Journal viral d’Arte

Le tour du monde depuis mon confinement

Depuis le 20 mars, Arte propose un journal vidéo qui documente les différentes réactions à travers le monde face à la pandémie de coronavirus. Un·e correspondant·e nous parle à travers l’écran de son téléphone portable depuis un pays, une ville, un quartier, peu importe lequel puisque désormais la planète est un village et l’arbre à palabres un écran personnel qui permet de partager ce nouveau sujet commun : le virus.

Viral, c’est son nom, est un collage vidéo en mode selfie/gonzo qui permet à tou·tes d’avoir une vue sur « ailleurs ». Une vue qui ne soit ni un traitement médiatique, ni une fiction. Évidemment la production oriente le montage en fonction d’un point de vue mais il est aussi possible, à mesure de les épisodes de dix minutes s’accumulent, de voir à travers les non-montrés.

Aujourd’hui, pour le dix-septième numéro, nous pouvons affirmer que partout dans le monde la gestion de la situation est annoncée comme politique par les reporters. Partout sauf en France où nous suivons les péripéties d’une petite fille : Joséphine, prisme au travers duquel nous observons l’impact du « méchant virus » sur le pays, qui se résume ici à son univers enfantin d’enfant unique trop gâtée.

Politique partout ailleurs

« Tout est politique ! » Slogan hérité de années soixante-dix, cette phrase prend tout son sens quand on réalise que le territoire qui gère le mieux cette crise, en matière de personnes atteintes et décès, est Taïwan, territoire qui n’est pas sous l’autorité de l’OMS. Mais Taïwan est aussi le premier territoire a utiliser un logiciel de traçabilité des personnes en quarantaine. La question de la surveillance est au cœur des politiques de gestion des états puissants. Moscou surveille sa population par reconnaissance faciale jusqu’en en bas des immeubles d’habitations. Il semblerait même, comme le dénonce la juriste et activiste Aliona Popova, que les données personnelles des moscovites soient vendues sur le dark web… La Biélorussie, quant à elle,  est le seul territoire européen qui nie la pandémie et n’impose aucun confinement, du coup c’est la population qui s’organise pour s’auto-confiner.

Loin des images de l’AFP

Ce qui fascine dans ce journal viral, c’est la singularité des points de vue. En tant qu’autrice d’un journal vidéo j’interroge ce que l’intime peut apporter au politique. Dans le numéro 14, à 07:23, on voit le correspondant, Al-Amine Geithr, qui se filme en mode selfie devant la place des martyrs, « bastion du soulèvement du 17 octobre », il lit les graffitis dans la rue : « nous avons coupé les routes, il reste vos têtes sales chiens ». Un poing levé, emblème du soulèvement se tient toujours de bout au centre de la place, « mais plus personnes » comme le dit Al-Amine Geithr, des trémolos dans la voix.

Oui c’est vrai, le monde est à l’arrêt, à Paris aussi les réseaux militants bouillonnent et trépignent à l’idée de redescendre dans la rue et de combattre ce nouvel ordre mondial qui semble se mettre en place. Pourtant à bien y regarder que voit-on ?

Des pays pauvres, comme l’Inde ou le Mexique, qui s’organisent tant bien que mal avec la population « en marge ». La moitié ou plus des citoyens des pays dits « du sud » vivent grâce à une économie précaire non déclarée telle que les vendeur·ses ambulant·es.

Des pays riches dont les précaires sont délaissés par les services sociaux que le capital n’abonde pas. À Miami par exemple, on peut voir des jeunes blancs faire une balcony party avec DJ au bord de la piscine de leur condominium alors que le correspondant dit que « bien sûr les chiffres du chômage sont très alarmants ». Le DJ confie à la caméra que cette fête est une opportunité unique d’apporter du réconfort aux confinés.

La fin du mythe colonial capitaliste

À Alger, les mesures sanitaires semblent efficaces. Des cabines avec de l’eau et du savon ont été installées dans la rue et le muezzin appelle les fidèles à prier chez eux. Un pêcheur souriant vend sa prise au marché aux poissons en souhaitant le bonheur dans le cœur de celles et ceux qui le mangeront. A Moscou, les jeunes livrent des repas aux vieux et on apprend que les médicaments sont tous gratuits. Les habitants de Pragues  remercie le virus d’avoir rendue leur ville, leur immeubles de nouveau habitables puisque Air BnB ne fonctionne plus.

Se prendre ainsi la réalité du monde en face, à travers le traitement d’un même sujet, d’un même combat, est un outil précieux pour comprendre les enjeux de ce moment historiques auquel nous participons toutes et tous. Et pourtant deux pays semblent effacés, la France qui n’est autre que le regard de la petite Joséphine et l’Allemagne carrément absente !

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-019290/viral-journal-mondial-d-une-pandemie/

 

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