Filatures

FILATURES DANS LE MÉTRO PARISIEN

L’idée du projet, Notions générales et théoriques:

L’idée de départ, proposer un panorama avec un point A et un point B en suivant des inconnus sous forme de filature
 

Les espaces de vies sont codifiés par des types d’infrastructures bien spécifique à chaque lieu. Des règles d’urbanisation tendent à grouper les constructions et régulariser les divers fonctionnements qui en découlent.

En Ile de France nous remarquons différentes ruptures entre les quartiers parisiens et les zones de banlieues vues comme des transitions dans divers espaces fragmentaires. Est-il donné à chaque personne de s’adapter partout où il va ? Il en va d’un choix personnel de vouloir s’établir entre soi et une recherche de similarité rassurante. Une ligne de métro connue nous empêchant d’avoir peur de l’inconnu. Connaissant ces arrêts, sa typologie de personnes ce lieu peut devenir commun, entretenant une affinité sociale et culturelle. Dans le chapitre « Solitude » de Marc Augé il nous explique bien que des habitudes se créée à l’intérieur même d’un espace public : « Les régularités du métro sont évidentes et instituées (…) Un immuable ordonnancement du quotidien, symbole du caractère inéluctable des échéances, de l’irréversibilité du temps et de la succession des jours ». Chacun de nos itinéraires articulent quotidiennement les différents aspects de notre vie. Les endroits dans lesquels nous nous sentons bien sont ceux au sein desquels nous partageons une communication sensible et physique avec eux.

De façon directe ou indirecte il doit nous être possible de trouver notre place, aussi petite soit-elle. Certains événements particuliers nous emmènent parfois hors de nos chemins habituels, nous proposant de nouvelles rencontres, de nouveaux arrêts de métro, une nouvelle typologie de l’espace du métropolitain. Nous pouvons alors nous poser des questions sur les usagers qui le parcoure. Un ensemble stéréotypé s’y dessine, mais certaines personnes s’en dégagent, touristes, mendiants, musicien, la rencontre hasardeuse de personne de notre entourage, les voyageurs parfaitement au courant de la ligne qu’il prenne, se mettant dans le bon wagon qui leur permettra la sortie dans le tunnel désiré … Un nombre incalculable de typologies de personnes s’y côtoient sans jamais vraiment s’y rencontrer. Qui ne s’est jamais posé la question de savoir ou tel personne allait, d’où elle venait, à quoi pensait-elle ? 

J’ai choisi d’articuler ma recherche autour de ces questionnements qui s’éveille à chaque fois que je prends les transports en commun notamment le métro de part la proximité que nous avons avec les autres usagers et le temps que nous y passons. L’idée de passer une heure par jour dans le métropolitain n’est pas une idée facile à se mettre en tête. La vie urbaine et notamment parisienne semble être une surabondance infinie de personnes, de trajets, de flux communicationnels, de rapidité d’échanges, de déambulation expéditive et parfois si calculé. Nous sommes à la minute près. A ce métro près qui, si nous n’avions pas chercher dans notre sac notre carte de transport, ou vérifier deux fois si notre porte d’appartement était bien fermé, nous n’aurions pas loupé ce métro, à une minute près. 

La mise en place du projet, les étapes de création:

La fille aux cheveux bouclés
 

J’ai donc choisi d’établir une recherche sous forme de prospection et d’enquête : Que font vraiment les usagers ? Où vont-ils ? À quoi pensent-il ? Valérie Mrejen, artiste contemporaine dans son ouvrage « Ping-pong » s’est intéressé dans la vidéo « Ils respirent » au langage et à ses multiples possibilités. À travers de petites histoires courtes et familière elle dresse un portrait des relation humaine. L’extrait si dessous montre la voix intérieur de cet homme « A quoi penses-tu » et résume une partie de ce que j’ai voulu montrer.

Valérie Mrejen Extrait « Ils respirent »

A travers la mécanique bien rôdé du système du métropolitain j’ai voulu suivre des inconnus d’un point A à leur point B. J’ai décidé d’élaborer mon schéma de déambulation autour de la ligne 13, ligne qui m’est familière. C’est à travers elle que j’ai découvert Paris et que je flâne. La schéma d’enquêteur Ce centre autour d’actions obligatoires pour le passager :

L’arrêt de métro d’ou je choisi de partir
Plan général du lieu
Repérer quelqu’un dans l’environnement aux abord d’une bouche de métro
Les escaliers
Les tourniquets
Attente sur le quai
Rentre dans un des métros
S’assoit, reste debout, téléphone, parle, mange, dort, écoute de la musique, lit..
Si il bouge de place à l’intérieur même du wagon
Quant il sort
Nom de l’arrêt de métropolitain
Prend les marches, escalators ou ascenseur
Rapidité de la sortie
Sortie
Dernière prise photographique en extérieur
 

Sans inclure un nombre exacte d’images, la série se trouve encadrée par touts ces points à suivre. L’histoire inclut donc une logique de lecture avec un point de départ, d’arrivée et des points intermédiaires mais ne permet pas d’y mettre un réel début et une fin. Le protocole acquière un nombre d’image proposant la déambulation du voyageur et un texte sur les sensations et les questionnements qui en découlent. Le point A se trouve parfois choisi de manière hasardeuse sur la ligne, le point B quant à lui propose la fin de l’échange entre l’inconnu suivi et le magma qui l’entourait dans l’espace clos qu’est le métro. En effet, se lie l’espace public et le domaine privé du voyageur , de par l’intime proximité que nous avons avec lui. Une fois sortie de cet espace clos s’y confère une nouvelle liberté, une ouverture sur l’espace et donc sur l’imaginaire que je laisse libre au spectateur. 

«  Je me demande d’où elle vient ? »
« Je pense que les gens qui s’arrêtent ici ont une bonne raison »
«  Je pense qu’ils habitent là »

Le texte propose d’apporter de nouvelles informations temporelles et géographique mais aussi les différentes hypothèses qui découlent de l’attitude de ces inconnus. Une tension dramatique se créée entre le spectateur et les images, une tension jamais résolue par un temps quasiment suspendu ne proposant ni début ni fin. Apparaît ensuite la frustration de la fin du voyage. Le temps d’un moment, d’une parenthèse l’accent fut mis sur un petit morceau, un infime moment de l’activité de ces personnes, qui ensuite ont repris leur vie sans même savoir que quelqu’un avait tenté de rentrer dans la leur.  Le texte traite de manière brève et fragmentaire un langage sur une réflexion tragico-comique sur notre temps et sur notre époque. Le langage étant un ensemble de signes permettant parfois de trahir une gêne ou une insatisfaction. Il permet aussi l’expression et la communication, il apporte des informations supplémentaires aux images. 

Cette recherche protocolaire basée sur le métro 13 à aussi du questionner la temporalité des filatures. Certaines heures sont plus calmes que d’autres, certaines journées ou la foule est moins compact, plus posée et d’autres où s’amassent des centaines de personnes. Une fois les images et les textes écrit s’est posée la question du mode de présentation. Une édition avec les images et les textes ou un montage photographique et sonore ? Mon choix s’est porté sur la vidéo. De part les transitions insérées entre chacune des images se crée de nouvelles tensions et de nouvelles images dans l’image. Cette profusion de photographies s’enchaînent de manière plutôt lente permettant de manière indirecte de refléter le flux ininterrompu du métro, le flux du trajet des personnes suivies. Le texte sonore vient lui de manière parcellaire et fragmentaire accompagner les images en apportant de nouvelles informations spatio-temporelles .

Essai Edition, le texte
 
Essai édition, les images

  Extrait Filature 1 Les références et ouverture post-production:

A l’ère du XXI ème siècle les nouvelles technologies prônent la vitesse, la rapidité des interconnexions, l’agir communicationnel ne cesse de réduire l’opposition sphère public et sphère privée. L’utilisateur du métropolitain ouvre sa sphère privée en se donnant à voir, en dialoguant au moyen de son téléphone et par son attitude corporelle révélant son origine sociale et culturelle ( Cf Thierry Paquôt  dans Conclusion de l’  « Espace Public »). « Là dans cet espace clos du métro, une tranche de vie privative a pu se dérouler sous le regard muet des autres voyageurs ». J’ai choisi de ne pas laisser mon regard muet, j’ai choisi de l’ouvrir à l’image photographique et de l’offrir au spectateur. Pour Erving Goffman (sociologue du Xxè) « Les gestes que parfois nous nommons vide sont peut-être en fait les plus pleins de tous. » Il serait possible de continuer ces filatures sur des mois ou des années, révélant possiblement des changements d’époques, de temps, d’expériences sensible. S’ouvrant à des gestes simples pouvant révéler d’une gène, d’un dysfonctionnement dans nos échanges communicationnels, ou d’une intimité propre à chaque passager . Se confond dans cet espace des sphères intimes, des réflexions personnelle et une intense proximité entre tout les usagers, qui sont réunis dans un espace public et avec parfois si peu de place pour respirer.

Sophie Calle à exploré cette notion de filature dans « SUITE VENITIENNE » (1980) : un inconnu qu’elle suivait dans les rues de Paris lui est un jour présenté. Apprenant qu’il partait en voyage à Venise, elle décide alors de le suivre à nouveau à son insu. Photographies et récit descriptif. Elle propose une « construction concrète d’ambiances momentanées de la vie, et leur transformation en une qualité supérieure de la vie ».  »(Guy DEBORD)

Son travail pourrait aussi se rapprocher de la recherche qu’est le nouveau roman, de ce roman à la recherche de lui-même. Une des caractéristiques communes serait la dispersion, l’errance, le développement des récits dans l’espace et le temps, puzzle à recomposer par le lecteur attentif afin de recréer l’unité, la cohérence de cet imposant « work in progress ».
 L’éclatement identitaire de l’artiste: auteur, sujet, objet, personne réelle ou figure linguistique, favorise cette fragmentation et amène le regardeur actif à participer à l’accomplissement de l’histoire, à suivre la biographie à mesure qu’elle s’écrit, depuis plus de vingt ans. ( Source : médiation Centre Pompidou )

 Sophie Calle extrait « Suite Venitienne »

Le lieu est un terrain complexe sans cesse mouvant, s’envisageant parfois comme une forme de paysage volcanique, où les repères familiers sont susceptible d’interagir avec l’espace. En parlant du corps dans son paysage urbain on interroge les relations à l’éphémère, à la mémoire et à l’état des choses. Notre corps ne cesse d’osciller et de se métamorphoser dans un espace-temps. Il peut se passer dans le métro toute sorte de choses, le fait de le traverser, de changer de ligne, de construire des itinéraires différents, fait de ce lieu un espace mobile et multiple.

Filature 0 from Alizée Vi on Vimeo.

Voir en plus grand Filature 1

Voir en plus grand Filature 2

Voir en plus grand Filature 3

Filature 4 from Alizée Vi on Vimeo.

Voir en plus grand Filature 4

Filature 6 from Alizée Vi on Vimeo.

Alizée Vigot

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3 réponses à Filatures

  1. daravone dit :

    J’ai beaucoup aimé la fiction que tu as créé autour des gens que tu suivais, c’est vrai que le métro est particulièrement propice à l’imagination. On se demande ce que les autres font dans la vie, où ils vont. On interprète d’après le peu d’indices que l’on trouve, les vêtements, l’allure etc…
    De plus la voix+ la video servent très bien la narration et on en veut plus!

  2. Marine dit :

    Je suis d’accord avec Daravone ta voix + la vidéo marchent vraiment bien!
    Il me semble que plusieurs personnes t’avaient suggérer de suivre la personne encore plus longtemps…Je trouve personnellement que tu t’es arrêtée au bon moment, car on peut imaginer toute sorte de suite à l’histoire que tu as créée.

  3. Paula dit :

    Comme les autres ont dit, on reste avec l’envie de un peu plus… tu pourrais peut être jouer avec cela. Je trouve que ton travail a un grand potentiel narrative.

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