Maison familiale

triptyque

Les photographies de ce triptyque ont été réalisé durant un week-end où je rendais visite à ma grand-mère qui était en convalescence. Quelques mois avant sa mort. 

INTRODUCTION

Lorsque j’ai perdu ma grand-mère maternelle, la maison familiale où nous nous retrouvions tous pour les grandes occasions s’est retrouvée vide. Ma mère et ses frères ont décidé de la vendre et avant cela de la vider entièrement. Le week-end du 19 octobre 2013 fut décrété et j’ai alors décidé de prendre des photos et de faire des captations vidéo de cet événement qui n’est pas commun et qui n’arrive qu’une seule fois dans l’histoire d’une famille.

Une fois sur place tout le monde était réuni, ma mère, ses frères, leurs femmes et leurs enfants. Une grande benne avait été loué pour l’occasion afin d’y déverser toutes les affaires que la demeure abritait. Soixante années de vie de trois générations s’étaient accumulées en objets et meubles de toutes sortes. Il est remarquable de voir le détachement que mes oncles ont pu mettre à cette tâche, tout était jeté sans distinction.

Dans ma série de photographie j’ai retranscrit les multiples sentiments que j’ai éprouvé durant cette journée. Voir les traces des meubles apparaître sur les murs, prendre conscience de toutes les vies qui ont traversé ce salon, faire l’état des lieux. Redécouvrir des objets liés à un événement marquant, comme la robe de mariée de ma mère. On ne maîtrise pas le temps, ni même notre mémoire, le seul moyen de se souvenir sont les photographies. En scannant les photographies que mon grand-père avait réalisé, et que j’ai pu récupérer durant cette journée, j’ai pu me ressouvenir ou bien m’imaginer ce qui s’était passé dans cette maison. Cette série de photographies mélange deux temps : celui du présent, avec les restes du pique-nique du midi, et celui du passé de ma famille. Grâce à l’absence de ces meubles on redécouvre les événements, une tapisserie cachée derrière un buffet. Certes, dans ce travail, il y a un récit autobiographique car c’est de ma famille dont je parle mais il y a aussi une notion que nous avons tous, celle de la mémoire familiale.

 

 

Le banc

Le banc, Maison Familiale, Clara Ferrand 2013

Les roncesLes ronces, Maison Familiale 2013

LA TRACE PHOTOGRAPHIQUE

La photographie est un médium qui a pour particularité d’être indiciel, c’est à dire qu’une photographie est la trace de l’objet ou de la personne qu’elle a pour sujet. Bien souvent ces images sont les témoignages d’évènements passés, comme la célèbre photo de Trang Bang qui nous montre des enfants apeurés durant la guerre du Vietnam. Ma série de photographies est non seulement la trace de la journée dédié à vider la maison familiale mais également celle de quarante ans de la vie de ma famille.

8 juin 1972 trang bang, sud vietnam,kim phuc

Kim phuc, de Trang Bang, Sud Vietnam 8 juin 1972

Les marques des meubles visibles sur certaines images se sont faite avec le temps, elles témoignent tout comme la photographie d’une présence.  C’est ce que Roland Barthes appel le «ça a été» dans La Chambre claire, pour lui «La photo est littéralement une émanation du référent. D’un corps réel, qui était là,(…)» il dit encore qu’il y a «double position conjointe : de réalité et de passé.» . Ces traces sont comme des photogrammes sur un mur.

 

Le buffet

Le secrétaire, Maison Familiale, Clara Ferrand 2013

Aussi parmi ces photographies d’absences j’ai réalisé des images d’objets qui m’ont interpellé comme une photographie de mon grand père ou bien la robe de mariée de ma mère retrouvé dans un carton au grenier. Ce sont des objets qui me rappel une histoire, celle d’une histoire qui m’a précédé, des évènements que je n’ai pas vécu, mais qui ont touché ceux que j’aime.

Mon Grand-pèreMon Grand-Père, Maison Familiale, Clara Ferrand, 2013

robe de mariée

La robe de mariée de ma mère, Maison Familiale 2013

Suite des photographies :

L’ALBUM DE FAMILLE

«Grâce aux photographie, chaque familles brosse son propre portrait et tient sa propre chronique : portefeuille d’images qui témoignent de sa cohésion.» Susan Sontag, Sur la photographie.

Lors de cette journée j’ai récupéré des caisses remplies de photos qu’avait réalisé mon grand père (qui était photo-reportaire de profession), et j’ai entrepris les numériser afin de pouvoir les répertorier, les classer et les utiliser dans mon travail photographique. Sur ces photographies j’ai vu des personnes que je connaissait pas, même si c’était ma mère et mes oncles. Ces photos qui ont été prise durant leur enfance et sur lesquelles ils portraient des habits qui ne m’étaitent pas familier et avaient sur leurs visages une certaine inocence qui depuis bien longtemps n’existait plus.

Lorsque nous perdons un proche nous nous ratachons directement à une photographie de ce proche où nous le reconnaissons tel qu’il était pour nous. Chaque personne garde avec lui les photographies d’être ou même  d’endroit qui lui son chère, cela prouve qu’ils ont existé. L’importance des portraits est montré également dans la manière qu’avaient les nazis à detruir toute les affaires personnelles dont les photographies des déportés juifs, afin qu’il n’y ait plus de traces de leurs vies, de leurs identités.  Cette notion d’identité a aussi une grande part dans l’intérêt que nous portons aux albums de famille, sur certaine photographie nous n’arriverons pas à reconnaitre des personnes qui y figurent, «quelqu’un à dit qu’on meurt deux fois. On meurt quand on meurt et on meurt une deuxième fois quand on trouve notre photo et que plus personne sait de qui il s’agit», la photographie meurt alors elle aussi. Cela signifit que beaucoup de temps ont passé et que la présence de cette personne n’est plus inscrite dans une mémoire vive.

Parmis les photos que j’ai récupéré il y en avait une qui montrait toute la famille réunit dans le salon avec aux murs l’ancienne tapisserie dont j’ignorais l’existance jusqu’à sa découvert lors de mon repportage. Cependant cet album de famille ne sera que pour vous des images parmis tan d’autres, vous qui êtes étranger à l’histoire de ma famille et qui ne connaissez pas les personnes qui figurent sur ces images. Tout comme Roland Barthes se refusait à montrer aux lecteurs de La Chambre claire la photographie de sa mère dans le Jardin d’hivers, je ne vous infligerait pas les inombrables photos représentant mes proches à l’excepté de celle où apparait la fameuse tapisserie qui est pour moi comme un dialgue entre deux temps.

 « Face aux documents photographiques des parents morts, aux images qui témoignent de leur existence passée, le descendant rêve, s’interroge, enquête. Que disent ces images lointaines ? Peuvent-elles réléler quelques secret oublié ou insu ? Témoignages, les documents font signe à ceux qui les regardent, alors éloignés de l’instant de l’image, de la lettre ou de la prise de vue par une vaste étendue de temps » Claire de Ribeaupierre, Le roman généalogique – claude simon et Georges Perec

le salon

Le salon, Maison Familiale 2013 et Archive familiale 1978

MOUVEMENTS TEMPORELS

La dernière partie de mon travail est un court métrage que j’ai réalisé durant la journée du 19 octobre 2013. Le procédé cinématographique est pour moi très compliqué car il se passe en trois temps, celui de la captation vidéo, le choix des rushs puis le montages des séquences. J’ai utilisé mon Canon 5D Mark II pour les captations vidéos comme pour les photographies. J’ai filmé sur le vif, l’instant présent, sans faire mise en scène. Toute les actions dans ce court métrage sont authentiques, c’est à dire réaliste tout comme la photographie.  je me suis inspirée de la manière dont son filmé les documentaire.

Pour moi le cinéma est un dérivé de la photographie simplement le spectateur est contraint par le temps car ce n’est pas lui qui choisit les images qui seront montré plus longtemps, par image je veut dire cadrage car comme nous le savons le cinéma est composé de 25 images par seconde.

J’ai construit mon court métrage en trois temps :

– La découverte de la maison, des différentes pièces, où jessai alors de rendre compte de l’espace.

– Puis l’action qu’entreprenne mes proches de vider la maison, le spectateur assiste alors à des conversations sur ce qui est bon de garder ou bien jeter.

– Et enfin la discussion durant le pique-nique du midi afin de définir ce qu’il va advenir de la maison, sera t-elle vendu le jour même? si oui à quel prix ?

La scène qui pour moi est la plus importante est celle du pique- nique qui se déroule vers la septième minute du court métrage. J’abordent le temps à venir, la vente de la maison familiale, le faite qu’elle va appartenir à une autre famille et qu’elle sera témoin de nouveaux évènements, d’une nouvelle histoire. Alors que jusque là nous avions à faire au passé ou bien au présent, ici nous entrons dans des plans d’avenir. Cette maison est alors comme l’image  du phénix qui renait de ses cendres.

LE COURT-METRAGE :

 

BIBLIOGRAPHIE

La Chambre Claire, note sur la photographie, Roland Barthes, Ed Gallimard, 1980

Sur la photographie, Susan Sontag, Ed titre 88, 2008

Mort de la photo de famille ? De l’argentique au numérique, Irène Jonas, ed l’Harmattan, 2010

Le roman généalogique – Claude Simon et Georges Perec, Bruxelles, Ed La part de l’oeil, 2002

RÉFÉRENCES PHOTOGRAPHIQUES ET CINEMATOGRAPHIQUE

Sally Mann, Family Pictures 

Jaret Belliveau, Biography

Agnès Varda, Les plages d’Agnès, Film sorti en 2008