solitude, William Deresiewicz émet l’hypothèse qu’Internet suscite une connexion permanente et une impossible solitude (ou isolement). L’internaute est incité à manifester sa présence en réagissant face aux multiples signaux qui émanent de ses terminaux. On ne compte plus le nombre de messages écrits et oraux qu’il reçoit et envoie chaque jour. Il devient un être hypercommuniquant dont le comportement serait à rapprocher des insectes membracides d’Amazonie (4).

membracites

Le “demi-diable Centrotus cornutus in copula…(photo P.Falatico)

Comme l’explique William Deresiewicz  si l’appareil photo et la caméra suscitent un culte de la célébrité, l’ordinateur et la numérisation ont lancé le culte de la connexion généralisée des choses et des êtres, “la grande terreur contemporaine serait d’être anonyme. […] Nous ne vivons que dans notre relation aux autres, et la solitude ou l’idée de solitude disparait progressivement de nos vies.”

(1) Robert Smithson. “A cinematic atopia.” Artforum, v. 10, no. 1 (September 1971), p. 53-55.

(2) “The physical confinement of the dark box-like room indirectly conditions the mind. Even the place where you buy your ticket is called a “box-office.”Robert Smithson, Entropy And The New Monuments. http://www.robertsmithson.com/essays/entropy_and.htm

(3) “To spend time in a movie house is to make a “hole” in one’s life.” Robert Smithson, Entropy And The New Monuments.

(4)  Danièle Boone explique que les membracides, insectes qui font vibrer les plantes et qui se servent de leurs excroissances pour percevoir les messages, “échangent sans cesse des signaux avec les autres individus en permanent interaction avec son milieu, mais la multitude des signaux échangés à des distance variables produit aussi une rumeur ambiante dont le signal pourrait être brouillé ou se brouiller.”

Du clic cinéma à Surprised Kitty

Mercredi, décembre 2nd, 2009

surprisedkitty_original

Le clic du spectateur est un clic par désir d’en voir plus. Dans ce contexte, ce geste prend une résonnance très pavlovienne. Le souvenir des précédents clics ramène à cet autre clic. Le geste de cliquer est très fréquent car on clique au moins à chaque fin de film et parfois pendant le film, (pour lire les commentaires par exemple). Enfin le clic devient la mesure de l’audimat. Une petite application enregistre les clics pendant la lecture du film, répertoriant tous les moments de zapping et indiquant les moments d’abandon. Le clic cinéma est avant tout lié à l’action et la réaction. Le clic cinéma s’interesse aux  films courts qu’on peut voir et revoir. On les revoit comme on reverrait la bobine du petit garçon dans Au delà du principe du plaisir(1). Le clic cinéma procède ainsi du For Da. Ce cinéma où l’on va et vient entre les images, cherchant à revoir ce qui a été oublié, ou perdu. De manière à mémoriser un film. Donc par exemple  Surprised Kitty est un film d’action-réaction. Chatouiller le chat et susciter une réaction de sa part. Répéter l’opération et ainsi de suite. Expliquer le for da par cette répétition. Les commentaires (images ci-dessous) présentent des vidéos réalisées  sur ce principe d’action réaction.

reactionsvideo

Surprised Kitty est une vidéo postée le 14 octobre 2009, d’une durée de 17 secondes, visionnée plus de quatre millions de fois. Classée dans la catégorie  : cat  cute  surprised  et multipliée sur de nombreux autres sites. Elle compte plus de 3000 avis et 5000 commentaires pour une seule occurence. Populaire chez les hommes et femmes de 35 à 54 ans plutôt vue en Amérique du Nord, en Australie et en Europe, son audience monte à partir du 30 novembre pour dépasser les quatre millions. Première position, concernant la vidéo la mieux notées de toutes les périodes concernant les catégories People et Monde. Les commentaires résument d’ailleurs toutes les vidéos de chat “Cute” qu’on peut trouver sur You Tube : “Possibly the cutest thing i have EVER seen”. “this is so cute my computer just burst into tiny pieces”. “soooooooooooooo cute!!!”. En français on peut traduite Cute par mignon, joli, adorable.Elle est en concurrence avec Kitten Surprise!! (how to break up a cat fight) THE ORIGINAL (12362656 vues), Silly Kittens, Sleepy Kitten (2312081 vues), Small Cute Kitten (4532821 vues), Kitten and his box, mama cat comes to rescue her little kitten et Treadmill Kittens.

(1) Freud Sigmund, Au-delà du principe de plaisir, essai de psychanalyse, Payot & Rivages, Paris, 2001.

Cory Arcangel

Mardi, décembre 1st, 2009


Cory Arcangel, Drei Klavierstücke, op.11, 2009.
Voir aussi son blog

“Selons vous, quelle est la place du folklore et des arts et des traditions populaires dans l’art contemporain ?
Les deux se transmettent des “informations” à l’autre, mais cela marche surtout dans un sens : l’art contemporain ou savant (high) est influencé par le vernaculaire, il l’a toujours été et j’imagine qu’il en sera éternellement ainsi.”

Propos de Jeremy Deller, artiste, recueillis par Jean-Marie Gallais et Nadège Lecuyer,a vril 2009. In Insiders, exposition Arc en rêve centre d’architecture + CAPC Musée d’Art Contemporain. Entrepôt, Bordeaux, 09.10.2009 > 07.02.2010.

Deux ou trois formes de villes fantômes.

Mardi, décembre 1st, 2009

Les villes  réellement fantômes apparaissent dans des globes virtuels comme la ville de Rhyolite ou  les Villes fantômes: Kolmanskop.

“A quelques kilomètres au nord-ouest de Las Vegas, on trouve la ville de Rhyolite, l’une des plus grandes villes fantômes du Nevada. Fondée en 1904, la ville s’est développée très rapidement, mais a été déserté juste quelques années plus tard. Aujourd’hui les restes de Rhyolite qui subsistent dans le désert sont des témoignages fascinants du passé de l’Amérique.” “L’un des bâtiments survivants de Rhyolite est le dépôt de la compagnie des chemins de fer Las Vegas & Tonopah. Il est peu courant dans le Nevada1 de trouver autant de bâtiments en bon état – l’environnement désertique est généralement fatal aux constructions en bois. Mais ici, de nombreuses habitations avaient évité le bois, comme cette maison faite de dizaines de milliers de bouteilles de bière.”

Et il existe aussi des villes faussement fantômes, inventées par des moteurs de recherches ou par des erreurs de référencement. Ceux-ci  vont donc inventer des villes comme par exemple Argleton. Argleton, la ville qui n’existait pas comme le relate l’article écrit par  Julien Gremillot, écrivant l’histoire de la petite ville d’Argleton.

Enfin notons aussi une autre forme de ville ou de site, le site flou, très mal définit. Ces sites concernent des zones qui n’aparaissent pas de manière très précises. Ces sont des zones militarisées ou censurées, ou des zones à l’abri ou à l’écart. Le floutage  donne un aspect fantomatique, un aspect iréel, une forme de fantôme venant s’ajouter aux sites déjà fantômes ou ceux qui sont en devenir fantôme.