Entretien avec Clémentine Carsberg

Par Bertille Levent

Vos médiums principaux sont le papier peint et les boîtes en carton que vous utilisez in situ, en rapport avec l’architecture. Avez-vous ou avez-vous eu d’autres pratiques ?

Je n’utilise pas forcément des boîtes en carton dans toutes mes pièces. Par exemple dans Parquet flottant c’est un parquet monté en hauteur que j’ai réalisé en 2015 lors de ma résidence au 3bisf, un lieu d’arts contemporains dans les murs de l’hôpital psychiatrique Montperrin à Aix-en-Provence. Par contre, c’est vrai qu’il y a du papier peint en dessous, mais c’est pour créer un écho au mur de pièces d’intérieur en général. J’utilise beaucoup le carton pour faire des projets in situ d’intérieur parce que c’est un matériau pratique qui permet de créer du volume rapidement et à bas coût, que je peux ensuite recouvrir, faire disparaître avec du papier peint.


Parquet flottant 2015

Installation in situ
Bois, parquet, sabots, papier peint, luminaires, 310 x 630 x 110 cm
3 bis f — lieu d’arts contemporains Résidences — Centre d’art, Hôpital Montperrin, Aix-en-Provence
Photographies Jean-Christophe Lett

Pourquoi utiliser des matériaux modestes ou des objets domestiques comme dans les recouvrements ?

Le papier peint et le carton m’intéressaient pour les différentes notions auxquelles ils renvoient : cette fragilité qui emballe, qui protège, qui instaure un rapport avec la maison et l’intimité. Je les utilise aussi pour leur facilité d’utilisation et pour cette proximité qu’ils ont avec nous dans notre quotidien. Je suis moins habituée à avoir du bronze chez moi donc je n’ai pas forcément envie de travailler avec. Il y a un intérêt pour la production et son coût, mais c’est aussi une manière de s’approprier des objets qui nous entourent. C’est pour la même raison que je recouvrai des chaises ou des échelles par exemple, associé au fait que ce sont des objets qu’on ne voit plus par leur présence constante.

 

J’ai lu dans votre portfolio que vous visiez l’ironie, le sourire. Est-ce que c’est le cas pour tous vos projets ou l’aspect formel/esthétique prévaut parfois ?

C’est une finalité que j’aimerais avoir dans chaque pièce. Cet humour peut se trouver dans le titre, dans le cartel ou dans la description des matériaux… C’est un élément qui amène celui qui regarde à comprendre comment j’ai appréhendé mon travail.
L’utilisation du papier peint permet aux objets du quotidien de devenir réellement des caméléons physiques et non plus uniquement par leur oubli. J’avais envie de révéler à nouveau ces objets, en partie avec ce côté ironique qu’on peut lire dans les titres ou les cartels avec des mots assimilés à des matières ou des pièces, mais qui signifient aussi d’autres choses et ouvrent alors à plusieurs possibilités d’interprétations tout en apportant une légèreté.

 

Vous me parliez de la disparition, et par exemple dans Monuments d’archives 2015 (installation de tours en boîtes d’archives recouvertes de papier peint à l’intérieur) vous avez un rapport à l’architecture, à l’archéologie et à la ruine. L’absence ne deviendrait-elle pas le sujet de votre travail/pratique ?

Effectivement, ce n’est plus l’effet caméléon des recouvrements d’objets, mais c’est une manière différente de présenter ces thématiques. Monuments d’archives était l’aboutissement d’une idée que j’avais en tête depuis longtemps, que j’ai réalisée pour la première fois au 3 bis f et que j’ai recréée deux fois depuis dans d’autres lieux en m’adaptant à l’espace à chaque fois. La boîte d’archives représente un contenant qui renferme des choses importantes, à conserver pour la mémoire collective ou même pour une personne. Cette boîte en carton protège ce qu’elle contient, mais paradoxalement elle est très fragile. D’ailleurs, la première fois que j’ai réalisé cette pièce, une inondation a eu lieu dans l’espace d’exposition. Les boîtes se sont avachies, des fissures se sont créées sur certaines grandes tours qui ont pu sécher pendant les trois mois d’exposition. J’ai décidé de les garder parce que ça confirmait ce que j’avais envie de faire sans pouvoir l’imaginer.


Monuments d’archives
 2015

Installation in situ
Boîtes d’archives, papier peint, 470 x 640 x 415 cm
3 bis f — lieu d’arts contemporains Résidences — Centre d’art, Hôpital Montperrin, Aix-en-Provence
Réalisée avec le concours du Groupe Raja
Photographies Jean-Christophe Lett

Vous avez un attrait pour la disparition, le camouflage, que ce soit avec les recouvrements d’objets ou avec « l’objet boîte [qui] disparaît dans la silhouette » des Monuments d’archives. C’est un élément essentiel de votre travail. Avec Secrets de familles (superposition de couches de papier peint qui apparaissent par un déchirement) depuis 2011, vous travaillez également sur la mémoire et le souvenir. Est-ce que ce projet vise autant à raviver la mémoire collective qu’un souvenir personnel du spectateur ?

C’est quelque chose que je ne peux pas contrôler, le papier peint crée des souvenirs pour le spectateur qui le regarde s’il a vécu avec ce motif. Ça arrive parfois parce que j’utilise des motifs existants. Dans Secrets de familles, les couches sur couches de papier représentent les différentes vies du lieu, renvoient au premier habitant qui l’a posé, au second qui l’a recouvert… Il a une charge dans l’espace et, métaphoriquement, il peut parler à une personne comme à une communauté.


Secrets de famille (détails)
depuis 2011

Papiers peints, collages, découpages

Dans l’exposition « Secret de famille/les angles morts » à la fin d’une résidence à la Limonaia (Italie), vous rééditez le papier peint d’une pièce pour le transposer dans votre exposition, et vous jouez sur son collage pour décaler l’espace. Il y a également des angles exposés au sol pour donner l’impression que deux espaces se rencontrent. Pourquoi est-ce que vous cherchez à mélanger des espaces ou des époques ?

C’est toujours mon envie quand on me présente un lieu, j’ai toujours envie de comprendre ce qu’il y a pu avoir avant et ce qu’il pourra y avoir après. Ensuite, je veux le formuler, créer des formes qui peuvent évoquer ces histoires. Peut-être pour raviver un souvenir, mais aussi pour faire cohabiter tous les espaces en même temps, comme une forme d’aplatissement du temps et de l’espace.


« Secret de famille — les angles morts
 » 2014

Carton, papiers imprimés, installation in situ suite à une résidence de création
Casa Toesca – AreaCreativa42, Rivarolo, Italie

C’est un peu la même chose à Alger où vous mélangez des époques et des styles dans Pointes de vues 2015 ?

C’est la même démarche, comme un hommage au lieu. Le papier peint que j’ai utilisé en Italie était un papier provenant du grenier complètement désinvesti alors qu’il semblait avoir été une très belle pièce. En le ramenant dans l’espace d’exposition, je montre ce qui fait partie du lieu, je le mets de nouveau en lumière.
À Alger c’est similaire, c’est un musée d’art moderne et contemporain qui est construit dans les anciennes galeries Lafayette d’Algérie, un lieu très travaillé à l’époque avec des sculptures en stuc omniprésentes. Seulement, le musée crée des whites cubes pour exposer les œuvres, on me proposait un angle droit et blanc alors que le bâtiment était très impressionnant. J’ai donc pris des photos de détails qui transparaissaient — ce que le musée avait pu être avant — pour en reconstruire des blocs surgissant comme si l’édifice ancien reprenait le dessus, un peu comme la nature qui reprend ses droits dans des espaces urbains. La rencontre des deux époques, des deux styles, évoque ce qu’il y a derrière, ce qui est oublié et qui disparaît.


Pointes de vue
 2015

Carton, papiers imprimés, installation in situ, 100 x 500 x 600 cm
Musée d’Art Moderne d’Alger
Photographie B. Muntaner

La cheminée d’usine et les boîtes d’archives sont des éléments récurrents dans votre travail. Pourquoi  ?

La cheminée d’usine est une pièce de 2007 dont j’ai conservé la forme lorsque j’ai voulu travailler avec des boîtes d’archives. C’est un élément d’architecture qui me fascine et qui, en même temps, disparaît de nos environnements. Pour la cheminée d’usine à l’Estaque, il s’agissait d’une résidence où les grands peintres comme Cézanne y ont peint beaucoup de paysages, des paysages composés de cheminées d’usines. Aujourd’hui il n’en reste qu’une ou deux dans ce paysage de l’Estaque et j’avais envie de rendre hommage à ce passé en remettant, juste le temps d’une photo, une fausse cheminée. Mais l’idée est aussi que derrière cette cheminée, cette architecture et ce symbole, il y a des gens, des familles, des quartiers qui vivent. La brique rouge me fascine aussi pour l’architecture du monde du travail qu’elle représente. J’ai donc trouvé une corrélation avec la boîte d’archive qui, pour moi, symbolise la bureaucratie, l’univers de la paperasse. J’ai plutôt une affection pour cette boîte qui peut-être un rangement de papier ou de mémoire. Pour les archivistes, elle représente leur environnement de travail et pas forcément les archives de famille. Avec les tours en boîtes d’archives, l’idée de construire une architecture de l’usine, du monde du travail avec un élément appartenant au côté de la direction et de l’administration me plaisait beaucoup. Je voulais rassembler ces deux univers.


Cheminée d’usine
 2008

Installation in situ lors de la résidence Face à face
Bois, carton, papier peint
Écume, l’Estaque – Marseille

Côté tour 2008 (tour qui se fond dans l’architecture initiale) où « le quelque chose à voir apparaît » et les recouvrements d’objets par un motif montrent un intérêt pour le changement de statut des choses. Faire changer notre regard sur ce qui nous entoure, sur ce dont on ne fait plus attention, est finalement l’enjeu de votre pratique ?

Sûrement, mais je ne pense pas le faire de façon moralisante. Je le fais d’abord pour moi, ça m’aide beaucoup à regarder ce qui m’entoure différemment, j’aime bien me laisser prendre par ma myopie et jouer avec le trompe-l’oeil. Je m’amuse à le faire alors je le reproduis et je remarque que ça peut amuser d’autres personnes. On est beaucoup à avoir envie de regarder les choses autrement, mais je ne pense pas le faire dans le sens “regardez, ce n’est pas ce que vous croyez” comme si je montrais la vérité, c’est plutôt comme un jeu.


Côté tour
 2008

Installation in situ
Carton, papier peint
Maison Jean Vilar – Avignon

Avec La façade du devant, une pièce pour antérieur 2006 (devanture d’une galerie qui prend l’apparence de la façade mitoyenne), le passant est directement interrogé puisque la pièce se trouve dans la rue, elle crée une confusion, un amusement. Quelle était l’idée exacte de ce projet ?

C’était en 2006 à la galerie Où dirigée par Axelle Galtier. L’idée était de reproduire sur la galerie, la façade qui était à côté pour faire disparaître un lieu qui s’appelle « Où ». J’aimais aussi le fait d’utiliser du bois très fin recouvert de papier peint « faux crépis ». La structure est légèrement solide, mais ça reste du tasseau et du petit bois. Visuellement tout le monde se prenait à la tromperie, ça n’a même pas été pris pour un mur fictif avec des tags par exemple. C’était ce que je recherchais, faire changer l’espace sans prévoir ce qui allait se passer. Et finalement l’oeuvre devenait invisible.


La façade du devant
 2006

Bois médium, papier peint, carton, papier imprimé, lasure
Installation ; réplique de la façade mitoyenne de gauche sur la façade de la galerie
Où, lieu pour l’art actuel, Marseille

Avec Parquet flottant 2015 (parquet à mi-hauteur de la pièce) et Plancher flottant 2017 (parquet plongeant dans le sol), c’est la même volonté de renverser les sens ?

Ces projets représentent encore plus la rencontre entre deux espaces. J’imagine Parquet flottant comme un ascenseur arrêté au mauvais étage. En disposant un plancher au milieu de la surface habituelle je voulais sentir les changements qu’entraînait ce demi-étage, avec un espace au-dessus et un en dessous. Plancher Flottant à la Galerie HO était praticable, mais on ne pouvait pas marcher dessus, on glissait et il devenait un toboggan au-dessus et une cabane en dessous. On imagine que c’est un espace qui est venu s’imbriquer dans un autre, en diagonale, de manière peu banale.
Ces deux pièces signifient vraiment la rencontre de deux espaces distincts et concrets, plus physique que mes autres projets puisqu’on peut les tester, les mettre à l’échelle.


Plancher flottant
 2017

Installation in situ pour la galerie HO – Marseille
Bois, environ 4 x 4,50 x 1,20 m

Il y a toujours des limites, des frontières qui se chevauchent. Vous entretenez un rapport entre le privé et le public comme dans Ex-poto – colonnes d’intérieurs 2011.

C’est l’une des premières pièces que j’ai faite à l’extérieur. Dans un quartier de Toulouse, j’ai choisi d’investir cette grande allée de 23 colonnes en béton parce que je la trouvais bizarre. C’était imposant et ça n’avait pas d’utilité architecturale, si c’était une allée il y avait beaucoup trop de colonnes… Il y avait vraiment une volonté de mettre 23 colonnes de béton à cet endroit. J’avais envie de souligner cette particularité comme dans Tronc commun à l’espace GT de Marseille où deux colonnes noires étaient au milieu d’un espace blanc, j’ai donc ajouté dix autres colonnes noires pour ne parler que de ça.  


Ex poto – colonnes d’intérieur
 2011

Installation in situ, papiers peints

Les échelles (camouflage d’échelles recouvertes du même papier peint que le mur), 2006 – 2016, mélangent aussi les plans. Vous me disiez tout à l’heure que c’était pour attirer le regard sur ce qui a disparu, mais en même temps le recouvrement entraîne l’occultation. Il y a une ambivalence entre les deux, non ?

C’est ce qui m’intéressait, qu’on s’aperçoive qu’on ne les voit plus en les faisant disparaître. C’est toute l’ambiguïté des notions philosophiques de la disparition, de la discrétion, de l’humilité. Dès qu’on parle de ces notions, c’est déjà trop en parler pour ce qu’elles évoquent.


Échelle 1 – Jungle
 2006-2016

Bois, papier peint
Galerie Est-Ouest, Marseille

Pouvez-vous me parler de l’installation Des vestiges 2016 à Marseille ?

C’est une adaptation des Monuments d’archives dans un grand espace et à l’extérieur. J’ai ajusté les matériaux et l’échelle, par exemple je n’utilise pas de cartons, mais des briques rouges hors normes, un peu plus grandes que celles des maisons. Par contre j’ai mis du papier peint protégé à l’intérieur de ces dernières. Les briques sont agencées sur deux ou trois lignes de hauteur et elles forment des tracés circulaires au sol qui rappellent des traces de vestiges. Elles questionnent l’état du chantier, entre construction ou déconstruction, en train de disparaître ou non fini ?


Des Vestiges
 2016

Briques terre cuite, papier peint
Installation in situ 15 m x 15 m
Parc Maison Blanche dans le cadre de la 8e édition du festival des Arts Éphémères

Le thème de la construction/déconstruction est aussi employé dans les archéos-logis de 2017 ?

C’était une commande de la ville d’Aix-en-Provence pour un chantier archéologique toujours en cours. Il y a un mélange entre ce chantier de réhabilitation de la place dans le plan d’urbanisme et les archéologues qui fouillent. C’est une cohabitation de fouilles et de travaux, de matériaux de chantiers et d’archéologues.
Pour « animer » la place en travaux depuis trois ans, on m’a proposé de réaliser une pièce avec une thématique qui m’intéressait. L’idée était de travailler une ligne de matériaux en utilisant des éléments de chantier que j’avais agrémenté à l’intérieur de papier peint du Pavillon de Vendôme où j’avais une exposition au même moment. J’ai aussi imaginé des petites pâtes à sel que j’ai peint des mêmes couleurs, roses avec des lignes blanches pour continuer la ligne et les traces. Pour moi c’était une rencontre de l’objet recherché, la céramique, l’os, représentés par les petites pâtes à sel et les matériaux de chantier qui étaient surtout des tubes en référence à tout ce qui est sous terre à Aix-en-provence, y compris les tunnels et les passages souterrains.


Des archéo logis
 2017

Canalisations, dalots, regards, ovoïde, divers tuyaux pour assainissement en plastique, béton, résine, parpaings, pavés, dalles, cailloux, galets, papiers collés et pâtes à sel peintes
Environ 11 x 3 x 1,80 m
Installation sur, avec, dans, pour, les chantiers place Verdun à Aix-en-Provence
Produit par la Ville d’Aix-en-Provence dans le cadre du Printemps de l’Art contemporain à Aix-en-Provence

Vous faites aussi des collages/décollages de photos où les silhouettes humaines sont remplacées par un motif. Est-ce que vous donnez une signification particulière à la disparition de l’humain ?

Au début, pour ma recherche de formes dans l’espace, je faisais des maquettes ou des croquis. J’utilisais donc des photos d’intérieurs de magazines dans lesquelles j’intégrais des motifs pour voir ce que j’avais envie de faire. Je me suis mise à découper des silhouettes humaines, sûrement pour les enlever dès le début parce que c’est l’espace qui m’intéressait. C’est en glissant des papiers, des motifs dans ces vides que j’ai eu envie de garder ce type de recherche. Il me semble que, dans le fond, c’est le même propos que pour les mises en avant d’objets du quotidien par le recouvrement, je peux parler d’une personne à laquelle on ne fait plus attention à force de la côtoyer. De plus, ces petits collages étaient agréables à faire à table, en atelier, en parallèle de mes grandes installations qui demandent un investissement physique et temporel.


L’entrepreneur
 2012

Collage encadré

– Finalement le décor devient plus important que la silhouette ?

Oui, même en faisant disparaître la personne derrière un motif, qui n’est donc pas absente, on observe beaucoup plus ce qui l’entoure. Ça me permettait de voir la photo différemment, c’est ce qui me plaisait.

 

– Vous faites des Angles morts depuis 2013, qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi des angles ?

Au début c’était une manière de travailler l’aspect caméléon en atelier, j’avais envie de faire bouger les murs, de faire arriver des morceaux d’architecture dans ce petit espace. À l’échelle de l’atelier, les angles étaient le mieux adaptés, des coins d’immeubles ou de pièces arrivaient dans l’espace. J’ai travaillé cet élément sous plusieurs aspects qui parfois ressemblaient à une pixelisation. Je les fais disparaître dans le sol, j’utilise le motif de ce dernier ou du mur dessus pour créer un lien entre ce mur et cet angle. Ce sont des bouts d’ailleurs qui arrivent là.


Angle mort
 2014

Papier peint, carton

Pouvez-vous m’expliquer le concept de Les volumes 2014, livres objets ?

C’est un travail d’atelier que je réalise sur le modèle des livres carrousels, des livres pop up qu’on ouvre et qui ont plusieurs dimensions. Le pop up en général m’intéresse beaucoup, mais je ne maîtrise pas la technique, elle est très efficace dans la perspective puisqu’elle permet de voir plusieurs plans dans une même image. Le papier permettait de dire à peu près la même chose que dans Secrets de familles, mais au format d’un livre, je voulais développer l’idée sous une autre forme.


Volume B
 2014

Papiers, Papiers peints, cartons
17 x 14 cm

ArchiTricoture est une installation de tricot urbain réalisée avec une classe de collège. Le rapport avec l’architecture est toujours présent, mais le médium change. Est-ce uniquement une adaptation aux élèves ou aussi une envie personnelle ?

Ce n’est pas moi qui l’ai faite, j’ai accompagné un groupe d’élèves lors d’une invitation du FRAC pour parler d’architectures et leur faire imaginer un projet in situ dans leur collège. Le Yarn bombing permet de fabriquer le matériau, d’apprendre une technique et se situe entre l’artisanat et l’art contemporain, c’est intéressant pour des élèves.

 

Il y a un travail de répétition par le papier peint qu’on retrouve dans Collection de chouettes 2016-2017 où le motif du papier est reproduit dessus. Pourquoi ? Pourquoi cette répétition/ multiplication ?

C’était en 2017, au Pavillon de Vendôme où j’ai investi presque toute la surface. Quand on expose dans ce lieu, on choisit les meubles qu’on veut agencer dans l’espace et on peut utiliser certaines pièces de leur collection pour les faire dialoguer avec notre travail ou s’en inspirer. Il y a une légende du lieu qui raconte que le duc de Vendôme a commandé la construction, l’a imaginée pour accueillir son amante cachée pour des raisons politiques qui les empêchaient de se marier. Cette histoire est racontée lors de visites guidées, le rez-de-chaussée était autrefois un passage à carrosse pour accueillir la calèche de Madame. Ils étaient surnommés le grand-duc et la chouette parce qu’ils ne se rencontraient que la nuit en secret comme des oiseaux mystérieux. J’avais donc envie de travailler cette figure de la chouette et du hibou.
Je voulais créer une collection de bibelots pour ce meuble, pour cette maison. Je me suis inspirée de cette légende pour faire de la chouette mon bibelot. J’avais envie de travailler avec de la céramique, il se trouvait que l’exposition suivante présentait le travail d’une famille de céramistes sur trois générations, les Buffile, qui m’ont aidée et m’ont permis de réaliser une quarantaine d’exemplaires de chouettes. Sur ces dernières j’ai reproduit le motif du mur, ça me semblait évident, un peu comme le recouvrement des chaises et des échelles. Je peins de plus en plus sur les objets plutôt que de les recouvrir de papier, c’est mon travail d’atelier en ce moment, je peins des choses sur du papier peint.


Collections de chouettes
 2016/2017

60 éléments
37 bustes de chouettes en céramique, environ 13 x 13 x 14 cm
Réalisées grâce à l’accueil et l’accompagnement de l’Atelier Buffile à Aix-en-Provence
et 23 chouettes peintes, bibelots (matériaux divers) de 2 x 2 x 2 cm à 15 x 15 x 15 cm
Photographies Jean Bernard

Pièces à conviction, des fruits tombés 2017 (formes ajoutées à une panière de fruits existante) qui étaient au sein du même lieu, est une forme un peu différente de votre démarche artistique. Pourquoi cet écart ?

Parce que le Pavillon me le permettait. Tout un espace était consacré à mon travail, je pouvais à la fois faire une partie plus traditionnelle de mon travail, par exemple les chouettes, même si la céramique était nouvelle pour moi, les collages de transformation d’architectures… et à la fois j’avais des espaces de liberté où j’observais des choses comme ces panières. J’avais envie de les faire bouger, croître parce que l’escalier où elles se situent a été transformé, mais il reste une main dans une gerbe de fruits et de fleurs. Elle témoigne du mouvement du bâtiment, du mouvement de l’architecture, de l’usage du lieu. Le fait de faire tomber des pétales et des fruits dans l’escalier proposait de continuer la croissance des éléments.
Ce n’est pas tant lié à ma pratique, mais ce sont comme des flashs. Il y a un autre projet où j’ai ajouté des vers en caoutchouc (des leurres de pêches) dans le bec des oiseaux du motif du papier peint d’une pièce. C’était une envie en les voyant. C’est excentrique pour moi d’avoir fait ça, mais le fait que ce soit des espaces du Pavillon me le permettait.


Pièces à conviction, des fruits tombés
 2017

85 formes en pâte à sel (environ 4 kilos) de 2 x 2 x 2 cm à 10 x 10 x 7 cm
Photographie Jean Bernard

Chapeaux chinois 2015 est une vidéo, la seule que j’ai pu observer. Est-ce que c’est une performance ou une installation filmée ? Pourquoi celle-ci ?

Pour moi c’est une installation filmée, et pour la cinéaste, Françoise Alquier, je crois que c’est une performance. Elle était dans une démarche de travailler avec des artistes et m’a donc proposé de faire cette communion, tout en appuyant le projet sur mon travail.

À ce moment-là, j’étais en pleine préparation de l’exposition au 3bisf où j’avais repéré le dos de la blanchisserie, abandonné avec des colonnes aux teintes de jaune. J’ai eu envie de faire ce que je faisais dans les collages Paysages de saison, faire disparaître et évoluer des éléments d’une image pour retrouver une ligne d’horizon, mais cette fois sur un élément d’architecture avec du papier en faux crépis ou avec des teintes anciennes pour recréer des choses.  


Paysages de saison
 
2015

Papier contrecollé sur dibond, 91 x 68 x 5 cm
Réalisés dans le cadre d’une résidence de recherche et de création au 3 bis f – lieu d’arts contemporains Résidences – Centre d’art, Hôpital Montperrin, Aix-en-Provence
Photographie Jean-Christophe Lett

– Quels sont vos projets ?

J’ai une semaine de résidence au théâtre “Le forum” de Fréjus prévue en avril et une autre semaine en octobre. C’était un appel à résidence pour imaginer une pièce en lien avec l’architecture du lieu, une architecture de Wilmotte, et leur programmation. J’ai eu envie de répondre à cet appel parce qu’au 3bisf, où j’ai passé une année en résidence dans un atelier et les trois derniers mois en exposition, j’ai créé des pièces pour l’architecture du lieu et pour le sens qu’il avait pour moi. J’y ai aussi commencé les Paysages de saison en utilisant d’anciennes affiches de saison du lieu dans lesquelles il y avait des paysages que j’ai pu retravailler en terme de surface et de volume. C’était faire d’un matériau du centre, cette affiche de communication qui a un sens utile de diffusion d’art, un matériau d’oeuvre. C’est ce que j’entendais dans l’appel à projet du théâtre “Le forum”, je me disais qu’il y avait des choses à faire avec les matériaux du lieu, son architecture et sa programmation.
Il y aura aussi une exposition collective à la maison abandonnée à Nice fin septembre, c’est un lieu incroyable un peu à l’abandon, mais utilisé pour des expositions, ça va être un terrain de jeu pour faire une oeuvre in situ.
Et puis, j’ai toujours ces envies de travailler sur le thème des vestiges, de l’archéologie, et à la fois sur la géologie, quelque chose qui sort de la terre, des strates, des couches, ce qui est lié dans le temps ancien. Je n’ai pas encore creusé formellement cet aspect, mais ça continue de me travailler. Il y a aussi des techniques que j’ai envie d’inclure dans mon travail comme des formes de « vanneries », ou pourquoi pas réutiliser la céramique.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.