-- Projets artistiques pour l'espace public I » lieux publics

Posts Tagged ‘lieux publics’

(je)u dans la ville, l’anti-monument mobile

Article publié le : Lundi 9 janvier 2012. Rédigé par : patricia xavier

Projet « Insolitus nidus : vis fragilis » ou Insolite nid : force fragile

Article publié le : Mardi 3 janvier 2012. Rédigé par : TostaCintia

Le projet

Le projet  « Insolitus nidus : vis fragilis » est une série d’installations éphémères placée dans les espaces publics. Ces espaces publics synonymes de  « espaces libres », « lieux publics » ou encore  « lieux urbains » sont , selon Thierry Paquot, des espaces vus comme lieux, pratiques et endroits accessibles aux publics. Ces espaces facilitent la communication, le partage, les échanges et la circulation de signes au quotidien.

Le titre du projet fait allusion au latin, langue « morte » mais source pour plusieurs langues vivantes dans le monde. Le nid d’oiseau en tant que construction naturelle au sein d’une grande ville avec de grands édifices historiques et de grands immeubles peut être considéré comme le latin, une langue dite « morte ». Sémantiquement, le terme « nid » porte en lui une simplicité structurelle concise. Un tout significatif est transmis en trois lettres : « n » , « i », « d ». La matérialisation de ce mot de trois lettres est faite à partir d’une base des matériaux naturels ( boue, branche d’arbres, feuilles, poils, etc). Après sa fabrication soigneuse, le nid se transforme en habitat naturel. Ce lieu qui perpétue les espèces d’oiseaux cohabite, dans les zones urbaines, avec les constructions faites par les êtres humains.

 

Le concept

L’idée du projet est celle de donner visibilité à la fragilité de la vie représentée naturelle dans les grands centres urbains. Le nid d’oiseau symbolisant premièrement, la fragilité d’une construction naturelle faite à petite échelle en comparaison aux immeubles et constructions urbaines et citadines. Il symbolise ensuite la résistance fragile, persévérante des oiseaux, de la Nature. Enfin, le nid symbolise dans ce projet la vie humaine dans son état fragilisé par divers types des pollutions invisibles dans la Ville (sonore, olfactive, visuelle, relationnelle). Dans la Nature et dans les grandes villes , le nid est un habitat qui permet le projet de futures vies d’oiseaux. Enfin, ce projet cherche à mettre en lumière deux qualités de cette construction.
D’un côté, la représentation visuelle d’une fragilité apparente à travers des matériaux employés : boue, paille, feuilles, brindilles, etc. De l’autre, la représentation de la force, c’est-à-dire, de la résistance et de la continuité de la vie au fil des temps.

Pour l’artiste Nils-Udo qui travaille depuis 1972 sur cette thématique dans le  paysage urbain, mais surtout dans les espaces naturels, le nid «  est à la fois une représentation anthropologique, un modèle biologique, un habitat, un symbole psychique et une allégorie sociale. ». Il signale , lors du montage de son œuvre  » Le Nid » (1978), ses sensations par le contact direct avec les matériaux naturels :  l’odeur de la terre, les pierres, les bois abattu, la tombée de la journée, le froid de la nuit, le chant des oiseaux, le souffle du vent…

L’objectif

L’objectif du projet est de sensibiliser les passants pressés et oppressés vivant dans les grandes villes à la question de la Nature. Pour cette expérience artistique, une installation composée par un nid d’oiseau est placée dans un lieu public urbain : sur le boulevard Saint Marcel dans le 13ème arrondissement de Paris. Les lieux publics sont aménagés pour un « confort collectif » et répondent  à un projet politique d’urbanisme établi par la municipalité. L’urbanisme selon Thierry Paquot contribue  à favoriser le bien-être et l’épanouissement public au quotidien pour les habitants des centres urbains. Pour cela, des éléments sont introduits dans le paysage urbain, tels que : arrêts de bus, éclairages publiques, cabines de téléphone, adressage, panneaux de signalisation routière, bancs publics,  jardinets, grille de protection de pour les jeunes arbres, etc, et plus récemment, les bornes de velib et autolib. La municipalité parisienne règlemente le fonctionnement de ces voies publiques, trottoirs et chaussées, sont la cible des travaux récurrents. La ville devient donc un chantier ouvert et la place à la Nature est réduite aux « espaces verts ».

Dans sa définition de « Ville générique », Rem Koolhaas parle d’un réel contrôle de la propreté de la ville et de la politique moralisante de bonnes intentions  pour intensifier cette propreté. Dans le cas de Paris, c’est intéressant de lire le message des « bonnes intentions » adressé aux Parisiens sur le site officiel de la Ville « Les Parisiens, on les comprend, tiennent fort à leurs jardins. Oasis de nature à portée de la main ou square pour promenade ou gym douce, à portée de poumons, clairières pour les enfants, […], la capitale pour offrir du week-end « au vert » à leur souverain : le citoyen urbain. »

Ainsi, les « espaces verts » (jardins, squares, jardinets, arbres) dévoilent en réalité l’intérêt très réduit de la politique environnementale locale concernant la Nature. La Nature est réduite aux arbres. Dans la Ville, ils sont arrachés, placés, classés, numérotés, coupés, encerclés, girlandisés (les arbres deviennent support pour la décoration publique lors des fêtes de fin d’année), arrosés, chosifiés ( l’arbre est manipulé par les machines de la même façon que  les bacs à poubelles ou les containers à recycler le verre). Pour autant, dans ces conditions, les arbres sont encore des abris pour certains oiseaux tout au long de l’année. Cette action de résistance redonne le statut naturel propre à l’arbre.  

C’est dans ce contexte que l’installation d’un nid d’oiseau au long d’un boulevard devient le moyen le plus marquant pour éveiller les parisiennes et parisiens à la question de la Nature et à symboliser son  évidente absence dans la capitale française. Dans le contexte urbain, le nid d’oiseau devient une construction naturelle invisible, fragile. Par cette fragilité, il devient insolite lorsque placé dans l’espace public fabriqué et aménagé par des matériaux non-organique (bitume, plaques d’aluminium peintes, fer, verre, plastique, etc).

Le nid d’oiseau ainsi installé gagne en force symbolique. En faisant confiance à son interpellation discrète et à son impacte visuel concis auprès des passants du boulevard Saint Marcel (Paris 13ème) la fragilité devient une force. Il donne place à une projection de l’intime de l’être humain dans une vision ou rêverie plus universelle, comme le rappelle Gaston Bachelard « Si l’on approfondit un peu les rêveries où nous sommes devant un nid, on ne tarde pas à se heurter à une sorte de paradoxe de la sensibilité. Le nid – nous le comprenons tout de suite – est précaire et cependant il déclenche en nous une rêverie de la sécurité ».

Dans cette optique, le projet « Insolitus nidus : vis fragilis » cherche des regards curieux et ravis de s’émerveiller par les signes de la Nature dans la ville, ces traits éphémères qui nous traduisent l’universel de la vie. Une toute simple contemplation peut transporter les passants d’un boulevard parisien d’une sphère intime à une sphère cosmique, idée soutenue par les pensées de Gaston Bachelard : « Ainsi en  contemplant le nid, nous sommes à l’origine d’une confiance au monde, nous recevons une amorce de confiance, un appel à la confiance cosmique … ».

L’expérience et ses trois phases
(terrain , création et mise en place)

Au tout début, je me suis promenée dans les rues, boulevards, parcs à Paris et dans ses alentours  à la recherche des nids d’oiseau sur les arbres et des lieux publics. Cette recherche a été accompagné par des esquisses, notes, prises de vues numériques.  J’ai discuté avec des agents municipaux dans les parcs concernant la migration des oiseaux et les différents types nids.

J’ai collecté des matériaux naturels dans l’idée de fabriquer un nid (feuilles, brindilles, …). Ensuite, j’ai trouvé deux nids : un petit composé de différents matériaux et le second, plus grand, fait seulement des brindilles sèches et de taille régulières, un nid de corneille noire. J’ai restauré le petit nid (collé et cousu ) et le deuxième a été ficelé avec des fils de nylon – restauration faite en écoutant les 80 titres du cd « Oiseaux de Paris ».
J’ai écrit aussi le « Manifeste du nid en ville » (à déclamer avec une émotion de nid neuf et triomphant !
Et à écouter les yeux fermés !).

Sur le boulevard Saint Marcel, j’ai repéré des endroits propices à l’installation du nid de corneille noire : jardinets, grille protectrices des jeunes arbres, poubelles, murs, velib, arrêt de bus, cabine de téléphone public, la signalisation routière – panneaux, marquage au sol et des feux, panneaux publicitaires, etc. J’ai choisi le plus grand nid par sa plasticité et impact visuel. 

Pour l’étape de mise en place du projet, je me suis déplacée avec le nid d’oiseau et je l’ai placé sur  les éléments d’aménagement d’urbanisme du boulevard Saint Marcel pendant trois heures et demie. Les éléments de base pour l’installation du nid d’oiseau sont : panier d’un velib placé dans une borne, banc public proche d’un arrêt de bus,  plan des bus de la RATP d’un arrêt de bus, cabine téléphonique, feux de circulation, container à verre, panneaux de signalisation de la circulation sur le boulevard, boîte aux lettres, poubelle, cendrier.

 

 

Conclusion

C’était une belle expérience artistique ! Placer un nid et voir ou écouter les réactions de passants. L’indifférence aussi a fait partie des réactions. Placé sur le panier du velib ou la cabine téléphonique, le nid n’était pas trop remarqué. Placé sur le plan des bus d’un arrêt, il était étonnement ignoré par des adolescent qui discutaient et écrivent des sms. Placé sur un banc public, le nid a été visité et vu par des passants curieux, par un couple de gens âgés qui attendait le bus, par une dame qui m’a parlé lors du déplacement du nid « Qu’est-ce que c’est ? … c’est insolite … ». D’autres regards curieux ont conduits des passants à remarquer le nid placé entre les quatre voies du boulevard Saint Marcel : des passants se sont retournés, des sourires des conducteurs de voiture, des enfants qui ont fait retraverser la rue à leurs parents et s’exclamer « C’est un nid ? Oui, c’est un nid d’oiseau parce qu’il y a des plumes … ». D’autres passants ont dit : « Il est où, l’oiseau , » ; « le nid, c’est trop bas … » ; « Qu’est-ce que c’est ce nid ? » «  C’est un nid ? »

Pour moi, cette expérience artistique ponctuelle de 3 h 30 dans un lieu public est révélatrice d’une possible sensibilisation des habitants d’une ville à la question de la place de la Nature, mais à long terme et avec la répétition des interventions. L’interactivité minimaliste avec les passants, curieux ou indifférents, est une satisfaction. La question centrale de trouver la qualité « force » dans un élément « fragile » a été en premier temps pour moi, une source d’hésitation. Cette hésitation a été doucement enlevée par mes promenades et l’observation philosophique des nids qui disparaissent et d’autres qui commencent à se former avec l’arrivée de l’hiver. Ma confiance a retrouvé sa voix et le projet a gagné du sens avec mes lectures autour de Gaston Bachelard et du travail de Nils-Udo. L’écriture d ’un manifeste était inspiré par mes lectures et visites à des expositions : le manifeste « Haut Rio Negro » (1978) de Pierre Restany , le travail du sculpteur Frans Kracjcberg, l’engagement  écologique de l’artiste Hundertwasser, le travail artistico-philosophique de Giuseppe Penone et les réflexions de Rem Koolhaas dans son livre Junkspace – Repenser radicalement l’espace urbain, principalement le chapitre consacré à son concept de « Ville générique ». Dans ce chapitre, Rem Koolhaas analyse les actuelles modifications des grandes villes l’ère de la mondialisation : vont-elles vers un vrai chaos urbain ?

 
Repères bibliographiques et sonores … et autres images du projet

-livres :
G. BACHELARD, La poétique de l’espace, coll. Quadrige, PUF, 1998, Paris (p. 92 -  104)
D. BURNIE, Le nid, l’œuf, l’oiseau,  Gallimard , 1999, Paris
J. KASTNER , B . WALLIS, Land art et art environnemental, Phaidon, 2004 , Paris
E. KAUFHOLZ-MESSMER, W. SCMIED, Hundertwasser – Pour une architecture plus
proche de la nature et de l’homme
 ,  Taschen, 1997, Paris
R. KOOLHAAS, Junkspace – Repenser radicalement l’espace urbain, Payot et Rivages, 2001, Paris (p. 31 – 77)
S. LEMOINE, S. OUARDI, Artivisme : Art, action politique et résistance culturelle, Alternatives, 2010, Paris
T. PAQUOT, L’espace public, coll. Repères, La Découverte, 2009, Paris (p.3 – 17 ; 68 – 111)
G. PENONE, Respirer l’ombre, ENSBA, 2004, Paris
G. PEREC, Espèces d’espaces, Galilée, 2000, Paris
- catalogues :
KRAJCBERG , Index e Libris, 1992, Rio de Janeiro
NILS UDO, Le Cercle d’Art, 2003, Paris
- cds  :
P. LAMBRET, Trois atmosphères australes : oiseaux et mammifères de Kerguelen, 2007, Institut Paul Émile Victor
J. C. ROCHE, J. CHEVEREAU, Oiseaux de Paris, Nocturne, 2008 

 

         Images de l’installation
(
nid in sittu … in banc public … in cabine téléphonique … in plan de bus … )

                                                                                                Installation in banc public                                                              
                                                                 
    

                                                                   Installation in cabine téléphonique                         Installation in plan de bus
                                                           

                                                                                       Installation in signalétique pour piétons

                                                                                             

                                                         Installation in container à verre           Installation in feux de circulation

                                                            

                                                                                            Installation in panneaux de signalisation

                                                          
Installation in poubelle

                                                                               
Installation in boîte aux lettres

                                                                                

Installation in cendrier

                                                                                

 

 

Projet Regard De Travers

Article publié le : Mardi 3 janvier 2012. Rédigé par : daravonesourinthone

LE PROCESSUS

Comment créer un espace privé dans un lieu public, c’est la question que je me suis posée tout au long de cette expérience. Le métro m’est apparu intéressant pour ce projet, dans ce qu’il est un lieu de passage, de grande fréquentation et aussi dans son côté oppressant et quasi-obligatoire. Tout est relié : le passage, la fréquentation, cet étouffement ressenti (en tout cas par moi) lorsque la fréquentation est à son extrème.

Enregistré sur la ligne 2, un après-midi en semaine, jeune femme d’environ 25-27 ans.

Pour le projet, j’ai imaginé enregistrer un texte, qui a une impression de dialogue, et de l’écouter avec mes écouteurs pour le diffuser, lorsque je me trouverais dans une situation d’extrême proximité dans le métro. La durée de cet enregistrement ne doit pas excéder le temps d’une station de métro. L’intimité serait alors créée  par le toucher dû à la proximité, et par la tentative de création de dialogue. J’ai donc enregistré deux textes, qui sont différents seulement dans l’apostrophe, l’un dit « madame » l’autre « monsieur ».

Le texte est le suivant :
« Bonjour Madame/Monsieur,
Bonjour,
Oui Bonjour,
On ne se connaît pas,
mais on est très proche,
du moins physiquement,
Merci, Bonne journée. ».

 

Enregistré sur la ligne 13, un soir pendant le weekend, couple d’environ 28-30 ans.

Dans la situation que je souhaite créer, il me semble important de regarder la personne dans les yeux, lui faire remarquer que je ne fais pas semblant de ne pas la voir, et que je l’ai donc remarquée.

J’ai d’abord fait quelques essais en situation, et j’ai dû rapidement modifier quelques éléments : j’ai finalement diffusé mes enregistrements directement avec mon téléphone, avec les bruits du métro, personne n’entendait ma voix. De plus, le texte ci-dessus est la version finale, mais à l’origine il n’y avait ni « Madame », ni « Monsieur », j’ai pu remarquer qu’interpeler, avec ces nominations, permettait une meilleure connexion avec les personnes.

Le dispositif final de l’expérience est donc le suivant : diffuser mon texte, dans un moment de grande affluence dans le métro, éventuellement, soutenir un regard et filmer les réactions à l’aide d’une caméra dissimulée dans une poche.

J’ai réalisé l’expérience sur huit personnes différentes, pour le moment.

 

LE CONCEPT

Lors de mes recherches pour le projet, je me suis penchée sur les écrits des théoriciens de la proxémie, en particulier les ouvrages La Dimension Cachée d’Edward T. Hall et Psychosociologie De l’Espace d’Abraham Moles.
Après lecture, j’en ai conclus plusieurs choses au sujet de la proxémie en particulier et au sujet de la perception au sens plus large. Ces deux notions sont en grande partie les résultats de la culture, de la société à laquelle nous appartenons. J’ai été particulièrement intéressée par la théorie de Hall selon laquelle l’homme est senible à la chaleur dégagée par le corps d’autrui, et, selon la culture à laquelle il se rattache et réagit de manière très différente à la chaleur d’un corps étranger (qui ne lui est donc ni intime ni même familier). Cela serait peut-être dû au fait qu’il est très sensible aux variations (même faible) de température. Toujours est-il qu’il réagirait différemment selon qu’il serait Japonais ou Européen. Selon Hall, les Japonais et les Arabes auraient une tolérance beaucoup plus importante à l’entassement dans les lieux publics (par exemple le métro) tandis que les
Européens et Américains y seraient bien moins tolérants. En ce qui concerne les Européens, il paraît difficile de faire une généralité, car peut être les Français sont plus tolérants au contact étranger que les Scandinaves ou même les voisins Allemands.

Enregistré sur la ligne 2, un soir en semaine, femme d’environ 35 ans.

Par ailleurs, Hall décrit aussi les différentes sphères pour les cultures latines (intime de 0 à 45cm, personnelle de 45 à 125cm, sociale d’1m20 à 3,60m, et publique à partir de 3,60m) des distances entre les individus. Dans le cas du métro bondé la distance serait celle de la sphère intime (sphère pour embrasser, chuchoter), ce qui n’est manifestement pas le cas ici. Toujours selon Hall, le toucher serait le sens le plus personnel que nous possédions, et lors d’un contact non désiré, la peau se raidirait comme une armure. Pour mon cas personnel, je ne peux que valider cette théorie, emprunter les transports en commun (surtout pendant les heures de pointe et sur les lignes les plus fréquentées) m’apparaît souvent comme un moment des plus désagréables. L’idée d’être physiquement rapprochée d’une ou plusieurs personnes inconnues me dérange au plus haut point.

Enregistré sur la ligne 11, un soir en semaine, femme d’environ 45 ans.

En plus de ma peau comme armure, j’utilise aussi mes écouteurs, je pensais à la musique,  mais en réalité même lorsque je n’en écoute pas, je garde mes écouteurs comme armure, on ne peut pas m’atteindre, je suis ailleurs. Cependant, il arrive parfois (souvent) que dans la proximité causée par les transports, il soit possible à autrui d’entendre (écouter je ne pense pas) ce que moi j’écoute. Le langage corporel est aussi un élément important ; pour se distancier dans ce peu de d’espace, on regarde au loin. Tout le monde est conscient de la présence de l’autre, mais on s’efforce de faire semblant de ne pas remarquer sa présence, bien qu’on ne puisse nier sa présence physique.

LE RÉSULTAT

Les constats varient : majoritairement les gens entendent, écoutent plus ou moins, mais ne me répondent pas. Par exemple, une des personnes se retournait vers moi, puis détournait son regard, puis me regardait à nouveau, et ce jusqu’à la fin de l’enregistrement. Une autre de ces personnes cherchait d’où venait le son, mais évitait clairement mon regard. Une autre encore me lançait des regards furtifs, du coin de l’œil, mais semblait irritée par l’enregistrement audio. Sur les huit personnes filmées, seules trois ont eu une réponse assez positive et me souriaient.

Enregistré sur la ligne 2, un soir en semaine, homme d’environ 35 ans.

J’ai aussi pu constater que selon le moment de la journée où j’ai réalisé l’expérience, les réactions sont différentes. Il m’a semblé que les gens étaient plus froids lors de l’heure de pointe du soir. Après visionnage des vidéos enregistrées, je me suis rendue compte que j’avais des difficultés à viser avec la camera vue sa position, alors sur certaines on ne distingue pas vraiment le visage des gens, situation qui est rendue encore plus délicate avec la proximité.

Au travers de ce projet, ce n’est pas simplement la proximité et la relation avec autrui qui a été mise en valeur, mais aussi la relation que j’ai avec moi-même. Non seulement la perspective de filmer chaque video m’était pénible, ce sont aussi les réactions et le regard des gens qui m’ont mise terriblement mal à l’aise. A la fin de chaque expérience, je me depechais de fuir le wagon et d’en changer. En exposant ma voix, par le biais de l’enregistrement, mon regard, je devenais un peu aussi le sujet du projet. Il m’était souvent difficile de soutenir le regard des autres, et d’entendre le son de ma voix, qui est bien sûr différent de celui que j’entends. Cette experience a souligné ce côté très timide de ma personalité. Finalement en essayant d’exposer la relation de proxemie, j’ai dû m’exposer moi-même, certes de façon un peu détournée, vu que ce n’etait qu’un enregistrement que je diffusais et non ma voix directement.

Enregistré sur la ligne 2, un soir pendant le weekend, jeune homme d’environ 27-29 ans.

Au départ, la communication que je souhaitais créer avec les gens était la parole, je pensais qu’ils m’interrogeraient sur l’expérience et sa signification. Finalement l’outil de communication a été le regard. Je les regardais, le plus souvent avec bienveillance, et ils me regardaient eux aussi. Certains me signifiaient leur gêne, leur questionnement ou leur agacement simplement par le regard, ce qui me mettait peut-être plus mal à l’aise que s’ils m’avaient parlé. L’expression française « regarder de travers » correspond parfaitement à mon projet, certains ne se donnaient pas la peine de me regarder complètement, mais se contentaient de me lancer des regards du coin de l’oeil, synonyme de leur agacement.

Par ailleurs, à cause du fait que le texte est diffusé plus fort, le sentiment d’intimité que je souhaitais créer au départ ne me semble pas  ou véritablement retranscris en situation.
Dans un autre temps, il me semble qu’il serait intéressant d’effectuer une expérience similaire dans d’autres pays, en Amérique du Nord ou dans un pays scandinave par exemple.
Finalement, même si je me doutais que peu de gens interagiraient avec moi, je ne pensais pas que ce serait si peu.

 

Passant, souvient toi !

Article publié le : Lundi 2 janvier 2012. Rédigé par : eucharis


La mémoire collective est construite par un groupe, une société, c’est une mémoire partagée. A l’inverse la mémoire individuelle est propre à chaque individu.  L’État se doit d’entretenir le souvenir des souffrances subit par la population dans le passé: le devoir de mémoire. Par quelques des recherches j’ai pu soulever des problèmes concernant de devoir de mémoire, qui n’échappe pas à la bienséance politique…

Pour cela j’ai choisi de travail sur deux événements tragiques survenu à Paris, par la police française. La rafle du vélodrome d’hiver et la répression du 17 octobre 1961.

Vous trouverez ICI un rappel des faits.

Malgré une volonté de rendre hommage aux victimes, ses actions politiques posent problèmes. L’installation de plaques commémoratives placées « stratégiquement », des monuments aux morts déplacés des faits. Cela met en place une distance entre les faits commémoratifs et les faits historiques. Mais les faits commémoratifs (places, monuments …) sont là pour rendre hommage et garder en mémoire, mais celle-ci sont, dans leurs géolocalisations, déplacé.

En effet on peut facilement trouver des documents écrits ou photographiques montrant l’entrée du vélodrome rue Nélaton et non boulevard de Grenelle. Ainsi l’inscription « dans le vélodrome d’hiver qui s’élevait ici ». Si l’on compare les photos d’archives et l’actuelle architecture, on remarque que l’entrée du Vélodrome se situe quasi au même endroit que l’entrée du ministère de l’intérieur rue Nélaton. Ainsi certes le vélodrome s’élevait ici mais il aurait été plus juste et exact de disposer la plaque à l’entrée principale



La rafle du Vél ‘ d’hiv’ reste pour les parisiens et les français le souvenir de l’occupation Nazis et du régime de Vichy. Un symbole qui doit rester en mémoire.

De même pour l’évènement du 17 octobre 1961. En effet la plaque commémorative est certes sur l’un des ponts où s’est produit les événements mais cette plaque est mal située.

L’image la plus connue reste la photographie du graffiti « ici on noie les Algériens ». Ici c’est en face de l’institut de France, haut lieux de connaissance. Ainsi dans l’esprit populaire c’est cette image qui symbolise l’événement. Sans rien montrer du massacre, cette photographie témoigne avant tout d’une réaction politique. «  Déroulé sur une dizaine de mètres de quai, comme sur une banderole, le slogan « ici on noie les algériens » ne désigne pas seulement un acte de répression mais bien une politique de disparition systématique. Les noyades y sont dénoncées à la fois comme instrument de terreur et comme stratégie de dissimulation de la terreur. Toute la puissance d’évocation et de dénonciation du document repose donc sur la formulation et la syntaxe même du slogan, inscrit in situ, « en présence du lieu même » ; l’article défini révèle la signification masquée du massacre : ce sont bien « les » Algériens, c’est-à-dire l’idée d’une nation algérienne indépendante, que la répression entendait supprimer. »(1)

Dans mon projet j’ai tenu à remettre à sa place ses différents éléments. Ainsi le lieu retrouve une mémoire, visible de tous.

Mais je ne voulais pas passer que par l’image de la plaque commémorative, ainsi j’ai voulu ajouter une installation sonore afin d’attirer l’attention du spectateur, et redonner une voix à ces faits.

Un dispositif de projection de la plaque commémorative sur la façade du bâtiment remettrait le lieu avec les faits.

Pour la rue Nélaton, une projection sur la façade de l’annexe du ministère de l’intérieur permet de replacer la plaque sur l’entrée d’origine du vélodrome d’hiver, et faire écho avec la responsabilité de l’Etat français.

 

 

 

 

 

 

La projection n’étant efficace que la nuit, un dispositif de haut parleur disposé sur le parvis diffuserait durant la journée des pistes audio attirant l’attention. J’ai choisi comme piste un extrait du film d ‘Alain Guesnier d’après la pièce de Philippe Ogouz basée sur les récits de Maurice Rajsfus. Le spectateur est obligé de rester prés des enceintes pour écouter tout le texte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour l’institut de France, un projecteur placé en haut de la coupole permettra de projeter la plaque commémorative sur la seine.Dans ce cas c’est donc une institution d’État qui reconnait les faits et donne à voir la reconnaissance de ces tors. Le fait de le projeté sur l’eau fait écho au graffiti « ici on noie les Algérien ».

Pour le son j’ai choisi un extrait sonore issu d’une vidéo sur le site : http://www.politis.fr/17octobre1961.com . Comme pour le précédant d’idée est d’attirer l’attention du spectateur et de le rendre attentif.

 

 

 

(1) http://www.cairn.info/revue-geneses-2002-4-page-140.htm, consulté le 25 décembre 2011.

 ANNEXES

Rappel des faits : 17 octobre 1961 et la rafle du vélodrome d’hiver.

La rafle du Vél’ d’Hiv’ – Vent printanier.

En juillet 1942, l’opération « Vent printanier » est orchestrée et effectuée par la police française alors sous le régime de Vichy. Des rafles furent organisées dans trois lieux français: Paris, Nancy, et la Marne, respectivement le 16, 19 et 20 juillet 1942. Ces rafles visaient les juifs étrangers de France. Ces rafles furent considérées comme un échec par le régime Nazi qui demandais le double d’arrestation.

Le 16 juillet 1942, 13 152 juifs étrangers dont 4 000 enfant et environ 6000 femmes, furent arrêtes et conduits au vélodrome d’hiver, rue Nélaton. Après 4 jours sans eau ni nourriture, ils sont conduits dans un camp de transit dans la Loiret. Après quelques semaines les adultes sont déportés, les enfants les rejoindront en aout. Toutes les personnes furent déportées vers les camps de concentration à l’est, majoritairement à Auschwitz.

Seul 52 rentreront vivants des camps.

En 1959 le vélodrome d’hiver de Paris fut détruit. Un immeuble d’habitation et une annexe du ministère de l’intérieur furent construits sur le même emplacement. En 1994 fut construit un lieux commémoratif nommée square de la place des Martyrs-Juifs-du-Vélodrome-d’Hiver, situé sur le quai Grenelle ainsi qu’une plaque boulevard de Grenelle ou l’on peut lire :

« Les 16 et 17 juillet 1942,

13 151 juifs furent arrêtés dans paris et sa banlieue.

Déportes et assassinés à Auschwitz.

Dans le vélodrome d’hiver qui s’élevait ici.

4 115 enfants.

2 916 Femmes.

1 129 Hommes.

Furent parqués dans des conditions inhumaines

Par la police du gouvernement de Vichy,

Sur ordre des occupants Nazis.

Que ceux qui ont tente de leur venir en aide

Soient remerciés.

Passant, souvient-toi ! »

17 octobre 1961 – Ici on noie les Algériens.

En pleine guerre d’Algérie, et sous un climat tendu en métropole le préfet de police Maurice Papon lance un communiqué le 5 octobre 1961 en ces termes :

« Dans le but de mettre un terme sans délai aux agissements criminels des terroristes, des mesures nouvelles viennent d’être décidées par la préfecture de police. En vue d’en faciliter l’exécution, il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement de 20h30 à 5h30 du matin. (…)
D’autre part, il a été constaté que les attentats sont la plupart du temps le fait de groupes de trois ou quatre hommes. En conséquence, il est très vivement recommandé aux Français musulmans de circuler isolément, les petits groupes risquant de paraître suspects aux rondes et patrouilles de police. Enfin, le préfet de police a décidé que les débits de boissons tenus et fréquentés par les Français musulmans d’Algérie doivent fermer chaque jour à 19 heures . »

Ce couvre-feu est fortement critiqué  par les syndicats, les partis de gauche, et le FLN directement visé.

Sous un appel du FLN, une manifestation pacifique est organisée le 17 octobre 1961. Environ 25 000 algérien se dirige vers les point de rassemblement (place de l’Etoile, boulevard saint Michel et les grand boulevard) vêtu de leurs habits du dimanche. Il vont devoir faire face à une répression violente et meurtrière des agents de police, obligeant certains à ce jeter dans la seine, poussés, tombés, ou fuyants; l’estimation du nombre de morts allant de 35 à 200.

La photographie « ici on noie les Algériens », prise en novembre 1961 fut publiée tardivement, au milieu des années 80, à la une du journal « L’Humanité ». Elle deviendras dans les années 1990 l’emblème des associations qui lutte contre l’oubli de ce 17 octobre et plus globalement de la guerre en Algérie.

En 2001 la maire de Paris, Bertrand Delanoë, inaugure une plaque en mémoire des Algériens tués durant la manifestation, pont Saint-Michel, au croisement du quai du Marché-Neuf, côté Seine, avec comme inscription :

« A la mémoire

des nombreux algériens

tués lors de la sanglante

répression

de la manifestation pacifique

du 17 octobre 1961. »