Réseaux informels


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INTRODUCTION

Un réseau est, dans le cadre de la présente recherche, pensé comme une topologie entre différents nœuds (machines/usagers/individus). Le concept d’informel travaille aussi bien la notion de visibilité formelle que celle de structure du réseau, son organisation interne : horizontale et décentralisée autorité capable d’exercer à distance (temporelle ou spatiale) son pouvoir technologique ou non.


PROPOS GÉNÉRAL

Nous réfléchirons ici la possibilité de création de réseaux informels autonomes, hors d’un contrôle opéré sur un réseau globalisé d’agents, par la relocalisation et matérialisation des données ou contenus. Nous chercherons également à voir comment l’occupation des médias et espaces publiques peut permettre l’émergence de cultures sinon invisibles au publique. En outre, nous verrons ce qu’informer l’occulte peut signifier et l’intérêt stratégique de penser la dissolution programmée dans le temps d’interventions dans l’espace public, qu’il soit média ou territoire.


SYNTHÈSE

Cette présentation s’organise autour d’artistes performant la rencontre fortuite et éphémère pour ensuite s’appuyer sur des dispositifs assistés par des moyens informatisés dans la création de réseaux adaptés. Ces réseaux alternatifs formulent la volonté d’une architecture ou identité informelle afin de répondre, par l’anonymat entre autre, à la création d’un potentiel d’existence à côté ou en dehors d’un maillage communicationnel aujourd’hui globalisé, diffus aussi bien dans l’espace public que privé. Nous ouvrirons notre réflexion sur la pratique omniprésente de la publicité dans l’espace publique comme réseau informel d’une hyper-structure idéologique – libérale – attachée de plus en plus à une économie de l’(in)attention[1] par la captation d’un publique ciblé puis suivi dans sa mobilité (compris dans une historicité). Ces propositions cherchent des moyens de détourner ou d’occuper les espaces publiques sans être policés.


DÉVELOPPEMENT

Les pratiques dans l’espace urbain travaillent un imaginaire particulier de la rencontre temporaire d’individus. Le partage de cet espace crée un milieu en dehors du privé, des lieux d’intimité et de vie. Il a lieu dans une continuité par les parcours du quotidien qui y ont lieu. L’entredeux par le « trajet » définit selon Paul Virillio l’appréhension de l’espace urbain.

« Toute l’histoire a été une urbanisation de l’espace réel, du bourg, de la ville (…) mais malgré Internet et les autoroutes électroniques, on ne se pose pas la question de savoir si on peut urbaniser le temps réel, si la vile virtuelle est possible – proximité immédiate avec l’agora, le forum, le parvis
– proximité métabolique avec le cheval
– proximité mécanique avec le train et la révolution des transports
– proximité électromagnétique avec la mondialisation et le temps réel qui l’emporte sur l’espace réel ».[2]

 

Dans une vidéo (où il marche dans l’espace public – La Rochelle, 2011 – monologue) exposée au Palais de Tokyo (Paris, 2015) dans l’exposition Exit organisée par la Fondation Cartier au sujet des flux migratoires, il revient sur les notions de pistage des individus entant que flux mouvant et administrés : une volonté d’organiser l’itinérance de populations, travailleuses ou non, soumises aux nécessités d’une itinérance, d’une flexibilité au sein d’un territoire planétaire, d’une délocalisation. Il parle ainsi des dispositifs de traçabilité et donc d’identification dans une recherche de formalisation des ces activités par une autorité bureaucratique[3].

 

Il s’agit donc d’un temps de la découverte, de passage dans un ici et maintenant (Hic Nunc) diffus sans réelle concentration par un temps long. Dans L’espace public, Thierry Pacquot[4] qualifie entre autre l’espace public par ses caractéristiques communicationnelles et de circulation dans lequel le public n’a pas nécessairement de « prise »[5] : où il est en transite, sans attache mais où, par la rencontre formelle ou informelle, l’espace devient espace, par relativité. Pour être publique, qui plus émancipé Jacques Rancière[6], il faut au spectateur un statut particulier, un contexte dans lequel il s’inscrive, le sorte de sa passivité par défaut. L’espace public est un lieu de vie commune mais où le publique n’est pas forcément révélé à lui même, activé, dans un état de perception, captivé par un objet qui lui serait transmis par un canal détermine le message[7]. La création dans l’espace public se confronte donc à un non-publique, à un potentiel de captation et de réception plus ou moins fort.

L’occupation de l’espace public requière donc et avant tout de figer le spectateur, le regardeur, dans un état non plus transitif : il faut qu’il y ait une rencontre même symbolique mais signifiée et cela même pauvrement. Ce statut d’éphémère permet dans le même temps d’imaginer des protocoles de dissolution qui n’ont pas les mêmes enjeux de pérennité que dans un espace dédié, semi-public, tel une galerie d’art, un musé, un salon de collectionneur. La spécialisation des usages et des pratiques existe dans l’espace public délimité, construit selon une logique propre autour, par exemple, du territoire privatisé. Dès lors, nous pouvons considérer les interventions dans l’espace public comme parasites d’un ordre communément signifié et transmis dans les mœurs qui y sont appliquées. L’occupation est pour ainsi dire une transgression qui crée un temps et espace propre, à côté des habitus[8].

Nous observerons ici deux types de mise en relation avec un public révélé à lui-même par la création dans ce milieu communicationnel et de circulation qu’est l’espace public. D’un côté, une occupation de l’espace éphémère de façon pirate, en dehors des cartes dans le cas de créations autogérées et affirmées ; de l’autre, des dispositifs de captation de l’attention dans une économie unilatérale d’un public défini par le médium tel la publicité qui l’inscrit, d‘amblé, dans un mécanisme marchand, libéral, l’identifiant comme consommateur. Nous prenons ici volontiers deux cas extrêmes qui permettent une émancipation et liberté bien différente de la part d’un publique renvoyé d’un côté à sa condition d’acteur en train de transgresser l’ordre de l’espace public dans l’instant et, de l’autre, à son rôle de consommateur confronté au choix multiple aillant la même perspective de créer de l’envie, un ailleurs accessible, plus tard, du fait d’une inscription pré-requise dans le réseau idéologique qui s’adresse à lui par des messages publicités. Ce dernier cas de figure s’intéresse à des médias assumés qui ne dissimulent pas leurs objectifs, les moyens et buts des structures et logiques internes qui justifient leur présence : faire du chiffre.

 


CONTEXTE DE RECHERCHE – MASTER 1

… autour des « Darknets » et réseaux locaux[9].

Dans le cadre de recherches précédentes sur les réseaux occultes et résilients, hors d’un maillage de connexions globalisées par l’informatique, nous avons cherché à penser des espaces hors champ, permettant une expression libre, anonyme, coupée d’une historicité par le pistage de ses usagers. Les différentes topologies de ces réseaux ont en commun de rejouer l’utopie des débuts du réseau des réseaux : Internet. À ses prémices deux grands avenirs lui sont promis, deux grands objectifs. La nécessité première durant la guerre froide aux débuts d’une informatisation est celle d’une transmission d’information réactive dans l’élaboration de stratégies militaire d’appréhension des stratégies ennemies.

« En 1966, il devient co-organisateur du Trips Festival qui marque la réunion des mouvements communalistes et des outils technologiques de communication, dont beaucoup ont été conçus par la technocratie militaire et les chercheurs académiques dans le cadre de la Guerre froide. »
Derrière Internet, l’imaginaire hippie, http://www.slate.fr/story/74091/derriere-internet-imaginaire-hippie-stewart-brand, autour des travaux de Steward Brand et de l’ouvrage de référence par Fred Turner : Aux sources de l’utopie numérique[10].

Mais l’utopie formulée dans un second temps par des communautés hippies est toute autre : relier toute l’humanité, au-delà des frontières pour éviter les conflits mondiaux qui l’ont tristement réunie autour de totalitarismes en guerre. Ils continuaient l’idée première du réseau repris par l’armée, celle de créer de l’intelligence partagée entre ordinateurs à travers les vastes étendues territoriales des États-Unis d’Amérique dans le cadre de la recherche scientifique et universitaire. Notre recherche se construit sur une certaine nostalgie politique et technique.

En se globalisant tout en devenant populaire le cyberespace a vu son espace public s’ouvrir, les réseaux locaux, Ad-Hoc — « locution latine qui signifie « Qui a été institué spécialement pour répondre à un besoin ». […] Dans le cadre d’une société cette valeur signifie une durée déterminée[11] — ou fermés (« intranets »), s’ouvrir, perdre le caractère occulte réservé à des initiés, multiplié les points d’entrée. Aujourd’hui omniprésent, Internet et le web (« toile ») sont permanents, quotidiens et participent d’une économie particulière financée et organisée le plus souvent autour de la captation et de la comptabilité d’un publique de plus en plus ciblé. Sortir de ce réseau communicationnel permet de se réapproprier les données localement, de retrouver une matérialité des outils et protocoles qui, sinon, grâce au prolongement de nos corps assistés par ordinateur, nous permettent une sorte d’ubiquité par l’accès à des contenus lointains, stockés sur des serveurs : d’une permanence ambiguë et soumise à des logiciels qui supplantent de plus en plus au politique. Cette dépendance crée un nouvel espace où l’internaute peut avoir accès à un tout le délocalisant de ce qu’il lui est accessible à proximité, l’inscrit dans une dépossession de la critique par un choix orienté des contenus auxquels il a accès via des indexes orientés : algorithmes. Repenser des réseaux Ad-Hoc, in situ, offre l’opportunité de retrouver une maitrise des données, ressources et contenus, tout en offrant de possibles rencontres spécialisées. Le réseau est ainsi horizontal dans sa hiérarchie entre maitres/serveur et les « clients » (utilisateurs) qui ont un pouvoir sur lui : celui de faire, de modifier, d’interagir, d’administrer librement ces outils selon leurs besoins.

Dominique Cardon : Nous devons nous armer d’une culture critique des algorithmes (interview)
« Peut-on alors dire que nous sommes aliénés par les algorithmes ? »
– Dominique Cardon : « […] les algorithmes structurent tellement notre environnement qu’ils imposent des espaces que nous ne choisissons pas et que nous ne discutons pas assez. Je dirai qu’il s’agit plutôt d’un cadrage que d’une aliénation : quand il n’est pas possible de ne pas suivre la recommandation, de « passer en manuel », alors oui, tout d’un coup, nous nous retrouvons prisonniers d’une boîte noire qui nous a capturé. »[12]


CRÉATION DE RESEAUX ALTERNATIFS

L’informel est un sujet courant en performance où la trace de l’action est médiatisée par un médium tiers dans le temps postérieur de sa transmission. Dans sa vidéo « Birthday » (couleur, 2009, 1 min. 17 sec., « Anniversaire »[13]), Ivan Argote crée un noyau de rencontre entre différents individus dans l’espace public, dans une « capsule temporelle » de convivialité, celui d’un ascenseur. Il crée un réseau informel, localement, qu’il fédère autour d’une action cérémoniale commune ayant trait aux micro-communautés sociales qu’est le noyau familial (la vidéo restitue cette action performative et rejoue l’action filmique du film de famille dans la création d’une mémoire imaginaire. À noter qu’il réalise également une performance dans un bus où il présente les passagers comme faisant partie de sa famille partant en voyage[14]).

Anniversaire
1.    Image extraite de la vidéo présentée sur le site de la galerie Perotin (Paris)


 

[1] https://lejournal.cnrs.fr/articles/lattention-un-bien-precieux (Stéphanie Arc, L’attention, un bien précieux, 2014) interview avec Yves Citton en référence à son ouvrage collectif : L’Économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme ? (Ed. La découverte, 2014).

[2] P. VIRILIO, Cybermonde, la politique du pire, Ed. Textuel, 1996, p.72 http://www.electropublication.net/virilio.html

2bis Thierry Paquot, L’espace public, Ed. La Découverte, coll. Repères, 2009, p.8

[3] « L’économiste et anthropologue David Graeber décrit dans son dernier ouvrage un phénomène de « bureaucratie totale », qui « domine tous les aspects de notre propre existence » et qui annihile la créativité sociale. Pour lui, loin d’être l’apanage d’une administration publique s’opposant au fonctionnement libéral du marché, la bureaucratie s’identifie de plus en plus avec la finance, et brouille la distinction entre secteur public et privé. » — La bureaucratie, conséquence paradoxale du libéralisme http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-la-bureaucratie-consequence-paradoxale-du-liberalisme-2015-10-0

[4] Thierry Paquot, L’espace public, Ed. La Découverte, coll. Repères, 2009, p.8

[5] Thierry Paquot, op.cit., p.8. À propos de Isaac Joseph sur la rencontre dans l’espace public.

[6] Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, Ed. La Fabrique, 2013

[7] Thierry Paquot, op.cit., p.5, Marshall McLuhan « Le message c’est le médium » (extrait du 1er chapitre de Pour comprendre les médias http://www.arpla.fr/odnm/?p=264)

[8] « C’est dans les espaces publics que le soi éprouve l’autre. C’est dans ces espaces dits publics que chacun perçoit dans l’étrangeté de l’autre la garantie de sa propre différence. » Thierry Paquot, op.cit., p.7.

[9]    PDF : http://vincent-bonnfille.fr/LES-DARKNETS_EXTREMITES-D-UN-RESEAU-AMBIANT_Vincent-Bonnefille_2015_lowdef.pdf ou http://vincent-bonnefille.fr/#darknet

[10] A voir également http://www.slate.fr/story/95899/fred-turner-technologies, Comment la gauche et la contre-culture sont tombées dans le piège de l’utopie numérique : « Cette idée était très puissante en Californie en particulier, et ce sont les gens associés à ce bord de la contre-culture qui ont travaillé avec le monde des ordinateurs. C’était donc un mouvement très local.»

ou http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2013-05-0106-012 au sujet de Aux sources de l’utopie numérique.

[11] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ad_hoc/n paysage réccma gret puis de  s pratiquesence dans mes flux (veille) orientés autour de l’.ique.

[12] http://www.rslnmag.fr/post/2015/11/02/dominique-cardon-algorithmes-politique.aspx (2015)

[13] https://www.perrotin.com/catalogues/works_video_link-Ivan_Argote-325.html (œuvre intégrale)

[14] We are all in the bus (vidéo, 2007) https://www.perrotin.com/catalogues/Ivan_Argote-works-oeuvres-25703-84.html


 

 

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Marika Bürhmann[1] crée quant à elle une relation plus indicible en rendant magnifique la rencontre éphémère d’une autre personne avec elle-même par une action quotidienne telle que traverser la rue. Elle crée une micro-situation scénarisée, anticipée et donc fantasmée de cette relation dramatisée au préalable (par courrier postal). Nous pouvons voir la création d’un réseau informel dans ces interactivités éphémères qui créent du lien, une concentration, avant dissolution. À deux il s’agit plus d’un couple, à plusieurs d’un groupe n’ayant pas de forme établie définitivement.

Les créations de réseaux Ad Hoc de Aram Bartholl vise également à créer des espaces de rencontre dans l’espace public. Les Dead Drop sont selon ses dires des « réseaux informels » dont l’indexation sur Internet, le fichage cartographié, prouve par la multiplicité reproduite de ce dispositif, l’existence d’un publique en réseau caché par « boîtes mortes » (usage espion). Ce dispositif utilise des Clés USB – périphérique populaire et bon marché –, normalement dédié au stockage transitoire de données d’une machine à une autre dans une sphère de confiance, sont ici solidarisées avec l’architecture urbaine dans des espaces à priori publics. Le corps de l’usager prolongé par son ordinateur doit, dès lors, récupérer ou ajouter des données dans ces boites de dépôt déconnectées d’un réseau global et donc de façon anonyme par défaut (selon le choix de chacun de se citer, de partager des contenus personnels). Ce dispositif permet l’échange entre destinateurs et destinataires absents et inconnus l’un à l’autre, sans historicité commune sinon celui de l’espace public dans lequel la Dead Drop à laquelle il accède se situe. [Brooklyn, NY, Eyebeam, première résidence 2007].

DeadDrop
–>https://deaddrops.com/fr/ et http://datenform.de/blog/dead-drops-preview/ + http://eyebeam.org/people/aram-bartholl

 

L’artiste du post-internet David Darts[1] propose également des Dead Drop connectées qui offrent une zone de confort plus large par leur accessibilité en Wifi : réseau Lan (local entre machines en dehors d’Internet) dans le champ localisé du Wifi qu’il propage (gratuit, sans compte administré). Le dispositif est appelé Piratebox, dépôts pirates, outils de transmission, de publication… De tels dispositifs permettent d’offrir des médias alternatifs hors de portée d’outils de traçabilité : des zones communicationnelles autogérée. Il s’agit d’un moyen tactique mouvant, capable d’adaptabilité avant tout grâce à la portabilité du dispositif technique et rappelle les pratiques des radios pirates[2].

Piratebox
1.Piratebox embarquée sur un vélo.
2. Interface logiciel (terminal).
3. Interface utilisateur en situation

[1] Actions petit à petit inscrites dans une volonté l’art thérapie (des dires de l’artiste, rencontre à l’ENSAPC en 2010, workshop performatif dans le cadre du cours « Quand dire c’est faire »). Cf. http://www.laboratoiredugeste.com/spip.php?article14

[2] https://daviddarts.com/piratebox/

[3] Cf. Thierry Paquot, op.cit., p.6

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Le logiciel embarqué sur périphériques portables FireChat devient populaire durant les manifestations qui ont eu lieu à Hongkong en 2014. Par cette application les utilisateurs peuvent ainsi discuter en dehors d’un possible réseau contrôlé, policé par l’état auquel ils s’opposent par leurs revendications. La masse critique niant d’ailleurs en partie l’individu au profit d’un groupe, se trouve ainsi prolongée par un réseau P2P localisé, autour d’une topologie MESH (« maillage » qui permet une autonomie par le partage des ressources nécessaires à sa création et à sa continuité spatiale et temporelle : sa survie par des origines multiples.

Topologies

De haut en bas, de gauche à droite:
1. Schémas de topologies de réseaux distribuant du moins au plus le pouvoir entre usagers vis-à-vis d’un serveur/administration.
2. Schéma d’indexes formels ou non.
3. Illustration de réseaux P2P (topologies ~wikipédia).
4. Hydre, monstre à plusieurs têtes, symbole d’un pouvoir distribué aillant, par le groupe, une capacité démultipliée de survie
5. Manifestations étudiantes à Hongkong, illustration d’ensemble et de groupes médiatisés technologiquement
(6. Vue rapprochée)

 

En effet, chaque usager partage les ressources sur le réseau tout en y aillant simultanément accès : il est à la fois client et serveur, relais des messages diffusés sur ce réseau. Une telle topologie de réseau offre un moyen de réactivité et d’intervention dans l’occupation de l’espace public par un outil commun à priori plus dur à détruire, à assimiler : plus résiliant.

« […] la présence physique des masses manifestant sur les places et dans les rues, à la différence du XIXe siècle et du début du XXe, n’a pu déployer une violence révolutionnaire que dans la mesure ou elle était transformée par la télévision en une présence urbanistique »[1]

[1] Thierry Paquot, op.cit., p.25

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HACKING : OCCUPATION DES RÉSEAUX FORMELS PUBLICITÉS

La proposition de Julian Oliver, artiste prônant l’ingénierie inversée, autour du Critical Engineering Working Group[1], par le hacking[2]. Il propose un dispositif technologique capable de capter et de détourner des données transmises à des internautes connectés via le protocole Wifi (accès public à Internet). Ainsi, il est possible à un ensemble de participants équipés de ce module électronique nommé Newswreek[3], de modifier localement, à proximité, les données reçues par les utilisateurs connectés, sans passer par les serveurs pour ainsi « hacker la démocratie » (slogan d’accroche)[4]. Le but en utilisant ce dispositif est en effet de permettre à chacun(e) de se faire les relais pirates d’une information en modifiant le contenu finalement affiché sur les pages web (sites). Cette réappropriation permet ainsi, entre autre, de profiter de la notoriété et la popularité des sites modifiés par l’occupation de leurs infrastructures en bout de chaîne dans leur transmission technique. Il offre un moyen de créer un contre-média sans prévenir la masse de lecteurs qui l’atteignent. Ces derniers peuvent ainsi être soumis à une rumeur, une contre-information, assimilée du fait de leur confiance envers les médias (canaux, flux) et de la transmission sécurisée de bout en bout du message (structure). Ce dispositif technologique, portatif, permet donc, lui aussi, de relocaliser les données ici capturées afin de se réapproprier cet espace public et réseau formel par une prise de pouvoir politique autoritaire : de résister à une puissance effective d’une culture ainsi ou de fait dominante.
JulianOliver

Images d’illustrations sur le site officiel. De gauche à droite :
1. L’entrepreneur model de communication et de réussite.
2. Illustration schématique des réseaux de médias (journaux, télévisions…) à l’échelle européenne entre serveurs et ordinateurs interceptés.
3. Petite échelle entre le « cloud », Newswreek, sniffeur/serveur et les périphériques modifiés…
4. Source vidéo, un « activiste » mettant Newswreek l’un des modules dans son sac avant distribution à d’autres participants. 5. Interface (similaire à celui de la piratebox) via un terminal.
5. Exemple de modification d’un titre d’article.

 

[1] Critical Engineering Manifeste, 2011 – 2015, Julian Oliver, Gordan Savičić, Danja Vasiliev : https://criticalengineering.org/

[2] Traduction par « bidouille », prise de pouvoir et détournement des usages d’un objet standard

[3] Site officiel du projet (dédié) : http://newstweek.com/overview

[4] « Media is the nervous system of a democracy; if it’s not functioning well, the democracy can’t function. » Jeff Cohen, Founding Director of the Park Center for Independent Media.

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[ENTRE-ACTES]

D’autres collectifs d’artistes/activistes tels les Yes Men[1], usent de tactiques d’occupation éphémères en imitant les codes d’une communication des de médias dominants – aillant une large visibilité par leur réseau – véhiculant les idéaux libéraux et capitalistes. Ils peuvent par exemple, de façon performative, user des coutumes et costumes conformistes du partenariat – moyens de se présenter et d’intégrer un cercle de confiance – aimés des médias pour les attirer et se voir ainsi offrir un temps de diffusion, de visibilité, de publicité : d’existence publique sur un réseau formel. Ils avaient également publié un journal de rumeurs… dans l’espace public. Il s’agit plus ici de stratégies d’occupation d’une audience plutôt que d’un espace inscrit dans l’architecture urbaine. La stratégie et d’usurpation d’un média par camouflage nous permet toute fois d’évoquer l’un des principes d’une occupation temporaire.

[AJOUT je conseille d’ailleurs cette séie de conférences au laboratoires d’Aubervilliers (juin 2015) – dont celle-ci sur les tacticals-medias https://en.wikipedia.org/wiki/Tactical_media
-> https://soundcloud.com/leslaboratoires-1/le-printemps-des-laboratoires-3-bloggers-hackers-wikileakers-whistleblowers-youtubbers-1#t=10:12]


YesMen

  1. Site de « pishing » / hameçon mis en forme pour attirer les médias autour d’une organisation rattachée à l’OCDE (fictive) http://www.dowethics.com/
    2. BBC, télévision, en direct (studio fictif, propos mensongers ou révélateurs)
    3. Bannière de l’organisation Yes Men http://theyesmen.org/
    4. Exemple de dispositifs ici de survie pour– rendus crédibles lors de mises en scènes par les Yes men communiquant

entant que fausses organisations auprès d’un public souvent crédule, manipulé par eux (en jouant entre autre sur l’aspect novateur de leurs objets).

 

[1] Présents entre autre au The Influencers, an art & activism festival (2015). Article à ce sujet : http://we-make-money-not-art.com/the-influencers-internet-doesnt-exist/ « curated by researcher and producer Bani Brusadin and by artists Eva & Franco Mattes […] » « The Influencers is part of Masters and Servers, a European adventure focused on a new generation of digital interventionism that is behind some of the most interesting publications, festivals and exhibitions of the moment. Think Aksioma, AND festival, Link Art Center, The Pirate Book, Networked Disruption, etc. » [Ces organisations/institutions font partie d’un paysage récurent de médias dans l’élaboration de mes recherches, une omniprésence dans mes flux (veille), orientés autour de l’œuvre de Nicolas Maigret The Pirate Cinema puis de pratiques sur le DarkNet]. Film « YesMen » sorti en 2004, puis 2015 « The Yes Men fix the world ».

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Tout autrement le collectif Général Idea s’approprie l’espace de publicité, joue autour du fantasme de l’artiste-star, populaire dans un milieu, est a également créé une forme de médiation dans l’espace public reprenant à leur compte le principe publicitaire de population : la multiplicité d’un message répété, unidirectionnel et attractif captant un public cible dont il était question plus avant. Avec Image Virus ils communiquent par une logotype indiquant « AIDS » (campagne de sensibilisation vis-à-vis du virus du Sida) placardée dans l’espace public. Ce logo reproduit, propagé, proche dans l’usure de l’image du Pop-Art/ready-Made, crée un public confronté à un message autoritaire, imposé à lui, parasitant la lecture de l’espace public (1989).

GeneralIdea1. Image d’exposition (scénographie cf. exposition au MAM de Paris en 2011 intitulée Haute Culture : General Idea, Une rétrospective ,1969 – 1994
2. Photographie AIDS, ImageVirus, dans le métro NewYorkais
3./4./5. Affichage de la campagne de sensibilisation mise en abîme dans son dispositif de d’exposition (affichage).

À contrario, mais dans une pratique similaire de diffusion et d’occupation, les Graphiquants entreprise de designers graphistes parisienne, occupe l’espace public publicitaire. Ils créent des affiches monochromes pliées, des Flottings (depuis 2011), en partenariat avec les services publicitaires du réseau métropolitain parisien : ils s’insèrent dans le réseau communicationnel de façon conventionnée, légalement. Par cette occupation des espaces publicitaires les floating annulent la volonté par défaut de publicitaires, d’entreprises, à se donner de la visibilité : ils ne transmettent dans leur cas aucune information sur leur origine en occultant leur nom du support ils restent anonymes : l’objet semble être le seul message inopérant, muet, là où normalement la publicité en impose un. Ils créent pourtant, eux aussi un réseau informel dans la répétition des floattings qu’ils répètent dans l’espace publicitaire.

Capture d’écran 2015-12-23 à 18.11.361. Vue d’ensemble dans le métro parisien
2. Affiche pliée prise en photo (Floating passif)

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RENDRE VISIBLE LES RÉSEAUX INFORMELS OCCULTES – HORS DU PUBLIC

« Öffentlichkeit » : « le fait d’être porté au public »[1].

L’opposé extrême d’une visibilité communicationnelle se traduit par son opacité. La proposition de Thierry Verbeke rend visible les pratiques de réseaux occultes liés aux paradis fiscaux. Il formalise en effet ces usages de différentes façons : installation de containers rappelant l’économie marchande globalisée bien que discrète ; de panneaux d’affichage d’une publicité populaire « criarde » louant l’intérêt des paradis fiscaux, hétérotopie hors du politique ; l’installation d’un drapeau à la frontière entre la Belgique et la France dont il se partage les couleurs et dont la partie centrale est manquante ; la création d’une monnaie PEZ… Il tente ainsi de formaliser un réseau sinon hors les cartes, sous terrain, dont les usages privés rendent un peu plus opaque l’information : une zone juridiquement protégée, hors du politique dans une organisation arrangée entre interlocuteurs aillant des intérêts similaires (réseau F2F – friend to friend – relais garantissant une continuité de l’anonymat des agissements de chacun des parties de confiance). L’artiste informe sur des pratiques en leur signifiant leur impacte politique autour d’une P.E.Z. : Paradize Economic Zonne[2], en dehors de l’espace public, sans public : un réseau informel, hors de l’espace public démocratique. Son installation est en elle-même une TAZ (cf. plus après).

« Notre siècle est le premier sans terra incognita, sans une frontière. La nationalité est le principe suprême qui gouverne le monde – pas un récif des mers du Sud ne peut être laissé ouvert, pas une vallée lointaine, pas même la Lune et les planètes. C’est l’apothéose du « gangstérisme territorial ». Pas un seul centimètre carré sur Terre qui ne soit taxé et policé… en théorie. » Hakim Bay – TAZ[3]


DISSOLUTION INFORMELLE

Hakim Bay a formulé dans TAZ des propositions d’action hors les cartes dans la constitution d’une toile, d’un maillage, d’un « web » sous la forme d’archipels[4] communiquant librement, de façon pirate et libertaire, en dehors d’intérêts opposés, d’un état veillant à une cohésion politique favorisant ses intérêts. Il réfléchit ainsi des stratégies de création de médiation ou réseaux alternatifs non assimilables par une culture globale. Le but est d’assurer une existence libre, défaite de la volonté de faire histoire grâce à des « Zones Autonomes Temporaires », non traçables. Cette volonté de créer des réseaux informels, In-situ et Ad-hoc (dans un lieu et circonstance particulières), formule selon nous la volonté de réfléchir aux protocoles et moyens d’une communication définie par sa nécessité d’occupation d’un lieu par des actions courtes, capables d’autodestruction. Les interventions dans l’espace public travaillent autour de ces nécessités dans un espace mouvant où le public y est transitoire : une fois encore il s’agit d’échapper aux dispositifs de traçage qui se formulent technologiquement en parallèle d’une vie mobile, flexible d’un espace à l’autre, d’une porosité de plus en plus grande entre nos vies privées et publiques. En outre, l’importance d’une création de réseaux alternatifs non assimilés, gardant leur position de minorité culturelle, peut trouver voire prendre sens dans l’invention d’autres pratiques adaptées aux usages et besoin politiques ou locaux : il semble aujourd’hui nécessaire de repenser les rapports de proximités dans la recherche d’un « tissu social » plutôt que de donner le plein pouvoir à des outils et moyens de communications dépossédant leurs usagers techniquement.

 

L’auteur formule un principe de dissolution qui offre des espaces de rencontre non soumis aux mœurs, désolidarisé d’une culture dominante et surtout une philosophie de la désindividualisation inscrite dans l’histoire et donc dans un processus d’affirmation au profit du groupe et d’une expérience de l’instant. En cela il indique des protocoles d’émancipation de soi-même confronté au jugement de l’autre, autorité ou non, mais surtout vis-à-vis d’institutions contraignantes ou directrices dans les usages et pratiques sociales qui, par exemple, peuvent avoir lieu dans l’espace public.


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CONCLUSION \ OUVERTURE

En redéfinissant les méthodes de création et de pérennité du groupe informel car voué à sa perte, il réorganise le relationnel qui a lieu dans ces espaces temps réduits, autonomes d’un tout historique, d’une postérité. Ces principes permettent donc une existence non soumise aux besoins de légitimité tout en permettant un espace de visibilité : une bulle privée dans l’espace public, un média relationnel non soumis aux outils et moyens de contrôle. Ces réseaux informels de personnes, créations d’actions, utilisent donc une tactique mouvante, temporaire, mais nous pouvons nous demander si ces hétérotopies ne sont pas insuffisantes face aux dangers des techno-pouvoir capturant de plus en plus l’espace urbain. Comment, en définitive échapper à la globalisation des réseaux, réel enjeux des Smart City et autres projets de domotique ? Comment rivaliser avec ce marché des données agglomérées dans un temps de plus en plus immédiat, propre au traitement informatique ? Comment déjouer ces outils de plus en plus précis, embarqués dans nos puces, nos fragments d’écrans extirpés de nos habitations privées, connectés au tout-réseau ? À quel point l’espace public étiré d’une sphère communicationnelle dans une autre, circulationelle, déplace-t-elle notre relation perceptive de l’espace public pollué de formes signifiantes (interfaces, réalité augmenté) ? L’espace public n’est il pas tout simplement en train d’être dédoublée par une organisation informée et univoque par des multinationales toutes puissantes, capables à elles-seule de dicter ce qui est ici et maintenant ? Avant même l’imagination d’un autre Internet, d’une autre économie des données traitées en réseau, la création de médias alternatifs nous semble primordial pour favoriser l’émergence de relations in-situ, adaptées et de circonstance quitte à ressentir la pauvreté d’un silence autour d’un café, dans un salon, là où les débats nous confrontent à l’autre, sans l’intermédiaire médiatisé de nos existences sociales centralisées sur des plateformes harmonisées, culturellement redondantes par le traitement de flux politisés par des médiateurs logiciels.

 

Underground peut se traduire par « Maquis »
Actualité relative aux réseaux d’anonymisation et des réseaux wifi ouverts (Ad-Hoc ou autre) :
Wi-Fi interdit, Tor bloqué, backdoors… les nouvelles idées au gouvernement
http://www.numerama.com/politique/133795-wi-fi-interdit-tor-bloque-nouvelles-idees-au-gouvernement.html

Pièces jointes et autres contenus : http://vincent-bonnefille.fr/pj/p8/espace-public-M2/

 

 

[1] Cf. Thierry Paquot, op.cit., p.10, à propos de Jurgen Habermas

[2] Julie Crenn, THIERRY VERBEKE – Pirater le réel / P.E.Z (2014) http://crennjulie.com/2014/06/17/thierry-verbeke-pirater-le-reel-p-e-z

[3] Zones Autonomes Temporaires. Texte original a été publié en 1991 par Autonomedia, accès libre de droits.

[4] À lire sur l’invention du wifi sur les îles : ALOHANET […] http://digital-archaeology.org/the-secret-history-of-wifi/

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