Alessandro Colizzi

Alessandro Colizzi “À propos de Bruno Munari”

Lundi 16 février 2015, 15h00-17h30
Université Paris 8 – salle A1 172

Alessandro Colizzi, 16 février 2015

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Bruno Munari (1907-1998) a été à la fois artiste, graphiste, designer, auteur, pédagogue. Son intelligence multiforme a en partie entravé sa fortune auprès de la critique, qui a toujours eu du mal à classer ses activités sous une seule étiquette. La littérature offre souvent une lecture partielle de son œuvre, où le designer industriel, l’artiste ou l’éducateur prévalent souvent sur le graphiste. Dans ce domaine en fait, il n’est reconnu aujourd’hui que pour son travail dans l’édition, ainsi que pour des livres pour enfants qui datent des années 1960; tandis que mal documentée reste sa collaboration en tant que graphiste, illustrateur, photographe avec nombreux périodiques, maisons d’édition et studios graphiques à Milan à partir des années 1930.

Sa production graphique peut être regroupée en quatre périodes principales coïncidentes avec des champs d’intérêt spécifiques: la publicité commerciale, l’illustration et la photographie dans les années 1930 et 1940, la direction artistique de périodiques et la collaboration avec les plus importants éditeurs italiens dès les années 1940, les recherches sur le livre en tant qu’objet, ainsi que sur la perception visuelle dans l’après-guerre, la création de livres pour enfants à partir des années 1940, activité qui prendra une importance particulière au début des années 1970 avec sa participation croissante à des activités éducatives pour les enfants. En tant qu’artiste et designer actif à Milan dès la fin des années 1920, Munari incarne de façon exemplaire la rencontre entre une tradition locale de la modernité représentée par les futuristes et le courant européen associé au constructivisme et à la « Nouvelle typographie». Comme d’autres artistes de la même génération, tels Veronesi, Grignani, Carboni, Munari a joué un rôle fondamental dans la diffusion et l’essor du paradigme moderniste en Italie dans l’après-guerre.

Vers la fin des années 1960, l’intérêt pour l’enseignement et pour le monde de l’enfant deviendra le centre de sa réflexion et de ses activités éducatives. Au-delà des différentes lectures possibles de son œuvre, on retrouve des constantes qui relient les différentes disciplines et médias: d’une part, l’investigation des principes de la communication visuelle, et de l’autre l’exploration systématique des matériaux et des techniques. Cette approche caractérise au même titre son activité de pédagogue ainsi que dans ses livres pour enfants et, surtout, dans les ateliers créatifs pour enfants qu’il crée à partir de 1977. Cette nouvelle pédagogie était fondée sur une vision très proche de celle de Jean Piaget, et peut être considérée comme la synthèse de toute une vie de recherche. À cet égard, Munari peut à juste titre être qualifié de véritable moderniste, dans la mesure où son activité en tant que concepteur a été constamment encouragé par un idéal d’engagement social.

© Giliola Chisté. Courtesy Corraini Edizioni

© Giliola Chisté. Courtesy Corraini Edizioni

Alessandro Colizzi est professeur à l’École de design depuis 2005, où il enseigne l’histoire du design graphique, la typographie et le dessin de caractères. De l’histoire du design graphique à la création typographique et au design d’information, ses intérêts reflètent son parcours éclectique à partir d’une formation humaniste (maîtrise de langue et littérature anglaise), avec une formation post-diplôme en typographie à l’Atelier National de Recherche Typographique en France (2001), une maîtrise en création de caractères à l’Académie Royale des Beaux Arts de La Haye (2004), et un doctorat en histoire du design à l’Université de Leyde (2011). La publication de son étude sur Bruno Munari est prévue chez l’éditeur Corraini pour 2015. Il prépare actuellement une exposition sur l’œuvre de Munari au Centre de design et à la galerie Artexte de Montréal pour l’hiver 2016. Avec Paul Tana (cinéaste et professeur à l’École des médias de l’UQAM), il prépare un documentaire sur le graphiste italien Piero Ottinetti (1927). Il est membre de la Société des designers graphiques du Québec, de l’Association Typographique Internationale, ainsi que de l’Institut du patrimoine de l’Uqam.