-- Projets artistiques pour l'espace public I » sandy pellegrini

(Dés)encadrement

Article publié le : Jeudi 5 janvier 2012. Rédigé par : sandypellegrini

C’est aux suites d’une étude de la Monumenta 2011 d’Anish Kapoor, réalisée pour mon projet de fin de licence, que m’est venu l’intérêt d’orienter mes études vers le domaine de la sculpture de grande taille, et, plus particulièrement, vers les œuvres aux dimensions les plus démesurées et les plus hors normes. En effet, la démesure révélait permettre différentes interprétations visuelles, toutes engendrées par notre confrontation aux oeuvres et notre inaptitude à saisir l’ensemble de ce qu’elles sont. Plusieurs types d’oeuvres se différencient alors, toutes comportant divers niveaux de lecture. Seul celles qui incorporent une segmentation dans leurs matérialités feront l’objet de mon attention.

L’idée originelle de ce projet plastique se devait de répondre à deux critères bien précis : la monumentalité et la déstructuration. Ces deux notions associées m’ont amené à la comparaison des vestiges de l’antiquité grecque et des grandes architectures à moitié détruites d’aujourd’hui. Les immenses colonnes au sol, seules dans un espace dévasté, forcent le regardeur à reconstituer un ensemble à partir des restes qu’il a sous les yeux ainsi que de ses connaissances, de ce qu’il a pu apprendre ou lire jusqu’ici. C’est ainsi que l’idée de cadre s’initie. Le cadre est un objet confectionné par des artisans dans un but décoratif. Mais ce métier, tout comme l’objet, tendent à disparaitre avec l’avènement du numérique. Qu’il s’agisse des vestiges antiques ou bien du cadre, ma volonté visait à réutiliser ces deux objets dont la disparition, ou tout du moins la rareté toujours croissante était accentuée par l’époque contemporaine qui en amoindrissait le nombre autant que l’utilisation. D’autant plus que, d’un point de vue esthétique, la sculpture d’un cadre démembré parmi ces vestiges aurait créé un effet de confusion entre les deux objets dans la mesure où la sculpture adopterait un style classique ayant de trop fortes ressemblances avec l’ornementation de la ruine elle-même. Cette idée ne répond en effet pas à l’un de mes critères imposés pour ce projet visant à inclure le spectateur dans une déstructuration.

L’idée suivante était de recréer un tableau célèbre ou une image connue tels les représentations par les impressionnistes de paysages de l’Oise. Afin d’inclure ma sculpture de cadre défragmenté, les différentes pièces devaient être construites et disposées de manière à former un cadre qui paraitrait entier en un seul point de vue : celui du peintre présent à cet endroit auparavant. Le cadre, depuis son point de vue le rendant complet, reformerait un tableau dans lequel chacun serait laissé libre de déambuler comme s’il en était un protagoniste. Malheureusement la picturalité particulière de ces peintures ainsi que les variations météorologiques ne tendaient pas à comprendre clairement la démarche d’un hommage à une oeuvre célèbre, la ressemblance étant dans certaines conditions trop infime.

De ces deux premières réflexions, seule fut retenue l’idée de cadre pour ce qu’il a été et ce qu’il est aujourd’hui. Mais cela d’une manière plus abstraite, dans le sens où il n’existe plus matériellement mais est cependant toujours présent car continuant de délimiter toutes nos créations. A également été gardé l’aspect disséminé du cadre qui correspond parfaitement à l’idée précédente d’objet existant mais pas toujours visible. A tout cela a été rajouté la comparaison du cadre, physique et abstrait, avec celui de la photographie. C’est ainsi que le choix du lieu et de la scène s’est tourné vers un endroit très touristique, ou en tout cas sujet à être souvent photographié : la place du Trocadéro et sa vue sur la Tour Eiffel. Le lieu permettait en effet d’imaginer une installation de grande dimension et d’encadrer l’un des monuments les plus photographié au monde en y incluant toutes celles et ceux qui se photographient à ses côtés. La sculpture serait telle une vue privilégiée à adopter pour se prendre en photos avec la Tour Eiffel. Ainsi serait-il possible d’obtenir des retours sur les clichés fait avec l’encadrement qu’offre la sculpture.

L’insistance mise sur le fait que la sculpture soit de grandes dimensions provient de deux raisons particulières. La première s’explique par le fait que plus l’objet soit grand, plus une idée abstraite de lui se fera au détriment de la perception globale (aucune image complète ne pouvant se construire). La seconde raison est de permettre au spectateur de déambuler à travers l’oeuvre sans pour autant avoir conscience de sa participation et de son rôle d’acteur, pour de tierces personnes spectatrices, dans la structure même. Une mise en abime des observateurs s’effectue ainsi dans un jeu d’observateur observé, tout comme du photographiant photographié. Chaque corps devient acteur passif ou actif sans forcément choisir son statut. Ce tableau devient une scène. A l’image de Bill Viola qui rend la peinture vivante en la mettant en action, ici chaque image photographique comprise dans le cadre sera différente de la précédente, renouvelant ainsi l’aspect figé de ce que comporte par nature un cadre.

De ce point de vue privilégié chacun pourra ainsi immortaliser cette expérience par une photographie ou une vidéo. La question reste de savoir si les personnes voudront immortaliser ce moment avec la sculpture ou non, et si tel était le cas, de manière fragmentaire ou bien depuis l’unique point de vue reconstituant le cadre. Nombreux sont les manuscrits reportant des œuvres sans leurs cadres alors qu’elles n’ont jamais été vues sans. Mais à l’inverse il existe aussi de nombreux logiciels qui ajoutent un cadre d’ornementation afin de rendre un cliché plus esthétique. C’est pourquoi, si un tel projet se réalisait de manière concrète, celui-ci serait accompagné d’un site sur lequel chaque participant pourrait poster ses photos ou vidéos faisant apparaître la structure. Il serait également intéressant de voir de quel point de vue ces participants choisiront, ou non, de voir la sculpture. Car en effet, bien qu’un point de vue soit privilégié en reconstituant l’ensemble du cadre, tous les autres points de vues sont tout aussi important.

L’aspect de la sculpture vue frontalement sera représenté à la manière d’une ornementation de cadre classique. Les deux côtés constituant chacune des parties du cadre seront transparentes afin de permettre à la lumière de se propager naturellement tout en limitant l’impacte inesthétique sur le paysage (du fait du grand volume des pièces, leurs côtés, dont l’intérêt esthétique serait moindre, seraient ainsi moins choquants et imposants sur une place aussi touristique que celle du Trocadéro, qui se verrait autrement assez assombrie). Il n’y a de toute façon pas réellement d’utilité à les ornementer, leurs côtés ne représentant que le cadre dans son abstraction. Bien que présent, celui-ci n’a aucun intérêt à se voir. L’envers de la sculpture, vu depuis la Tour Eiffel, sera constitué de photographies. Celles-ci représenteront les parties cachées des sculptures, visible d’une manière globale aussi dans un unique point de vue : celui où le cadre sera également reconstitué. Constituer un cadre par la photographie est un moyen de nous rappeler que l’acte photographique est déjà dans un processus de cadrage, qu’il soit intensifier de par une matière ou non. La photo ainsi présenté efface la sculpture en la fondant dans son paysage, tout en notant que les variations de temps la distinguerons tout de même mais de manière subtile, comme si elle ne voulait pas s’imposer.

Pour ce qui est de la mise en place de ce projet, de manière plastique, la première chose fut d’aller sur le terrain et d’en faire quelques photographies qui permettront de se rendre compte des proportions et de choisir le point de vue privilégié. Afin d’avoir une vue d’ensemble à l’échelle, le point de départ de la maquette fut une vue par satellite prise sur le site de google maps.

La première maquette comprend cette photographie ainsi que la tentative de mettre à niveau les différentes strates et la confection d’une mini sculpture permettant de se faire une idée d’ensemble du rendu final. Les premières observations face à cette installation furent les proportions gigantesques que pouvaient prendre la sculpture si les pièces étaient trop éloignées entre elles. Je me suis ainsi contraintes à n’occuper que l’espace de la place.

                                                            

 

A la suite de cette première maquette, je fis un agrandissement d’une partie de la place du Trocadero qui me servira à composer l’ensemble de mon travail. L’agencement des différentes parties se sont faits de manière à ce qu’elles posent le moins de problèmes possible au déambulement des nombreux touristes. La partie gauche du cadre serait le prolongement d’une des colonnes composant l’avancer de la place.

Pas tout à fait droite, elle pencherait légèrement vers la Tour Eiffel, comme si la colonne allait s’écrouler. La section inférieur serait la continuité du dernier escalier composant la place (celui se trouva le plus bas). Il représenterait le dossier d’un banc créer en association avec les marches déjà présentent. Le composant de gauche est plus complexe. Vue de profil il sera de forme triangulaire, très peu épais et donc poser légèrement en diagonale afin que de face une épaisseur se créer par illusion d’optique. La partie supérieur du cadre a posé beaucoup de contrainte également du fait qu’elle ne puisse être indépendante. Elle est donc raccordée à la section gauche. De forme classique (rectangulaire pour respecté la forme du cadre), elle n’est pas à angle droit mais tends à se diriger vers nous. Cette disposition, dont les photographie ci-dessous tenteront d’illustrez mes propos, tente de reconstitué un « P’ » vu du ciel. Point de vue bis ou/et privilégié pour observer la signature.