Des pratiques populaires et l’espace public

Par: Yamile Villamil Rojas

Les pratiques populaires désignent un ensemble d’actions qui sont propres d’une population ou d’une communauté. Celles-là peuvent être transmises de génération en génération. Des pratiques populaires en tant qu’actions que se développent avec l’application de certaines connaissances et lesquelles indiquent tout ce qui appartient à une population, sera la principale définition qu’on prendra en compte pour commencer à parler sur elles et leur relation avec l’espace public.

Conformément à celui-là, nous poserons deux cas d’analyses. Le premier cas sera par rapport au village de Ráquira-Colombie, où on se pose des questions comment l’œuvre construit l’espace public et quels types d’intéresses peuvent se trouver dans les interventions de ces espaces ? Le deuxième cas, sera sur la résignification et la déterritorialisation des pratiques populaires pour la création collective des œuvres esthétiques et/ou artistiques, en prenant comme exemple « Devotionalia » des artistes Diaz et Riedweg.

Nous débuterons pour une introduction et explication sur l’histoire du colonialisme en Colombie –pour arriver à comprendre le contexte historique et social de Ráquira-, ensuite nous aborderons les deux cas d’analyses. Enfin, nous présenterons des conclusions et de questionnements qui naissent à partir de ce travail.

Tout d’abord, la Colombie est un pays qui a passé pour un processus de conquête et colonisation qui a fait que sa culture soit le produit d’un mélange social et racial. Avant la conquête espagnole, la Colombie était un pays peuplé par des communautés indigènes avec une cosmogonie propre, un système politique, culturel, social et économique organisés et indépendants.

En effet, l’arrivée des Espagnols à l’Amérique avec des esclaves afro-descendants a fait que la rencontre entre ces trois groupes ethniques – culturellement différents- ait donné lieu à mêler les croyances, les pratiques et les savoirs des races indiennes, noires et européennes, en produisant une nouvelle population et culture ; où beaucoup de pratiques propres de chacune se transformeraient et d’autres seraient simplement disparues.

Il est notamment le croisement de races qui vont permettre d’identifier l’origine des personnes. Les quatre races les plus connues –de vingt-quatre races existantes en Colombie- ont été le créole, lequel était la naissance d’un fils ou fille de deux espagnols sur terrain ou sol colombien, le métisse produite du mélange entre un espagnol et un indien ou indigène, le mulâtre fait du croisement d’un espagnol et un afro-descendent et le zambo sorti de l’union d’un indigène et un noir.

Les espaces avant et après la conquête

La conception et construction des espaces pour les indigènes étaient conçues à partir de sa cosmogonie et de sa relation avec le corps et la nature. La construction des maisons –la plupart arrondies- était pour des communautés andines la représentation même de son corps et l’univers. Par exemple, la porte de la maison était la représentation de la bouche, les fenêtres étaient les yeux, la cuisine était le cœur de la maison et le toit qui représente la tête qui regarde vers le haut, entre d’autres significations symboliques.

D’ailleurs, la façon d’être et d’utilisations des constructions changeaient à fur et mesure que la culture indigène se mélangeait avec la culture espagnole. Donc, l’architecture colombienne aura trois périodes importantes1 qui définissent de nouveaux concepts pour le dessin et construction des espaces et des immeubles.

D’une part les édifications faites pour les Espagnols suivaient de principes de constructions de métropole. Les maisons étaient construites autour d’un ou de plusieurs cours, lesquelles montraient un héritage andalou et arabe. À partir de 1680, Carlos II a fait «  La compilation des lois des royaumes d’Indes » ou en espagnol « La Recopilación de las leyes de los reinos de Indias » où il disait les mesures et les formes pour faire des constructions urbaines.

D’autre part, l’introduction et construction des églises avait aussi un dessin spécifique avec des styles de la renaissance et le baroque ; celui-là serait une continuation du christianisme. C’est pourquoi, beaucoup de villes et de villages ont eu plusieurs constructions des églises et des maisons républicaines, où l’altiplano cundiboyacence en Colombie, se reconnait pour cela et l’influence religieuse jusqu’à nos jours.

Après avoir fait cette petite contextualisation historique, où nous pouvons comprendre le processus dans le changement et perceptions des espaces avant et après la conquête en Colombie, nous passerons à faire l’analyse de nos deux cas mentionnés avant, ayant en premier le cas de Ráquira-Colombie et en deuxième « Devotionalia » de Diaz et Riedweg.

Est-ce que l’œuvre construit l’espace public ?,

Ráquira, capitale artisanale, capitale de marmitas.

Ráquira est un village du département de Boyacá en Colombie. Il est nommé la capitale artisanale par sa production des sculptures et marmites en argile. Il est reconnu par la Corporación Nacional de Turismo, comme le village le plus beau de Boyacá grâce aux peintures colorées dans les façades de ses maisons de style républicain et des magasins.

À propos de ses peintures, il faut dire que même s’il est un village qui a une construction républicaine, les peintures ont d’iconographie indigène des communautés qui ont habités auparavant cette région. Mais, aussi d’iconographies d’autres peuplés indigènes d’autres régions du pays. Lequel pose beaucoup de questionnements, comme quelle est l’intention de ces peintures-là ? Qui le font et pourquoi ?

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« Si ces espaces publics accueillent indifféremment des pratiques collectives et individuelles –prévues ou insoupçonnées, formatées ou fantaisistes-, l’on doit s’interroger sur leurs statuts juridiques : sont-ce des propriétés communales, étatiques, collectives, privée ou «partagées» ?… D’un emplacement à respecter ou simplement à consommer? 2» (Sic).

Il est notamment un Village avec une architecture républicaine, laquelle est conservée par disposition de lois du patrimoine culturel et historique du pays. La plupart des maisons sont des propriétés privées. Les interventions ou peintures sur les façades sont réalisées pour la même communauté.

 Alors, est-ce qu’il est possible de nommer cela Street Art ? On ne peut pas répondre facilement à cette question, mais, si l’on prend les bases conceptuelles du Street art, on peut dire que oui dans la mesure que les peintures sont faites pour des personnes et plutôt pour une collectivité dans un espace public –dans les murs et façades des constructions-, ces images ont d’une intention tant « conceptuel » aussi que de « consumérisme », donc, on peut répondre de manière affirmative.

Mais, quel types de « publics accueillent indifféremment des pratiques collectives et individuelles3 » ?, il faut dire que cette région accueille de touristes pendant toute l’année, c’est pourquoi certaines des intentions avec sa peinture ou intervention mural avec des peintures colorées, c’est de montrer au visiteur sa culture, ses coutumes, ses produits artisanaux et des traces de son histoire local.

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Mais, quand on observe qu’il y a des autres icônes culturels d’autres régions du pays, on peut réaliser des hypothèses comme par exemple qu’une des intentions de faire ce type d’interventions dans un espace public, – lequel est visité majoritairement par de touristes-, cela devient une manière « exotique » de publicité pour attirer à ce qui ne connait rien sur le lieu ni le pays.

Cependant, ces interventions ou des « œuvres » font en grand parti l’espace public-là. En effet, c’est grâce à ces interventions que Ráquira est manifeste de manière différente et facile à reconnaître et associer à quelque chose de la culture traditionnelle et en même temps hybride.

Par ailleurs, des pratiques où les artistes font de convocation aux gens pour les faire partie dans un projet participatif avec des intentions pour préserver la mémoire ou la culture d’un endroit, il vaut la peine de réfléchir si l’œuvre introduite dans un lieu public fait vraiment l’espace quand elle peut être éphémère comme par exemple « Le Knit Cambridge Projet » de Sue Robusta, à Ontario- Canada, ou si plutôt elle ne fait pas l’espace mais le transforme et change la manière de relations entre les gens et lui.

En 2009, l’artiste Sue Robusta avait le projet de couvrir le pont de la rue principale de Cambridge avec des tissus en point de croix faits pour plusieurs personnes qui voulaient faire partie du projet. Il avait l’intention de faire avec celui-là un hommage à la culture textile qui avait existé auparavant dans cet endroit et qui avait disparu à travers les époques. Dans le projet ont participé des personnes de différentes nationalités de distincts points dans la planète, où la plus jeune avait cinq ans et la plus âgé 103 ans.

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Avec plus de 1000 textiles en septembre de 2010, l’artiste a fait la couverte du point. Dans l’inauguration il y avait plusieurs participants qui avaient envoyé leur tissu et selon, ce qui a dit Sue Robusta, les personnes ont fait aussi de « tissus » et relations humaines avec celui-là.

En bref, si on prend le cas de Ráquira -où la communauté a l’initiative d’intervention avec des éléments propres, soit comme une manière de préserver sa culture et se ratifier idetitariement ou soit comme une manière aussi de publicité- et, le cas de Robusta en Ontario –où c’est l’artiste qui fait l’appel à ni importe qui pour participer dans un projet qui veut aussi préserver une « mémoire »- en tous les deux cas sont à partir des pratiques « populaires » qui s’introduisent dans l’espace public des œuvres ou des interventions qui demandent de réflexions et questionnements constantes à travers le temps et dans les transformations ou appropriations des espaces publics.

De ce fait, on peut parler de la resignification et déterritorialisation des pratiques. Jusqu’ici, nous venons d’analyser et réfléchir si les œuvres font l’espace public- par rapport au cas de Ráquira et Sue Robusta à Ontario-, maintenant nous passerons à étudier le deuxième cas de « Devotionalia » de Diaz et Riedweg, lequel nous permettra d’aborder plus à approfondi le sujet de resignification et déterritorialisation de pratiques.

Resignification et Déterritorialisation de pratiques populaires :

« Devotionalia » est une œuvre des artistes Mauricio Diaz et Walter Riedweg. Elle a été réalisée entre 1994 et 2003 avec la collaboration de 600 enfants de différentes favelas de Rio de Janeiro au Brasil.

Le projet a commencé une année après la tuerie des enfants qui avait fait la police en face d’une église. Il s’agissait de travailler des ateliers avec les enfants des favelas pour la création des ex-voto4. L’élaboration de chacun était à partir des mains ou des pieds des participants. Pendant le processus dans l’élaboration des figures, il avait l’intention de réconcilier les enfants avec son entourage, améliorer leur communication entre leur communauté et surtout de les visibiliser dans une problématique sociale et culturel où beaucoup d’entre eux « n’existaient pas » pour l’état.

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Les ex-voto comme une pratique populaire religieuse a une resignification dans ce contexte qui a pour but rendre visible des problématiques sociales et laquelle est « déterritorialisée » des églises pour les placer -avec la pratique et la fabrication des ex-voto- dans un espace public comme les favelas. Celui-là n’est pas seulement une pratique déterritorialisée ou de resignification dans l’usage des objets ex votives, sinon est en même temps un acte qui devient une œuvre à travers des installations et d’une vidéo documentaire qui font les artistes, lequel est emmené à d’autres « espaces publics » comme des musées et des institutions culturelles et éducatives.

Dans ces 1200 empreintes de mains et de pieds à manière des ex-voto, les artistes expriment qui ce sont la trace et l’héritage des enfants sans certificat de naissance ou de mort qui n’ont jamais été reconnus officiellement. Maintenant, toutes ces empreintes demeurent au Musée Nationale de beaux-arts de Rio de Janeiro.

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Qui et pourquoi le fait ? Pourquoi les ex-voto ? Pourquoi les favelas ? Pourquoi les espaces publics plutôt culturels pour rendre visible de problématiques sociales ? Ceux-ci sont de questionnements que l’on peut trouver de réponses quand on analyse le contexte où est née l’idée ou le projet.

Il faut dire qu’un des artistes est Brésilien, donc il est déjà une piste pour répondre à une des questions, aussi il est évident que les propositions esthétiques ou artistiques sous la forme d’interventions, d’installations, des vidéos et etc., inspirées dans certains pratiques populaires, ne sont pas seulement importantes par « l’exotisme historique » ou pour « récupérer » ou préserver une mémoire, sinon sont importantes dans la mesure qui servent aussi des éléments de dénonce, de visibilisation et de confrontation : un ex-voto, un vœu, la tuerie des enfants en face de l’église où peut-être beaucoup de personnes ont laissé aussi des autres ex-voto, une favela des enfants non existantes et des espaces culturels qui le reconnaissent, sont des aspects importants qu’on peut apercevoir dans ce contexte.

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De toute façon, les espaces publics et les œuvres qui le « font », aussi leurs acteurs actifs –soit l’artiste ou la population- et leurs acteurs passifs qui le « contemplent », ne seront jamais de facteurs indépendants. Enfin, nous pouvons conclure que même si les conceptions des interventions dans les espaces publics ont des nobles intentions, il faut toujours se poser de questions pour mieux les comprendre et surtout en sachant qui en tout lieu « public » il y a de « consommateurs » de « produits » et que les enjeux des œuvres ne sont pas les mêmes selon le public ou « l’espace public » où elles soient exposées.

Si l’œuvre fait l’espace ou l’espace l’œuvre, si les pratiques populaires comme inspiration de créations servent mieux dans sa resignification que dans son exotisme, celui-là sont des questionnements qui peuvent nous ouvrir des autres possibilités d’analyses, mais, les réponses peuvent demeurer dans les limites de leurs bords.

 

1 Les trois périodes de l’architecture colombienne sont divisées en : architecture indigène, colonial et républicaine. Il existe notamment trois périodes de plus qui vont continuer le processus jusqu’à l’actualité. Elles sont les périodes de transition, moderniste et actuelle.

2 PAQUOT Thierry (2009). L’espace public. Paris. La Découverte. P. 47.

3 Ibid.

4 Un ex-voto est une offrande qui fait une personne à la vierge ou saint auquel elle lui a demandé une faveur. Après avoir accompli le vœu l’ex-voto est déposé sur l’image du saint ou de la vierge. Ils existent plusieurs versions d’ex-voto dans la religion catholique. Pour ce qui concerne aux ex-voto que les artistes ont fait avec les enfants, sont des ex-voto qui sont faits en cire et leur forme est la représentation d’une partie du corps. Pour le cas de « Devotionalia » les enfants ont fait des ex-voto des leurs mains et de leurs pieds. Mais, il faut noter que dans le projet des artistes il n’y avait pas un sens religieux sinon social en resignificant leur utilisation.

 LISTE DES IMAGES

Image 1: IMAGE PRISE DE http://www.google.fr/url?source=imglanding&ct=img&q=http://esphoto500x500.mnstatic.com/raquira_1672071.jpg&sa=X&ei=t_lUVbO7B4rjUbCXgIgK&ved=0CAkQ8wc&usg=AFQjCNGBJg-cUePXLiD6mTEYkykKAwsmHQ

Image 2: http://www.google.fr/url?source=imglanding&ct=img&q=http://mw2.google.com/mw-panoramio/photos/medium/28688189.jpg&sa=X&ei=HvtUVZjzCYKAU_DzgaAK&ved=0CAkQ8wc&usg=AFQjCNEQ26k8Kcf3SL-5N8z6xe1PSjz1Bw

Image 3: http://www.google.fr/url?source=imglanding&ct=img&q=http://knittyblog.com/wp-content/uploads/2010/09/bridge.jpg&sa=X&ei=q_tUVc2LNMa8UYfBgLgB&ved=0CAkQ8wc&usg=AFQjCNHejhmqNN-Y4MuiazM-WGCIqUYPFA

Image 4 et 5: http://site.videobrasil.org.br/en/acervo/obras/obra/567958

Image 6: http://www.sikart.ch/werke.aspx?id=12931000