capture Earth cam de Time Square le 25/03 à 14h00 (heure locale)
Les récents événements liés aux COVID-19 ont amené les autorités gouvernementales à prendre des mesures drastiques afin d’éviter la propagation du virus : confinement, fermeture des magasins, limitation des déplacements au strict nécessaire.
Les rues se vident soudain de leurs passants. Plus personne à Time Square ni à New Delhi : l’image est si frappante, inhabituelle, voire effrayante que de nombreux photographes, professionnels et inconnus s’emparent du motif de ces villes devenues fantômes dans lesquelles règne une atmosphère quasiment post-apocalyptique.
Or, pour les décrire, ces espaces récemment déserts sont ceux d’un monde éteint. Ce paysage de science fiction n’est celui d’immeubles détruits sur lesquels la nature reprendrait le dessus. Cette crise dévastatrice est sanitaire et sa réalité n’est pas inscrite à la surface des immeubles vus de la ville, qui cachent en eux les individus qui y habitent. La disparition dans l’espace publique, imprime dans les têtes un réseau d’images à la hauteur des mesures prises pour endiguer cette catastrophe mondiale.
Atlantic City, 20/03, nj.com, Tim Hawk | NJ Advance Media for NJ
Alors, après le confinement obligatoire, il a fallu trouver des alternatives aux occupations quotidiennes et au lien social IRL : l’on se cultive grâce aux centaines d’institutions et sites ayant mis films ou livres en libre accès sur Internet, des apéros confinements sont organisés sur Messenger, Facetime, Zoom ou Skype, ou l’on en profite pour terminer quelques jeux vidéos.
Quand la ville se vide, l’ordinateur devient l’interface de la socialité à distance.
Mais qu’en est-il des univers persistants oubliés, qui étaient autrefois les plateformes privilégiées du rassemblement virtuel ?
S’il est peut être encore tôt pour tirer des conclusions rapides, Ebbe Altberg le CEO de Second Life confirme une récente expansion due à la quarantaine : « We are seeing an increase in new registrations and returning residents during this outbreak. » (https://nwn.blogs.com/nwn/2020/03/second-life-coronavirus-concurrency.html). En plus d’avoir toujours eu une densité de population très faible, Second Life connait une importante baisse de fréquentation d’année en année. « La vérité, c’est qu’il n’y a guère que l’équivalent de la population d’un petit village en se promenant dans un endroit grand comme dix Manhattan. » écrit déjà Warren-Ellis en 2007. Les explorations sont souvent longues dans ce monde où la rencontre se fait rare pour les nouveaux qui subissent souvent des critiques de résidents inclus depuis longtemps dans des communautés. L’on peut néanmoins s’aventurer dans les images fascinantes de grandes îles inhabitées et d’étendues gigantesques de supermarchés vidés d’avatars. En dehors des circonstances exceptionnelles de la période de crise dans laquelle nous sommes plongés, les paysages de Second Life sont aussi, sans nulle doute, ceux d’une ville fantôme.
À la lumière de cet ébranlement mondial, il est en tout cas curieux d’analyser les métavers dans le rapport peuplement / désertion qu’ils entretiennent avec l’état de l’espace public actuel, en créant une nouvelle réalité sociale.
Il semblerait que l’accessibilité soit le premier point d’ancrage de ce présent. Nous pouvons regarder le monde actuel éteint à travers notre fenêtre, mais les écrans de nos ordinateur ou nos smartphone sont, dans cette situation, des interfaces privilégiées de la multiplicité des points de vue. Photographies en haute définition de journaux en ligne ou stories sur les réseaux sociaux, le cyberespace se remplit d’images du monde actuel désert, et les métavers, objets du web, en sont bien souvent des copies.
Principe des vases communicants, principe des vases communicants…
Peut être que cette crise suscitera un regain d’intérêt pour ces mondes persistants tombés en désuétude, comme le faisait pour Active Worlds le YouTubeur Vinesauce dans sa vidéo [Vinesauce] Vinny – Active Worlds Exploration (Are You Lost?) (https://www.youtube.com/watch?v=PRgATG6PUA0) ?
capture de la vidéo [Vinesauce] Vinny – Active Worlds Exploration (Are You Lost?) avec Hitomi Fujiko https://www.youtube.com/watch?v=PRgATG6PUA0
capture d’écran de MOYALAND 11/04/2019
Hollywood Boulevard, capture d’écran sur Earth Cam le 27/03 à 5h59 (heure locale)
Observations personnelles – Habbo Hotel
Habbo Hotel – comme Second Life – est un monde virtuel, en ligne depuis 2000. Il y a quelques mois je réalisais une vidéo sur sa désertion à travers l’itinéraire mental d’un avatar nostalgique, perdu dans ce lieu qu’il ne connait plus et qu’il subit en silence (racisme, suprématisme blanc, agression), mêlé aux souvenirs d’endroits public disparus.
liste des lieux publics les plus fréquentés, capture d’écran, Habbo Hotel
En écrivant cet article, je me suis demandé ce qu’il en était maintenant que nous somme tous à la maison, et me connectant, j’ai trouvé – sans surprise – l’Hôtel rempli. On me refuse d’ailleurs l’accès à certaines pièces. Heureux hasard peut être, au même moment, l’on m’envoie un lien vers un article : Sur Habbo, des gens se retrouvent pour faire la teuf virtuellement (https://nuit.lebonbon.fr/news-nuit/habbo-gens-teuf-virtuelle/) hébergé chez un joueur du nom de Diiims91. Je décide de me rendre sur le nouveau site qui visiblement remplacé l’Hôtel original : Habbo City. Le principe, les lieux et les graphismes sont exactement les mêmes, version gratuite.
liste des appartements les plus fréquentés, capture d’écran, Habbo City le 26/03/20 à 20h02
Le soir (26/03) à 21h a lieu la tawa du jour : HABBO PARTY 5 – THUNDER
capture de HABBO PARTY 5 du 26/03 à 21h25
Une playlist diffusée en direct est donnée sur l’événement Facebook, tandis que l’on se retrouve dans l’appartement de DjMay pour bouger nos corps pixelisés. A défaut de ne pas pourvoir faire la fête IRL, il semblerait que l’envie de continuer à en organiser défie les lois du territoire physique en s’installant dans le virtuel. Et les conversations qui apparaissent à l’écran montrent que l’on se prend vite au jeu – de rôle – : Dj-pantin derrière les platines, têtes dans les caissons, imitation de prise de prods en tout genre (devenus monnaie d’échange au bar), quelques presque-od, et des « allez lààààà » à tout va… Qui sait, peut être que demain il y aura la queue aux toilettes ? En tout cas, au royaume des pisto-avatars, tout est bon pour simuler la nostalgie du Blanc Mesnil. Libres et anonymes.
Le rendez-vous est donné aux intéressés à partir de 21h tous les soirs du confinement.
capture de HABBO PARTY 5 du 26/03 à 21h06