AntiSaturn

La question de la temporalité m’interpelle de part son caractère global, quasi universelle et surtout de part sa vastitude.
Je ne voulais cependant, pas tourner autour du « temps/horloge » qui régit notre vie, la rythme et la cloisonne. Pas eu l’envie, car la finitude me pèse. L’être humain est mortel, il court après le temps, angoissé. Ce temps qui passe nous ramène sans cesse vers cette idée de mort.

Une fin existe, elle nous attend et on la rumine dans notre tête jusqu’à ce qu’elle nous tombe dessus. C’est donc nous qui l’attendons, ne serais ce pas dans ces instants justement, que l’on perd son temps? Apparement si précieux.

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Projet « Vandal », un graffiti végétal dans les rue de Paris, 2012.

 

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Extrait photographique d’une oeuvre de 2007, sans titre.
Technique mixte sur papier (encre, pastel, fleurs séchées).

Je travaille certaines de mes œuvres avec des matières naturelles, donc périssables (mousse, fleur, branche, écorce…), j’y vois un lien avec le temps qui passe dans cette image du dépérissement d’un végétal.
Mais ici, je voulais ressentir le temps autrement, doux et léger. Etre à l’écoute et observer les mouvements de la nature grâce à une installation sauvage de quelques heures in situ. D’ailleurs, l’impact du temps est plus visible à l’extérieur, d’où le cadre choisi: une forêt.

« Sentir la respiration de la forêt, déployer sa peau devenue végétale, explorer le souffle et l’air, respirer l’ombre ou le vent, c’est toujours épouser le devenir, être « fleuve ». Penone.

Le but était donc de capter du temps non figé dans une nature, qui se trouvera ensuite délocalisée et rendu infinie de part la possibilité de revivre cet instant. L’instant n’est pas mort, il survit grâce à la captation vidéo des mouvements présents.

« La notion de temps est un corollaire de la notion de mouvement: le mouvement se fait dans la durée et si le temps venait à s’arrêter plus rien ne bougerait. Pour Aristote le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur et le postérieur. A contrario le temps semble ne plus faire sens quand l’idée de mouvement disparaît, car le temps suppose la variation ».

On peut donc voir le mouvement comme une marque du temps. Avec ce projet je me suis engagée dans la récolte de certaines traces de ce temps, que ce soit avec le mouvement du vent, ce corps en marche, ou la lumière changeante.
Je voulais simplement capter une variation subtile du temps, avec le mouvement léger du vent dans ces tissus rendus vivants, à la fois mobiles et immobiles, dans un déplacement presque imperceptible, tout comme ce corps qui passe au loin.
J’ai cherché a confronter deux temporalités, celle du vent dans les tissus et le passage de ce corps. Pourtant, après le visionnage des images filmées, je me suis rendu compte que cette seule confrontation d’un mouvement corporel et de celui des tissus n’était pas assez pertinente.
Durant le montage, j’ai donc décidé d’ajouter une nouvelle temporalité grâce à l’enregistrement d’un son. Cette matière sonore prise dans une rue de Paris, quelques jours après avoir filmé l’installation,  amène plus clairement cette notion de double temporalité que je cherchais à montrer. Sachant que ce son n’appartient pas au même endroit, ni au même moment, il est autre et se retrouve entrelacé dans ce premier temps filmé.
J’ai tout d’abord fait mon découpage sur Première Pro, pour ensuite utilisé After effect pour le montage. Le film durait 17 minutes à la base et j’ai coupé de nombreuses séquences jusqu’à attenidre 2 minutes et 5 secondes. Il y a très peu d’effets visuels, je n’ai pas vraiment retouché les images à part pour la colomètrie et pour et pour l’insertion du titre encadré.
Le déroulé du film est simple, au début on se trouve à l’intérieur des tissus, sans vision globale, pour perdre l’oeil du spectateur. Puis, le point de vue s’éloigne, un dézoom s’opère et petit à petit on commence à avoir une vision d’ensemble de l’installation dans la forêt. Pour finir par le passage de mon corps, lointain et invisible, une signature en quelque sorte.

Quelques captures d’écrans pour montrer l’évolution visuelle du film:

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En ce qui concerne le choix du titre « AntiSaturn », il faut faire appel à nos connaissances sur cette planète.

Il y a une mise en opposition entre l’instant de la vidéo, plutôt calme avec un vent très léger et la vie sur Saturne où les vents peuvent atteindre 1800 kilomètres par heure. De plus, il règne une agitation permanente, sur ses anneaux, faite de vagues, de collisions et d’accumulations de matières, alors que l’on fait face ici, à un paysage de contemplation. Extraire un moment de vie du temps commun compté en chiffre minute.

Le jour baisse, le temps avance et l’on perd la lumière de Ce jour pour aller vers le prochain, sans l’angoisse de la finitude, comme un arbre qui pousse.

Céline Broudin