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Esperance de vie?

Article publié le : Dimanche 3 juin 2012. Rédigé par : Daravone


 Intervention n°1 sur le parvis

Pour ce projet ayant pour contrainte d’être réalisé dans le quartier, plutôt même ville, de la Défense, j’ai décidé de me pencher sur la question de la végétation. J’ai choisi de travailler sur ce thème suite à mes visites sur le terrain, j’ai pu remarquer qu’il avait beaucoup été traité dans les œuvres présentes sur le lieu (notamment la Cheminée Végétale de François, Volutes En Gerbes de Matthieu-Bachelot ou encore Les Trois Arbres de Grataloup, ou encore le fameux mur végétal de Michel Blanc) mais aussi dans les installations de coins de verdure que l’on retrouve tout au long du parvis. J’ai été quelque peu déçue de la façon dont avait été traité ce thème par les différents artistes, qui était souvent devenu prétexte à la décoration plutôt qu’une réelle prise de position de leur part. Je peux tout de même comprendre que les contraintes de la commande publique puissent être limitatives.


 Post-Intervention n°1 sur le parvis

Partant de ce constat, j’ai commencé à m’intéresser à la place de la nature dans la ville finalement. Est-ce que le fait que la nature ait été choisie (plantée en tel ou tel lieu) par l’homme la rend artificielle, j’entends par là moins naturelle. Elle ne pousse pas de son plein gré parce que les conditions pour sa pousse étaient réunies, mais plutôt parce que l’homme la force en quelques sortes à pousser en ce lieu. Est-ce finalement une revanche de la nature lorsque celle-ci ne pousse pas malgré les efforts de l’homme à lui maintenir une place au sein de nos villes?


 Intervention n°2 au pied de l’oeuvre de Calder

Ce qui est paradoxal, me semble-t-il, c’est le fait que l’homme fasse pousser de la nature dans la ville pour garder un semblant d’humanité, rendre les villes moins étouffantes, déclarer « malgré notre rythme de vie rapide et étouffant, la végétation pousse au milieu de nous » tout en plantant des arbres, jardins, de manières très contrôlées en définitive. Les bouts de « vert » dans Paris ont tous été créés par l’homme, les arbres sur les trottoirs, les jardins publics, rien ne pousse de soi-même en fait. Bien sûr ce constat ne concerne que Paris, où j’ai grandi et toujours vécu. La ville a été construite par-dessus la nature, ce qui n’est pas du tout le cas pour d’autres villes européennes. Il semble qu’en Scandinavie par exemple les villes aient été construites autour de la nature. A Paris, même les étendues d’eau ont été savamment construites par les mains de l’homme.


 Intervention n°2 au pied de l’oeuvre de Calder

Malgré ce terrible bilan, il n’est pas impossible de trouver des petites parcelles de nature rebelle, poussant entre des craqûres de ciment, entre un immeuble et le trottoir, ou encore entre deux dalles au sol. L’action de l’homme sur la nature peut être dévastatrice, mais elle est si infime dans le même temps.

Exemple de pousse improptue de végétation dans les failles du béton

Il n’est pas possible de contrôler la météo et ses effets sur la pousse, et finalement cette nature nous échappe, parce que l’on ne peut contrôler le vivant, la nature est en perpétuel mouvement. Dans l’autre sens, même lorsque l’on croit la contrôler la nature, elle se rebelle. J’ai longtemps tourné autour de l’œuvre de Michel Blanc, avec son mur végétal, jamais pleinement luxuriant. Elle nous est vendue comme une « tapisserie naturelle », mais était loin de l’être lorsque je l’ai visité les premières fois.


 Intervention n°3 derrière l’arche de la Défense

L’emplacement semblait mal choisi, car le mur n’était jamais exposé à la lumière du soleil, de plus les vitrines adjacentes empêchaient les passants de profiter pleinement de l’œuvre en plus d’en bloquer l’exposition au soleil. Il est vrai que l’artiste a dû se soumettre aux conditions fixées par la commande, à savoir le lieu (collé à l’une des entrées au centre commercial Les Quatre Temps), la direction donc l’exposition. Finalement la solution semblait être une nouvelle source de lumière pour permettre aux végétaux la photosynthèse tant essentielle à leur floraison tout en conservant l’emplacement de la pièce. Toutefois, je n’ai pas trouvé ce projet si pertinent, même s’il était très intéressant.


 Intervention n°4 au pied l’arche de la Défense

Parallèlement à cette recherche, j’ai décidé d’entreprendre une action performative qui consistait en la plantation de végétaux à même le parvis de la Défense. Dans le même temps, j’ai appris qu’au Parc des Buttes Chaumont les jardiniers changeaient complètement la végétation donc se débarrassaient de grandes quantités de plantes et de fleurs avec leurs racines et la terre et qu’il était possible de les récupérer. J’ai donc mis la main sur quelques-unes de ces plantes rejetées par les jardiniers des Buttes Chaumont et voulu leur donner une deuxième vie dans le quartier de la Défense.


 Post-intervention n°4 au pied l’arche de la Défense

Je me suis rendue sur le parvis, avec mes plantes récupérées, de la terre, et de l’eau afin de les arroser. L’expérience performative fut encore une fois très intéressante d’un point de vue sociologique.
La première plante que j’ai implantée dans le parvis était au centre des deux centres commerciaux. Elle a été détruite à peine quelques minutes après par un groupe de jeunes gens qui se sont acharnés dessus à coups de pieds. Puis elle a été récupérée par un couple de vieilles personnes. Le temps de vie de mes plantations m’est arrivé en plein visage, elles ne survivraient jamais plus de quelques minutes dans ce milieu hostile. J’ai tout de même continué ma plantation à trois autres endroits du Parvis, à savoir près de l’œuvre de Calder, derrière l’Arche et enfin au pied de l’Arche. Personne n’a réellement fait attention à ce que je faisais, ni ne s’est arrêté pour me poser des questions (je commence à me demander ce qu’il faut faire pour avoir des réactions), ni ne m’a arrêtée. J’ai pu constater quelques regards lorsque je l’ai fait au pied de l’Arche, c’est l’endroit le plus fréquenté du quartier, mais encore une fois rien de bien significatif. J’ai filmé mes actions, mais au vue des réactions si peu nombreuses, elles n’ont peut-être pas lieu d’être montrées. Peut-être n’ai-je pas choisi les bons créneaux horaires pour réaliser mes plantations, mais je dois avouer être quelque peu déçue du manque de répondant des passants.


Post-intervention n°4 au pied l’arche de la Défense

Par extension, mon travail s’est en réalité tourné vers la question de la culture, comment faire pousser, comment cultiver dans des conditions pas nécessairement favorables. Que peut-on faire pour qu’elles le deviennent. Mais surtout, peut-on véritablement les rendre favorables?
Pour ce qu’il en est de la nature dans la ville, et plus particulièrement à Paris, il me semble que le bilan que je tire de mes recherches est mitigé. Une chose me paraît certaine, nous sommes très peu sensibilisés à la question de la nature. J’ai été très choquée de la réaction du groupe de jeunes à peine avais-je fini de planter mes fleurs, même s’il est vrai qu’en discutant avec des jardiniers de mon quartier, j’ai appris qu’il leur arrivait la même chose lorsqu’ils essayaient de planter des fleurs dans les parcs, dès le lendemain, leurs efforts étaient détruits. Je n’avais pas de réelle prétention en réalisant cette action performative, je pensais seulement au geste, et aux réactions que je pensais recevoir. Peut-être l’humour était ma seule prétention. Toujours est-il que je n’avais pas pour but une sensibilisation des gens à la nature, à la culture, à la végétation qui nous entoure, ce qui serait sûrement naïf de ma part. Mon but était peut être véritablement que l’on fasse attention à moi.

Exemple d’une oeuvre  traitant de la végétation: Point Growth, Lim Dong-lak