Clémentine Carsberg


  Plancher flottant, Salon de Montrouge, avril 2018

Le travail de Clémentine Carsberg est une invitation. Une invitation au fond de soi, dans nos propres souvenirs, à se retrouver projeté à nouveau dans le salon de ses grands-parents ou dans sa chambre d’adolescent. Le papier peint, que l’artiste utilise de manière récurrente dans sa pratique, permet de créer cette nostalgie pour le spectateur qui a vécu avec ces motifs, mais il acquiert aussi une charge temporelle pour celui qui y reconnaît une époque passée. Ce matériau modeste est la parfaite représentation de l’ambivalence de son travail : cette fragilité qui enveloppe et protège, reflet de notre intimité, devient publique. Son utilisation, couplée parfois avec du carton, manifeste la volonté de travailler avec ce qui est à proximité dans notre quotidien. C’est pour la même raison que la plasticienne recouvre des chaises ou des échelles de motifs identiques à ceux des murs, associé à l’idée qu’on ne voit plus ces objets par leur présence constante et ordinaire. Ainsi – en mélangeant planéité et volume – le camouflage, qui inéluctablement amène la disparition, les fait paradoxalement apparaître de nouveau. Clémentine Carsberg cherche essentiellement à regarder différemment ce qui l’entoure.
Son invitation est aussi au voyage dans le temps, à la rencontre entre deux espaces différents et à la cohabitation de deux univers distincts. Secrets de familles, une superposition de couches de papiers peints qui apparaissent par un déchirement, représente les différentes vies d’un lieu au fil du temps. Ces formes artistiques qui évoquent des histoires, résultent d’un désir de comprendre ce qu’il y a eu avant et ce qu’il y aura après. Avec Pointes de vues à Alger en 2015, les sculptures en stuc des anciennes galeries Lafayette retrouvent leur place au sein du white cube de ce qui est devenu l’actuel musée d’art moderne, comme si le passé reprenait ses droits, l’architecture son essence. Cet aplatissement du temps et de l’espace met en avant ce qui a été oublié et ce qui disparaît – encore une fois – témoignant du mouvement des structures et des usages des lieux.
Les espaces, le temps… ces notions corroborent le rapport à l’architecture, l’archéologie et à la ruine de Clémentine Carsberg. Des vestiges, des briques rouges agencées au sol de telle sorte à rappeler des traces archéologiques et recouvertes de papier peint à l’intérieur, nous interroge sur l’état de chantier, entre la construction et la déconstruction, oscillant entre des éléments qui semblent être inachevés ou en train de disparaître.
Plonger dans la pratique de Clémentine Carsberg c’est avoir envie de redécouvrir notre quotidien après avoir été immergé dans ses lés, motifs, objets et espaces… C’est se sentir léger par l’ironie qu’elle instaure et redevenir conscient de nos souvenirs et du monde. Du passé et du présent. Il s’agit avant tout de rencontres physiques, architecturales, temporelles. De jouer avec l’espace. Prendre possession d’un lieu et de son histoire… Et s’amuser de ces agencements.

Bertille Levent

Lave main 2006
Carton, papier peint, environ 320 x 106 cm

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