La voix des murs: Ernest pignon-Ernest

Abstract
Cet article présente un aperçu de la démarche de l’artiste Ernest pignon Ernest dans l’espace public. Ernest pignon-Ernest est un artiste plasticien né en 1942 à Nice, il collait des images éphémères sur les murs des villes depuis plus que 50 ans dans l’intention de convertir le lieu en espace plastique, d’établir une relation entre un espace et un dessin, de remettre en surface ce qui est tombé dans l’oubli… Il est un artiste engagé, sensible aux injustices, il traduit des problèmes sociaux et humains par des dessins de figures inspirés de l’histoire et introduits dans le réel présent. Ma recherche constitue une distinction des travaux les plus marquants de son parcours vaste et riche en démontrant toutes ses finalités poétiques et artistiques.

I. Introduction
Saisir l’essence du travail de l’artiste Ernest Pignon-Ernest dans l’espace public est basé sur les questionnements sur sa démarche pour inscrire une forme académique (dessin classique) dans l’espace public ainsi que sur son impact sur l’espace et le passager.
Comment une image peut avoir une dimension in situ?
Où réside l’essence de ses images quand elles finiront par disparaître ?
Comment la peinture et le dessin participent à la mémoire et l’identité du lieu ?
Dans la première partie je présente la stratégie et la démarche de son travail, et dans la deuxième j’ai évoqué différents types d’interventions artistiques marquantes dans l’espace public.

II. Stratégie et démarche du travail artistique d’Ernest pignon Ernest
1. Étude du lieu
Ernest Pignon-Ernest préoccupé par les injustices et les problèmes humains, sa conscience lui mène vers le lieu témoin où il choisit d’y travailler, il hante ses rues avec une observation attentive. Il mène une étude approfondie sur son histoire, ses mythologies, sa politique, ses habitants pour y intervenir par un élément de fiction. Il prend des notes, des croquis et des photos, il cherche des photos archivées et il choisit le mur qu’il va recevoir son dessin. Tout ça constitue la matière première de son travail artistique in situ. La forme in situ est laquelle exige les dessins d’Ernest afin de donner sens à son intervention car son travail ne peut avoir sens et existence que lorsqu’il est installé dans le lieu pour lequel est conçu.

2. La Conception de l’œuvre et son intégration dans l’espace public.
Après avoir toute connaissance de la vie du lieu, Ernest Pignon Ernest passe à la conception des dessins dans son atelier puis à la technique de la sérigraphie s’il s’agit d’un parcours. Son travail est réalisé sur un papier journal récupéré en employant la technique du pochoir, fusain, pierre noire, brou de noix et encre. Ses dessins présentent des figures célèbres, anonymes, mythiques, symbolique, politiques…dessinées à l’échelle nature. Ils se caractérisent par une grande maîtrise du dessin réaliste inspiré des photos archivées ou des œuvres de grands maîtres poétiques et artistiques. L’artiste colle ces dessins sur les murs la nuit car ses interventions artistiques sont souvent installées sans autorisation. Le choix du papier journal récupéré revient d’abord à ses dimensions symboliques de la liberté et de la démocratie. Ensuite pour sa fragilité extrême qui épouse les formes du mur pour ne pas apparaitre comme une affiche. Il s’inscrit parfaitement au formes architecturales surtout après le passage du temps car il s’invente des formes, des pores, des irritations qui fusionnent avec le mur et par la suite tout devient aplatie et apparait comme une seule surface. Chaque moment où les papiers se déforment il se produit de nouvelle formes visuelles de l’espace investit car l’œuvre de l’artiste réside dans le temps depuis l’intégration du dessin dans l’espace jusqu’à la disparition totale. L’image devient donc présente de manière immatérielle dans les mémoires des lieux et des témoins. .Cependant la photographie joue d’une part un rôle important lorsqu’elle permet de témoigner des réalisations de l’artiste aussi que les changements d’images avec le temps. D’autre part Ernest pignon Ernest refuse les effets du cadrage et du réalisme accentués par la photographie car son œuvre est tout l’espace dont le dessin fait exacerber le potentiel. D’où l’œuvre ne peut avoir sa valeur que lorsqu’on la saisi sur place.

III. les différents types d’interventions in situ

1. Dialoguer avec les lieux
Dans ce chapitre, j’ai essayé de distinguer quatre différents types d’interventions in situ dont chacune revient à une importance bien spécifique dans son parcours.

Hiroshima 1966
Hiroshima http://pignon-ernest.com/est une Photographie de la catastrophe nucléaire d’Hiroshima en 1945 au Japon, qui a été référence pour la première œuvre « in situ » d’Ernest Pignon en 1966. Il intègre son œuvre sur le plateau d’Albion (France), en réponse à l’installation de la frappe nucléaire française sur ce territoire. On voit sur la photo que la lumière nucléaire a brûlé un mur tout en décomposant un passant dont il ne reste que la silhouette. A partir de ça, il a fait des pochoirs sur des murs, des rochers, des routes qui menaient au plateau d’Albion. Devant une silhouette pareil, le passager s’interroge, se reconnait ou reconnait quelque chose, il se trouve devant une scène vécue, un combat historique qui est tombées dans l’oubli et c’est ce que l’artiste souhaite ressurgir.

David et Goliath 1988
C’est une image http://pignon-ernest.com/,de la première intervention et la plus importante du parcours de Naples qui a duré huit ans. Elle présente un dessin collé sur la façade de San Severo. Le choix du mur rouge est loin du hasard et constitue un élément plastique important de l’œuvre de l’artiste par la richesse de ses textures et ses couleurs authentiques. En 1988 Ernest pignon Ernest intègre ce premier dessin inspiré de l’œuvre du Caravage « David et Goliath ». Il dessine dans une grandeur nature David tenant dans les mains les deux têtes coupées des deux maitres le Caravage et Pasolini « l’adolescent Ernest tient les têtes des deux maitres Pier Paolo Pasolini et Michelangelo, Gérard Mordillat« un peintre et un cinéaste qui dans la fureur de leur temps ont pris le parti du peuple . Deux artiste auxquels Ernest « nouveau David » devait se mesurer pour tremper ses propres armes de dessinateur et de poète dans le combat qu’il mène sur les murs des villes ». Ces têtes pèsent le poids du passé. Ils inspirent et soutiennent Ernest pignon-Ernest « c’est politiquement qu’il dessine le monde ». » Il introduit dans ce dessin un espace transitionnel (la fenêtre) qui offre une profondeur à la planéité du mur et présente une trompe l’œil. Le dessin de L’artiste voulait interroger les mythologies et les religions qui fondent ses racines méditerranéennes, cela lui mène à choisir la ville de Naples où résident les empreintes des mythologies grecques, romaines, chrétiennes. Il le colle sur la façade de la chapelle San Severo, qui est bâtie à la renaissance, et est caractéristique des mythes dans lesquels l’artiste investit pour donner du sens à son travail. Cette présence de la mort dans l’image revient au drame des mythes chez les napolitains. L’artiste fait donc surgir les légendes oubliées dans la ville en l’installant au moment des pâques. le choix du temps intervient sur l’assimilation de l’œuvre ainsi que sur l’identité et la mémoire commune. Ces figures apparaissent comme des empreintes et des images fantomatiques qui surgissent des murs et incarnent le sens du passé dans le présent et l’image des morts dans l’actuel.

Maiakovski, Avignon 1972
C’est un dessin de Maïakovski http://pignon-ernest.com/ le poète russe de la révolution soviétique. C’est le premier dessin de poète accompagné d’un texte (l’ordre n°2 de l’armée de l’art). L’artiste fait remettre en surface l’énigme de son suicide traduit en image. Magali jauffret évoque dans face aux murs « En 1972, à chaque représentation du ballet, les collages de l’image de Maïakovski se multiplient dans Avignon, Ernest pignon-Ernest conscient de ses responsabilités sociales, il dessine Maïakovski de trois quarts, inquiétante et agressive pour traduire la démesure du poète. Il colle le premier de sa grande série de poète, le seul accompagné d’un texte. »  Il intervient lors de la présentation du ballet écrit par Maïakovski le poète qui inspire Ernest pignon Ernest dans toute sa vie.

Cadrages : Martigues 1982, Nice 2004-2013
Une intervention http://pignon-ernest.com/ du même ordre basée sur le matériau essentiel qui est la rue et le mur, vise à laisser voir ce qui ne se voit pas mais qui est là, l’espace, la lumière, la texture du mur.

2. Installation de sculptures
Les aborigènes
Les arbrorigénes http://pignon-ernest.com/sont des sculptures installées dans la forêt entre les branches des arbres. A l’aide du scientifique Claude Gudin Ernest pignon Ernest cherchait un produit photosynthétique vivant, un matériau qui possédait les fonctions chlorophylliennes pour l’intégrer dans la nature. Il choisit la forme humaine en se référant aux mythes d’hommes ou des dieux nés des arbres ou devenus arbres, et passe à la sculpture. Ces sculptures humaines sont des accumulations des cellules végétales, il leur faut du soleil, de l’eau, sinon elles meurent. En 1983, l’artiste réalise la première œuvre dans la nature car dans une traversée dans la forêt il s’est rendu compte que depuis 20 ans il travaillait que sur le sujet de l’homme et ce qu’il l’entoure, mais jamais son rapport à la nature. D’où il a découvert le phénomène de la photosynthèse et a passé à la conception de ses sculptures dans son atelier, ensuite il les a intégré dans la forêt tout en épousant les formes des branches et ses couleurs. L’espace est donc passé d’un espace végétal à un espace poétique et plastique.

Dialoguer les œuvres
En connaissant le parcours d’Ernest pignon Ernest qui s’oppose à l’exposition et vise à travailler un lieu. En 2007, le musée de Montauban a proposé une rétrospective de l’artiste urbain dialoguant avec les œuvres d’Ingres. L’exposition donc propose en première partie sa démarche artistique à travers des photographies et des esquisses, pour expliquer ses interventions in situ, la deuxième partie s’agit de questionner d’une façon nouvelle l’œuvre d’Ingres. http://pignon-ernest.com/
Ernest Pignon-Ernest reproduit à sa façon les féminines silhouettes, grandeur nature afin d’éveiller l’étude initiale d’Ingres et de reprendre le questionnement sur son rapport aux femmes car le tableau Jésus parmi les docteurs, ces docteurs, assis de part et d’autre de Jésus, Ingres les esquisse, au début, avec des corps féminins, qu’il transforme après en corps masculins et les habille. D’où, l’artiste retrouve le passé et la réalité des esquisses d’Ingres pour les mettre en surface. il se manifeste une interaction entre le dessin actuel, le dessin du passé et le lieu qui les reçoit.

Conclusion
L’essence du travail d’Ernest pignon Ernest réside dans la disparition de l’image après le passage du temps laissant la trace dans la mémoire des lieux ainsi que dans le souvenir des passagers. Cette dimension éphémère a conduit l’artiste vers la photographie pour documenter ses réalisations. En revanche l’effet réaliste s’accentue dans la photo et c’est ce que l’artiste le trouve comme une trahison pour son travail, car il impose le cadrage qu’il a tant refusé dans toute sa démarche. On remarque une contradiction volontaire dans ses réalisations, d‘une part il y’ a l’effet réaliste dans ses dessins à travers l’échelle nature, les volumes, la trompe l’œil aide à s’intégrer physiquement dans la rue sans apparaitre comme une image exposée. D’autre part, il laisse apparaitre la forme de la feuille blanche du dessin réalisé en noir et blanc pour affirmer que ce n’est qu’une image collée. Cependant, l’image réaliste sensibilise l’espace et les témoins car l’artiste reprend les figures sans les faire subir des défigurations. reste a questionner si ces dessins académiques collés aux murs rentrent dans l’art contemporain ?

Bibilographie

Paul Veyne et Elizabeth couturier, Ernest pignon Ernest, HERSCHER.
PIGNON ERNEST PIGNON: FACE AUX MURS, Delpire.
André Velter, Ernest pignon Ernest, Gallimard.
Situation ingresque, Ernest pignon Ernest.
http://imagesrevues.revues.org/310
http://mba.caen.fr/sites/default/files/uploads/pignon-ernest-david_et_goliath-caen-mba-2014.pdf
http://pignon-ernest.com/
https://illusionstreetart.wordpress.com/2011/04/03/les-debuts-dernest-pignon-ernest/).
.(http://ceaac.org/installations/ernest-pignon-ernest-les-arbrorigenes)
http://www.humanite.fr/ernest-pignon-ernest-le-dessin-affirme-la-pensee-et-la-main-il-affirme-lhumain

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