La démarche de la marche

La marche comme pratique artistique est tout d’abord un outil de création ralliant de nombreuses problématiques. La notion d’espace, le ressenti aussi bien physique que psychique et l’engagement du corps sont tout autant de questions qui peuvent se poser.

« [..] apparaît alors un univers où le déplacement est non seulement le moyen d’une translation spatiale mais également un fait psychique, un outil de fiction ou encore l’autre nom de la production. »1

La marche est une activité quotidienne et personnel et qui sous l’aspect de l’insouciance peut se révéler avoir un impact signifiant.

Comment en somme nous arrivé à faire rentrer la marche dans le champs artistique alors même que c’est l’acte le plus banal et le plus quotidien que nous exécutons chaque jours ?

Pour comprendre cela, nous devons regarder quelques années en arrières, pour contextualiser la naissance de cette pratique artistique.

On retrouve des traces d’artistes arpenteurs sous la formes de récits ou bien de carnets de voyages, comme ceux de Delacroix (carnets Marocains), Edward Hoper (un américain à Paris) ou encore Victor Hugo (escapades amoureuses dans l’ouest de la France)

Déjà dans les années 1920 les dadaïstes ouvrent la voie aux artistes flâneurs. Walter Mehring ou encore André Breton prirent l’initiative de créer des déambulations avec quelque uns de leur amis de manière expérimentale.

Mais le phénomène prit toute son ampleur dans les années 50-60, où l’on remarque une monté en puissance de la société de consommation. Cela engendre l’émancipation individuelle, qui se heurte au cadre familiale présent à cette époque-là.

Dans ces années là c’est l’apogée de l’art conceptuel, qui fabriquait des idées au détriment des produits ou d’objets. Ils ne pouvaient ni être achetés ni vendus. La performance en tant qu’ affirmation de ces idées devint la référence la plus forte de cette période.

Cependant elle ne fut reconnue comme moyen d’expression artistique à part entière qu’à partir des années 1970.

Fin des années 50, Allan Kaprow, crée les premiers Happenings. C’est une intervention artistique qui nécessite activement la participation du public. Le public prend enfin, la place d’un intervenant et non plus un réceptacle passif.

Les actions sont hétérogènes, volontiers provocatrices, elles ne cherchent ni à raconter une histoire ni à l’illustrer, se démarquant de la danse ou théâtre. Le spectateur devient une part de l’œuvre.

L’utilisation du corps comme moyen d’expression artistique est évidemment précurseur du mouvement des marcheurs. On pourrait citer en autre le mouvement Gutaï au Japon qui entre 1955 et 1972, ont inventé leur propre action painting, traversant la toile de leur corps.

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Image :2e exposition Gutaï, en 1956, performance de l’artiste
traversant des cadres de papier tendus

En Autriche, l’actionnisme Viennois (1960-1971) utilise le corps pour manifester le rejet profond de la politique conservatrice de leur pays, entre autre, contre le nazisme. Brisant les tabous aussi bien sociaux, que moraux.

(Ces actions ont parfois étés filmés par les artistes et sont pour certaines disponibles, mais payantes.)

L’art corporel rentre aussi en jeu dans son processus provocateur avec des explorations de la douleur, de la sexualité, de la jouissance et du désirs, qui sont tout autant de tabous à cette époque. Les artistes impliquent leur corps dans des interventions qui peuvent être très violentes.

L’artiste et l’œuvre deviennent une seule et même entité. On peut citer comme exemple des artistes comme Gina Pane, qui en 1973 réalisa à Milan, « sentimental action » où elle transperce sa peau d’épine de roses.

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Gina Pane(1939-1990).Sentimental Action,1973, gallery Diagramma in Milan

Le land art est aussi une pratique qui permet à l’art de sortir de l’institution muséal. Il apparaît vers la fin des années 60. Les premières œuvres sont réalisés dans le paysage.

En 1970 Michel Heizer réalise « double négative », où il fait déplacer 240 000 tonnes de roches dans le désert du Nevada.

Robert Smithson fait parti de ce mouvement et s’impose comme l’un des premiers acteurs et théoriciens.

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Image1 :Michael Heizer, Double Negative, 1969-1970, 240,000-ton displacement of rhyolite and sandstone, Mormon Mesa, Overton, Nevada, courtesy of The Museum of Contemporary Art, Los Angeles, Gift of Virginia Dwan, photo by Tom Vinetz

À la fin des années soixante, les premiers artistes marcheurs commencent à apparaître.

En 1967 Richard Long réalise « Line made by walking ».

Cette performance s’est effectué pendant un long voyage entre st Martin et sa maison à Bristol. Juste avant de faire du stop il s’est arrêté dans un champs et a marché jusqu’à créer une ligne. Par la suite, il l’a photographié comme trace de son passage. Il reproduira cette performance dans divers endroits, notamment au Péru en 1972.

06richardlonglinemadeRichard long, Line made by walking 1967

Mais aussi Hamish Fulton , qui traverse le monde à pied, sans laisser de traces dans le paysage, mais fait de la marche la condition de sa création. Il affirmera même « no walk, no work »

Sortir de la galerie et du musée

La marche implique de sortir au delà. Elle dépasse les frontières de la galerie, du musée.

Beaucoup d’artistes utilisent le déplacement comme prétexte à la découverte, de lieux inhabituels, où de l’autre.

La majorité du temps nous avons un itinéraire lorsque nous marchons. Nous nous déplaçons d’un point A à un point B. Que se passe t-il donc lorsque les artistes décident de déjouer cette tendance ?

Certains utilisent des protocoles pour se perdre, comme l’artiste Stanley Brouwn.

« Il demande qu’on lui indique sur une feuille de papier l’itinéraire à suivre pour se rendre

dans tel ou tel endroit de la ville, itinéraire que le passant choisit au hasard. Après quoi,

sur la foi du schéma, l’artiste se rend à l’endroit en question. »

d’autre comme le collectif Stalker et Fluxus, vont à la conquête des espaces en friches de la ville, souvent délaissés par l’intérêt commun. Il prennent parfois des risques physiques pour y accéder. Ils choisissent de ne laisser comme rendu que quelques photographies, et une carte illisible, un planisphère étrange. Ils ne cherchent pas spécialement à retransmettre leur expérience de parcours, car ils considèrent que la marche est une expérience personnelle et intime.

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image1:Photographie noir et blanc de la transuberance effectuée
autour de Rome par le laboratoire Stalker en 1995

image 2 :Stalker planisfer Roma, document de leur pérégrinationsdans les zones en friches autour de Rome en 1995

« Cette invention n’est pas le seul fait de la marche : elle requiert aussi le franchissement de seuils et de limites » 2

Cette pratique peut donc prendre la forme d’une mise à l’épreuve du corps, une prise de risque. D’autres artistes décident d’expérimenter cette mise à l’épreuve tentant de réaliser des exploits.

« Le culte de l’« extrême » caractérisant la culture occidentale – plus fort, plus intense, plus radical, plus violent, plus vite, etc. – fait de l’exploit un acte logique. Pas d’exploit, pas d’« extrême ». Il faut qu’une limite soit forcée, sinon quoi ? L’acte routinier, l’acte quelconque, l’acte plébéien, désespérément sans intérêt. »3

Cette exemple montre aussi à quel point la marche peut être un prétexte pour se surpasser. Elle est une sorte de défi.

Les artistes Tixador et Pointcheval, entreprirent à plusieurs reprises des périples improbables : faire le tour de France, dans la trajectoire d’un cercle parfait, ou encore se déplacer uniquement en ligne droite, se forçant ainsi à traverser des zones majoritairement impraticables comme les autoroutes.

Il réalise notamment en 2005 une œuvre nommée horizon-20 dans laquelle ils décident de se fixer comme objectif de creuser un Tunnel quelques mètres sous terre pendant une semaine et effectuer 20 mètres. Le chemin se refermant derrière eux. Confiner ainsi, déconnecter du monde, des conditions sont extrêmes et difficiles pour un but dérisoire. Ils se heurtent volontairement à l’obstacle et à la durée de l’acte.

Leur pratique traite de manière humoristique de la quête du succès absolu et joue avec la notion d’échec. Ici réussir n’est pas le réel but. Les deux artistes revendiquent aimer tenter perpétuellement de nouvelles choses qu’ils n’ont encore jamais réalisé. Le but importe moins que le procédé pour y parvenir.

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Tixador et Pointcheval, Journal d’une défaite,2006

Francis Alÿs s’amusera lui aussi à jouer avec cet notion du but complètement vain. Dans paradoxe of praxis, il pousse dans les rues de Mexico un pain de glace. Il retransmet par cet acte, l’aspect éphémère de l’œuvre performative.

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Francis Alÿs Paradox of praxis, 1997, Mexico

Cet œuvre, introduit aussi la question de la temporalité. À travers l’acte physique du corps ou la fonte du pain de glace, ces artistes éprouvent la durée de manière somatique.

« La marche est ainsi : instrument de recherche qui nous met en présence de l’imperceptible, qui joue avec lui, soit pour le repérer, soit pour le produire,soit pour le recueillir »4

Temporalité et intimité

Tout d’abord, la marche passe par l’utilisation du corps. Qu’est ce que ce corps ? 

Notre corps est tout d’abord, notre outil le plus personnel et intime que nous possédions. Il est indissociable de notre esprit. Il en est le représentant. Engager le corps c’est donner de sa personne.

La marche à pour spécificité d’être plus lente que tout les moyens de transport moderne qui nous sont proposés : transports en communs voitures, trains…etc

En cela elle nous fait adopter un rythme plus personnel, et plus contemplatif et introspectif.

« Flâner est une science, c’est la gastronomie de l’œil. Se promener, c’est végéter ; flâner, c’est vivre. »5

Nous utilisons notre corps pour manifester nos ressentis. Le corps et l’esprit sont en échange permanent. Il est notre contact avec le monde qui nous entoure, le récepteur et l’émetteur.

La marche est un moyen de ressentir pleinement ce corps. En tant que pratique physique elle a un impact sur celui-ci. Elle fait ressentir en plus de la temporalité, la distance notamment.

À l’échelle du règne animal, l’homme est lent et bien moins agile que d’autre. Nous sommes dépourvu de crocs, de griffes où de pelage. Cependant nous possédons une sorte de « super pouvoir » caché : nous sommes les rois de l’endurance. Nous sommes capable de traquer sur des kilomètres une proie jusqu’à que celle-ci s’épuise. Nous sommes conçus pour marcher.

En tant que marcheuse j’ai pu constater avec surprise à quel point nous sous estimions réellement les capacités de notre propre corps.

Au premier abord, sur une longue distance, cette pratique peut-être douloureuse, mais elle créer un lien très présent entre les ressentis du corps et celui de l’esprit.

L’esprit vient à vagabonder et progressivement devient plus attentif aux phénomènes du corps, la douleur, la soif, la fatigue qui deviennent plus intenses contrairement à notre mode habituel de sédentarité.

Dans notre mode de vie occidentale notre esprit est constamment assailli par diverses distractions. Les écrans, le bruit tout autour. Nous occupons sans cesse notre esprit, rejetant l’ennui. Nous lisons, jouons sur nos portables, écoutons de la musique. On n’oublie parfois de se confronter à soi même, pour faire le point sur nos ressentis, nous poser des questions. Il nous faut être productifs, penser sans cesse à ce que nous « devons faire ».

Flâner est une des rares activités où l’on se retrouve réellement avec soi même. Elle est aussi une sorte de compromis, on ne fait pas « rien » puisque « on marche » et en même temps, on se met à penser, et lorsque toute la liste des choses futiles est épuisée, on se met à réfléchir sur nous même, l’attention change.

En 1988 les artistes performeurs, Marina Abramovic et Ulay, décident d’orchestrer leur rupture amoureuse par une très longue marche, sur la muraille de Chine. Chacun partant du point opposé à l’autre, pour enfin se retrouver et se dire adieu.

Cette performance est une sorte d’allégorie de ce qu’il traverse affectivement. La distance les séparent et ils tentent de se retrouver, une dernière fois.

Cette performance est intéressante, car elle est aussi un parallèle avec les étapes du deuil décrite en psychanalyse. Ils ressentent et exprime physiquement leur douleur intérieure.

Physiquement il vont ressentir le procédé du deuil : Les premiers jours ils sont seuls, ils vont reconnaître la perte et se confronter à la douleur.

Ils vont finalement peu à peu faire abstraction de la douleur physique, jusqu’à ce que celle ci disparaissent réellement.

Le corps s’adapte, il devient plus fort.

Il vont finalement se retrouver tout en sachant que le but de cette performance est de se dire adieu, sans retour.

Ils acceptent. Ils créent une victoire, dans la défaite de leur amour.

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individualité et collectivité

Ce corps nous permet donc de nous exprimer à l’échelle individuel mais aussi collectif.

Pour les raisons évoquer précédemment, le corps étant notre représentant, il est assez commun que nous devenions un corps collectif, par exemple lors de manifestation.

La présence du corps vient s’assembler aux autres pour faire office de voix commune. Nous utilisons la marche comme un moyen de manifestation pacifique.

Lygia Pape, réalise dans divers endroit depuis 1968 l’oeuvre « divisor ». Cette œuvre illustre assez bien l’expérience du corps collectif. Les participants de l’œuvre déambulent tous ensemble dans un immense drap blanc. Leur corps est recouvert part le drap qui les relie tous, seul les têtes dépassent. Il devient alors assez difficile d’avancer sans voir les corps. Cette œuvre met en exergue le compromis que fait le corps commun. Il est à la fois plus puissant qu’un corps seul, mais il s’entrave lui même.

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Il est très difficile d’avoir un rythme individuel dans une foule. Nous pouvons en faire l’expérience, dans les manifestations, où bien encore dans le métro aux heures de pointes. Nous devons adopter le rythme commun.

« c’est d’ailleurs dans et par le mouvement qu-il incarne que le marcheur retrouve quelque chose que le rythme dans son sens grec -exprime -. Non seulement parce que ce dernier est toujours lié à la corporéité, à la matérialité, sensibilité »6

Le corps est un outil politique à l’échelle collectif mais aussi individuelle.

Certains artistes marcheurs l’utilisent donc pour s’exprimer politiquement. C’est le cas de Regina José Galindo qui en 2003 réalisa une performance nommée « ?Quien puede borrar las huellas ? » (traduction : qui pourra effacer les traces ?) Faisant référence au souffrances enduré par son pays natal, le Guatemala.

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Regina José Galindo qui en 2003, dans « Who can erase the traces »,Quien Puede Borrar las Huellas?

Image :Photo Credit: Production stills from video-performance. Image Courtesy of prometeogallery di Ida Pisani, Milan/Lucca

Dans cette performance elle entreprit de marcher pieds nus dans le palais du congrès du Guatemala et notamment dans des lieux très politisés et policier. Elle plongeait ses pieds à intervalles réguliers dans une bassine remplie de sang humain. Cet acte avait pour but de dénoncer la campagne présidentiel de José Efraín Ríos Montt. qui eu lieu en 2003.

Cet homme n’est autre que l’ancien président entre 1982 à 1983. Il est responsable en grande partie du génocide indigènes du Guatemala. l’artiste veut rappeler que le Guatemala n’est pas « un pays sans mémoire », et que les blessures sont toujours là.

Francis Alÿs jouera lui aussi avec l’aspect de l’insouciance, avec poésie sur les limites et la provocation.

En 1993 pour la première fois à Sao Paulo Il se déplaça sur 24 km à la frontière, où il laisse s’échapper un fin filet de peinture bleue jusqu’à Gent, rendant visible son déplacement et la séparation, par une ligne subtile.

En 2004 il reproduit cette performance, cette fois ci à Jérusalem d’Est en Ouest, la nommant « The green line :Sometimes something of poetic can become political and something political can become poetic »

Il déverse alors 58 litres de peinture verte, à la frontière, sur 24 km, elle aussi, un lieu très politisé.

Cet acte permet par la même occasion de ressentir la distance.

« Politique dans le sens Grec de -polis- la ville comme lieu de sensations et de conflits » 7

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Image : photo prise en 2004 à jerusalem pendant sa performance part David Zwirner pour une exposition à la gallery in Chelsea

La retransmission

Dominique Braque dans son ouvrage, parle de la parole comme une libération de l’ambiguïté de l’image.

La marche est une condition de la création pour les artistes nomades. Hamish Fulton proclamait « No walk no work ». Il est cependant assez difficile de retranscrire cette action. Comme nous avons pu le voir les artistes utilisent divers procédés pour capter l’acte du déplacement.

La photographie a cependant quelque chose d’ambiguë, elle est un fragment statique. Dominique Baqué dans son ouvrage Pour un nouvel art politique., parle de la parole comme une libération de l’ambiguïté de l’image.


Cependant aucune des représentations ne sera « l’œuvre » en elle-même. Elle donne forcement naissance à une autre création.

« … le tout constituant une activité quotidienne et insaisissable. Par sa quotidienneté même, cette activité ne peut être relatée. » 8

Comme nous l’avons vu, certains artistes décident de laisser des traces dans le paysages comme Robert Smithson ou encore Richard Long, d’autre choisissent d’en prendre le contre pied.

C’est le cas de Hamish Fulton. Les seules traces de ces pérégrinations sont des photographies prisent de manières frontales, typiquement du point de vue du marcheur, au beau milieu de la route. Il réalise notamment des tableaux abstraits, où les mots suspendus font office de ressenti du paysage, ce dégageant de la simple représentation, ou description.

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A 21 DAY COAT TO COAST WALKING JOURNEY… JAPAN 1996,
Image sourced from Land Art (Taschen), 2006

« l’œuvre comme objet fini s’efface devant l’œuvre-en-cours »9

Francis Alÿs quant à lui, trouve une alternative et se transforme en artiste collectionneur avec son œuvre « magnetic shoes » en 1994 il attire tout plein de petits débris métalliques, petites reliques rejeter par la ville. Ce que l’on peut rapprocher de l’art modeste décrit par Andre Cadere, lui aussi praticien et théoricien de la marche. L’artiste explique que selon lui le contexte de réalisation de ses œuvres, sont tout d’abord d’être fait, puis d’être vu, car le regard viendrait confirmer l’existence de l’oeuvre.

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Los zappatos magneticos, 1994, Havana, document photographique.

Cependant, à mon sens, la plus belle des transmissions reste encore l’invitation et l’incitation.

Spiral Jetty

Spiral Jetty

Spiral Jetty, Smithson, 1970, Utah.

Cette œuvre est une gigantesque Spirale de pierre au abord d’un Lac salé de L’Utah. Au delà de son aspect monumentale, elle est intéressante dans la quête qu’elle propose au public : trouve moi si tu peux. Elle est visible selon le bon vouloir de la nature. Il me semble qu’un artiste a tenté de la retrouver en tant que performance et a documenté son voyage par des photographies. Il ne la trouvera jamais, cependant il en accoucha d’une nouvelle.

Notre corps est notre premier outil, il est politique. La marche quant a elle, permet un franchissement, une attitude propice à la découverte de soi et de l’autre ainsi de ce qui nous entoure, si on accepte de dépasser les frontières et limites imposées. Marcher franchir les obstacles, aboutir où échouer. C’est œuvres nous montrent qu’au final :

Le plus important ce n’est pas la destination, ce n’est pas le but, c’est le voyage que l’on effectue.

La notion d’artiste arpenteur a donc énormément évolué au fil du temps, et c’est peu à peu éloigné de la notion d’image pictural qu’elle avait à ses débuts, pour faire place à l’acte en lui même. Elle prend tout son sens en se détachant du matériel et devient le prétexte à la découverte, en s’opposant à l’accélération de nos sociétés qui parfois accapare notre esprit. Elle nous invite à la contemplation et a être plus réceptif au monde qui nous entour, prenant tour à tour des aspects divers et variés. Dans ce cadre elle devient un outil de création artistique en nous rendant plus perméable au monde extérieur et à nous même. Paul Ardenne parle dans son ouvrage de ce culte de l’extrême très présent dans nos sociétés qui abouti notamment à la perte du désir de voir. Cette pratique se propose comme une alternative, mais n’en est pas moins un acte engagé.

1 Thierry Davila, marcher créer,2002, édition du regard.

2Dominique Baqué, op. cit, p. 243.

3 Paul Ardenne, Extrême – Esthétiques de la limite dépassée, Paris, Flammarion, 2006, chapitre 1.

4Thierry Davila, marcher créer, p.114

5 Honoré de Balzac Physiologie du mariage, XI. 1826.

6Marcher créer Thierry Davila, p.45 

7Francis Alÿs et David Torres « Francis Alÿs simple passant » art press n°263 décembre 2000 p.20

8André Cadere, Histoire d’un travail (1977-1978), Gand, Herbert-Gewad, 1982, p. 12.

9Paul Ardenne, Un art contextuel, Paris, Flammarion, 2002, p. 51