Archive for mars, 2008

Caméra-œil, caméra-main et caméra de l’invisible

Dimanche, mars 30th, 2008

La dernière séance fut consacrée à une recherche sur la miniaturisation des caméras cinéma, vidéo et numérique. Les appareils de prise de son et de prise de vue, en relation avec les supports d’enregistrement deviennent plus léger, plus petit et maniable. Avec la miniaturisation des outils, la caméra devient un objet plus proche du corps maniable et transportable. Tout utilisateur peut aujourd’hui trouver facilement des cameras miniatures dont la taille est si petite qu’elles se dissimulent dans des valises, stylos, casquettes. Les micros et objectifs peuvent se porter devant les yeux, aux poignets, entre les doigts de la main ou attachés sur des vêtements.Deux mouvements se dessinent au fil des inventions et transformations des outils de captation du réel ; La caméra devient un outil, une prothèse qui se porte à la place du regard ou bien elle peut se tenir au bout des doigts. La caméra prolongerait un organe comme l’œil humain ou  deviendrait une extension de la main. L’œil greffé de Robocop contient une caméra qui filme et enregistre ce qu’il voit et entend. Il peut superposer sur la vue réelle, la vue précédemment prise. L’enregistrement se compare à la vue présente en temps réel.

  

Robocop et Total Recall de Paul Verhoeven, Tornado Night vision, (en bas à droite). 

Nos caméra ne sont pas encore directement reliées à nos organes et fonctionnent diversement de l’œil humain. Cependant certaines caméras peuvent s’accrocher à la place des yeux ou sur la tête comme une lampe torche frontale. Ces outils servent à filmer dans des circonstances où l’utilisateur a besoin d’avoir les mains libres. Lorsqu’il filme en pédalant, surfant, skiant, plongeant ou escaladant. Dans ces circonstances, la caméra œil sert à palier à l’absence de prise en main.

  

Caméra espion (en haut à gauche), caméra Hero (en haut à droite), caméra pilotée par hélicoptère (en bas à gauche et à droite).

Avec la caméra-main, la vue se manipule par la main. La main trace, cadre, temporalise la scène. La main se saisit du réel, attrape, cueille la vue et se ressaisit de l’objet capté. Dans Minority Report, toutes les vues présentes, passées et futures sont jouées par les mains des policiers chargés de lutter contre la pré-criminalité. John Anderton en déplaçant les deux mains dans l’espace, rembobine, rejoue, change de plan, choisi et cadre les images reçues à partir d’une interface projetant sur des écrans transparents. 

Minority Report par  Steven Spielberg, 2002 et caméra 360°

Enfin, si le nombre de caméras dépasse largement le nombre d’êtres humains sur la planète, d’autres utopies perdurent. Tout en étant à la fois caméra-œil et caméra main, la caméra  filmerait l’invisible, (du plus petit au plus grand) captant ce que l’œil ne peut voir. Capter une scène malgré une absence de luminosité, dans le but de percevoir mieux que l’œil humain. Etre pilotée par des nano-robots ou des mini-hélicoptères, être un œil total qui enregistre une totalité spatiale, tous les côtés en même temps, devant, derrière, à gauche, à droite, au dessus et en dessous.

Cinéma-maison, cinéma domestique, cinéma chez-soi…

Jeudi, mars 13th, 2008

Lors de la dernière séance, le mercredi 12 mars, j’ai montré différentes installations de Home Cinéma en projetant des images de différentes configurations avec écran plasma, vidéoprojection et dispositif accoustique adapté à un environnement domestique.

J’ai cité quelques extraits des Utopies d’un cinéma interactif : “Le home cinema réunit deux instances de modalité d’images : d’une part avoir un cinéma de très bonne condition chez soi, de l’autre, avoir la possibilité de modifier les paramètres et de naviguer dans le film. Le home cinema est un cinéma à portée de main. On pourrait aussi parler de « cinéma-main », parce que le dispositif est souvent construit à la maison de manière artisanale. L’écran est par exemple à déplier. Il faut aussi installer dans certains cas un vidéo projecteur.”

“Le cinéma, tel qu’il est visible dans un dispositif cinématographique, réunit les conditions adéquates à la diffusion d’une œuvre filmique. Il s’agit de faire le noir, d’être confortablement installé, dans de bonnes conditions acoustiques. Dans ce dispositif, le spectateur entretient un rapport privilégié avec le film diffusé. Le spectateur opte pour une position de choix par rapport à celui-ci, installé dans des conditions optimales pour prendre le temps du film, l’esprit libéré de toute action. Le phénomène home cinema vise ainsi à retrouver les paramètres d’une cinéphilie intime.”

“Mais pourquoi réintroduire le principe de la salle de cinéma chez soi ? Pourquoi copier un dispositif sur un autre ? Plutôt que de se soumettre aux contraintes provenant d’un dispositif collectif, ne faudrait-il pas plutôt retrouver d’autres modalités qui lui correspondent mieux, c’est-à-dire préserver l’intimité de ce cinéma pour la maison ?”

L’éssaim et la sangsue

Vendredi, mars 7th, 2008

Mercredi 5 mars, pour expliquer quelques structures d’échange de fichiers sur les réseaux P2P, j’ai montré deux images comme métaphore. A droite, l’image d’une sangsue dont le mot anglais “leech” signifie qu’un client télécharge un fichier sans le posseder complètement. Plus largement répandu, “leech” signifie ceux qui téléchargent sans envoyer de fichier en retour sur le réseau. A gauche, l’image d’un essaim “swarm” qui est une figure désignant ceux qui partagent un torrent dans les réseaux Peer to peer (P2P).

J’ai aussi cité plusieurs fois le texte Entre nous écrit par Boris Beaude sur les réseaux P2P : « Le P2P, contrairement aux idées reçues, ne se définit pas par le partage d’informations (textes, photos, musiques, vidéos, logiciels), mais par le partage des ressources qui permettent cet échange (accès à Internet, mémoire, capacité de calcul). Ce principe suppose de remplacer les intermédiaires par l’ensemble des usagers et de les relier le plus directement possible. Le partage illégal de musique ou de films entre plusieurs centaines de millions d’utilisateurs utilise ce principe pour rendre insignifiant le coût de l’échange et ne pas dépendre d’un intermédiaire, qui serait une cible juridique facile. »
Boris Beaude, “Entre nous.”, EspacesTemps.net, Mensuelles, 30.04.2005

Donner / recevoir

Vendredi, mars 7th, 2008

Alberto Sorbelli a fait une performance dans la galerie EOF qui s’appelait Donner recevoir. Pour cette performance, que je n’ai pas vu, il avait postulé que c’était plus difficile de recevoir que de donner. Judith Cahen a filmé cette performance, elle m’a raconté que pendant toute une après-midi entière, dans une galerie d’art, des personnes qu’il avait invitées à passer le voir apportaient des cadeaux.

Lors de la dernière exposition de Jonathan Monk à la galerie Yvon Lambert, chaque spectateur pouvait regarder et s’imaginer prendre un vélo d’occasion dont tout laissait à penser qu’il était à disposition du public. Sur le moment nous n’avons pas osé en prendre un, puis nous sommes revenus le dernier jour, et nous avons traîné un vélo jusqu’à la porte de la galerie, inquiets et enjoués de notre situation paradoxale et incongrue de « spectateur-preneur ».

« En 1999, Francis Alÿs s’est installé à une sortie de métro, dans la ville de Mexico, une paire de lunettes à la main. Il a proposé d’échanger cet objet contre un autre à des passants qui sortaient du sous-sol de la mégapole. Puis lorsqu’un autre objet lui a été proposé, il a poursuivi le troc avec d’autres piétons pendant un certain temps jusqu’à obtenir au bout du compte, à la suite de plusieurs échanges, un paquet de cacahuètes. Entre-temps auront circulé dans ses mains, un jouet en forme de tapir, une cruche, une peluche, un chapeau, une chemise, un sandwich, une paire de sandale et une torche. L’œuvre qui a résulté de cette action se présente comme un dépliant touristique que l’on déploie, telle une guirlande, et dont chacune des images décrit l’une des étapes du troc.» Thierry Davila, Fables / Insertions, in Francis Alÿs, catalogue, Musée Picasso, Antibes, 2001 p.39