Lulu Meng

Par Yuju Lin

Née dans une famille taïwanaise traditionnelle, Lulu Meng interroge la vie et la société avec un regard critique contraire à la tradition taïwanaise : « L’harmonie est ce qu’il y a de plus précieux. » Elle poursuit une réflexion sur les rôles sociaux et le vrai soi avec un langage artistique sobre.Travaillant toujours sur des vêtements, en raison de ses études de mode à l’université, Lulu Meng pense qu’ils représentent la classe sociale ou le rôle d’une personne en société. Même une simple chemise blanche sera différente par rapport au sexe ou au travail des gens.

Elle propose Prestige en 2017, trois colliers en acier inoxydable, posés sur des oreillers en plâtre. Les colliers de différents poids symbolisent le degré du succès. Le plus lourd est celui qui a le plus réussi. Comme des couronnes précieuses sur des oreillers idéals, parfaitement blancs. Plus lourd est le collier, plus évidente en est la trace sur l’oreiller. La pression accompagne la réussite ; en même temps il est difficile de renoncer à cette ”couronne glorieuse” qui est chassée, poursuivie, même vénérée par le public. Ici, le collier devient une chaîne en acier qui nous confine dans la peur de la perte du triomphe.

Elle réfléchit toujours au sens de la vie, pense qu’être vivant est intrinsèquement lié à une souffrance. On ne va cependant pas voir l’hésitation, la confusion, la tristesse ou l’obscurité dans son travail. Au contraire, c’est la représentation objective qui raconte paisiblement des faits violents et effrayant.

Dans Virtue and Reward, l’artiste s’interroge sur les mêmes questions. Les pierres sont suspendues dans l’air. Elles flottent, s’ébranlent ou s’agitent, « comme l’état instable de vie ». La hauteur des pierres explique la difficulté d’accepter le risque du déclin après avoir atteint une certaine classe sociale.

La réflexion sur la structure, la contrainte sociale se poursuit. Lulu Meng ne tente pas de démolir ce château géant, mais réagit plutôt comme une sociologue. En le réfléchissant, l’analysant et le représentant, elle s’est mise dehors de ce système.

Threshold présente l’attente des autres dans la société avec des manches énormes qui constituent des formes humaine vides. Pour traverser la forme la plus petite, il faut se pencher, se modifier, même procédure que pour répondre aux attentes sociales. Nous pouvons quand même changer la forme des manches, même si elles reviennent à la forme originale. Comme la structure sociale évolue au fil de temps, il faut attendre longtemps pour voir un vrai changement.

Lulu Meng travaille surtout en Europe ou aux États-Unis et communique avec les gens en anglais. Singulièrement, elle écrit des lettres à l’envers. « Je ne peut pas lire ce que j’ai écrit sauf si je retourne le papier. Comme ça, je reste honnête quand j’écrit. » Le projet Understand/ Understood remet en cause cette habitude. En écrivant sur des papiers et en les mettant dans des cylindres avec de l’eau, les papiers finissent par se coller et s’empiler sur la table. Lulu Meng met en lumière la procédure de socialisation : quand nous accumulons du savoir, nous nous formons, nous sommes modelés par la société. Ce qui reste difficile à modifier sauf si nous arrivons à nous examiner et nous disséquer.

Understand/ Understood, 2014, DordtYart Art Center, Dordrecht, Pays-bas, Performance Vidéo

 

 

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