Mémoire-sédiment, matérialisation d’une durée

Au début de l’année 2013 j’ai fait dans une performance à partir des images qui apparaissaient avec une certaine répétition dans mon esprit et en conséquence sur mes travaux ultérieurs. Alors j’ai voulu creuser ces « images-souvenirs », savoir  quelle était leur nature et pourquoi ces images, qui étaient pour la plupart de mon enfance, m’étaient toujours présents.

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Après avoir vécu ses images dans une performance, avec la participation des mes amies, j’ai pu avoir une certaine distance par rapport à ces images et commencer à les travailler sur un plan plus objectif dans la tentative de comprendre une chose qui me dépassait et m’intriguait.

Mon premier pas était de mieux comprendre le passage d’une chose virtuelle à l’état matériel, c’est-à-dire, de ces images de ma mémoire à une forme/action concrète dans le réel. Les auteurs dont j’ai pu trouver qui parlent de ce processus, sont Henri Bergson et Gilles Deleuze. En approfondissant mes études j’ai pu découvrir le processus de création et la théorie du temps comme une durée telle qu’elle a été mise en avant par Bergson, où les temps  du passé, du présent et de l’avenir sont (existent) tous en même temps. Une continuité des répétitions.

A la base, mon travail était très personnel car c’étaient des images de mon esprit. J’avais du mal à faire participer l’extérieur, et cela me posait des problèmes. C’est alors que je me suis ré-engagée dans la recherche sur l’image-souvenir, la mémoire, le passé qui est présent et le processus qui se concrétise dans la matière. J’ai cherché dans la nature, et plus précisément dans les pierres, qui sont les éléments de la nature les plus anciens, surtout les roches sédimentaires dont la nature/matière propre est de la mémoire pure du temps qui ne cesse de passer.

Dans cette recherche j’ai utilisé des outils comme Google Earth pour pouvoir étudier les marques, les empreintes et les textures de la terre et de ses rythmes de formation de la matière, pour avoir des pistes dans ma production artistique. Avec cet outil j’ai pu voyager de la Sibérie à la Patagonie, de l’Amazonie au désert du Saare. Toutes ces images m’ont stimulé beaucoup et m’ont fait repenser le monde à plusieurs reprises et surtout m’ont donné plusieurs idées pour pouvoir commencer à travailler la matière.

Voici une partie des documentations que j’ai fait de ce voyage dans les images du satellite de Google:

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Dans la recherche d’une démarche formelle dans l’art, plusieurs artistes m’inspirent comme : Giuseppe Penone, Tony Cragg, Frank Kupka, Constantin Brancusi, Joseph Beuys, Jang Kwang Bum, Pierre Huyghe, Tunga, Robert Smithson, Koo Jeong A. et Yayoi Kusama.

Quelques-uns de ces artistes je connais depuis longtemps dont certaines des œuvres ou processus de création m’intéressent particulièrement pour ce projet sur le temps, d’autres j’ai découvert dans ma recherche actuelle et sur le extraits du livre Le temps pris de Christine Macel.

Cette recherche formelle a pu me guider dans mes premiers essais dans lesquels j’ai commencé en faisant des dessins dans plusieurs formats qui ressemblent à des cartographies et des topographies. Cependant, tout de suite, je suis partie  faire des sculptures  car les dessins exprimaient clairement des volumes et des textures que je devais mettre en œuvre par le biais d’une troisième dimension.

C’est drôle pour moi, qui travaille plutôt la peinture, d’aller presque directement vers la sculpture. Même en sachant que le cours demandait un travail de vidéo, je ne pouvais faire autre chose que des sculptures-maquettes d’idées que j’ai pu approfondir dans mes essais et lectures.

La recherche de la matière était essentielle pour faire avancer mon travail pratique et théorique. En travaillant sur modelage des couches, des formes et des pensées ont commencé à se mettre en place. Ces objets étranges, qui ont un côté géologique mais en même temps très naïf et organique, ont pris la place dans ma pratique et j’ai fait plusieurs essais.

Voici des photos des essais pratiques que j’ai pu faire pendant cette période :

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Crayon sur mon Sketchbook, 20 cm x 10 cm.

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Crayon sur mon Sketchbook, 20 cm x 10 cm.

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Encre de chine sur parier 220 gm, 297 mm x 420 mm.
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Aquarelle sur parier 220 gm, 297 mm x 420 mm.

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Sans titre: (temps comme matériau), acrylique sur coton, 108 cm x 122 cm.

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Pâte modelé, environ 25 cm x 16 cm x 8cm.

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Pâte modelé et acrylique, environ 15 cm x 6 cm x 4 cm.jhgpq

Pâte modelé et acrylique, environ 13 cm x 3 cm x 3 cm.

 

La vidéo de documentation de mon travail :

 

Ma vidéo de documentation de cette recherche est un mélange de plusieurs techniques montrées au long du cours avec une inspiration des vidéos montrées au cours. Pour le côté didactique de ma documentation, l’artiste Chris Marker m’a influencé par sa façon humoristique concevoir ses documentaires.

Pour la présentation de mon projet, j’ai utilisé la voix de Google traduction. Toutes les images, sauf les photos de mes travaux,  je les ai trouvé sur Google images. Ce choix d’avoir les contenus d’images et de sonorité vient d’un simple constat d’une réalité qui fait partie de la vie contemporaine et mondialisée et comme étudiante étrangère je suis confrontée avec cette réalité presque tous les jours.

Le discours fait par le philosophe Gilles Deleuze sur le processus sensori-moteur de Henri Bergson est un extrait d’un des ses cours de 1982. Ce discours a un rôle de documentation de mon quotidien comme étudiante en Arts à Paris 8 et ce qu’il dit fait un résumé pour moi de ce qui était le début de ma recherche.

Comme le temps était si court afin d’arriver à développer mon idée de recherche jusqu’au bout, j’ai limité mon travail de recherche théorique à deux livres : Matière et mémoire de Henri Bergson et Le bergsonisme de Gilles Deleuze.

Dans la deuxième partie de la vidéo j’explique le schéma du cône de Bergson qui est en quelque sorte un résumé du contenu entier du livre Matière et mémoire. Dans ce cône il va montrer où et comment la mémoire est dans l’esprit, quelle est sa connexion avec le monde réel et comment la mémoire se réactualise dans le présent et peut se matérialiser dans le réel.

La fin de la vidéo est une présentation des rendus formels de ma recherche avec un fond sonore que j’ai spécialement composé à cette fin.

Comme nous pouvons voir, mon projet n’est pas fini. J’aimerai continuer à le travailler dans le cadre de mon Projet tutoré et, éventuellement, dans le Master. J’ai pris beaucoup de plaisir à faire cette recherche et à commencer à développer une pratique plastique.  C’était évident que mon idée était très prétentieuse par rapport au temps que nous avons eu, mais le désir de cette recherche était plus fort que l’envie de vraiment aboutir à quelque chose.