Sur le passage de quelques individus à travers une assez courte unité de temps

Je rentre dans l’exposition « Carte Blanche à Tino Sehgal » au Palais de Tokyo, descends les escaliers et me retrouve dans une sorte d’entrepôt gigantesque. Rien…c’est ce qui me frappe dès le premier coup d’œil, il n’y avait absolument rien d’exposé. Je m’avance et me rends compte très vite que tout le monde se parle, je fais de même et passe de conversation en conversation. L’une portait sur une petite anecdote racontée par une femme. Une fois l’histoire terminée, la femme en question s’en va sans de raisons valables si ce n’est le devoir car, une par une, différentes personnes se dirigent peu à peu dans une autre partie de l’espace. J’ai compris  à ce moment-là qu’il s’agissait « d’acteurs ».

Je poursuis ma route et me retrouve dans une salle entièrement noire remplie de bruits, de chants et de pas de danse. L’angoisse me prend petit à petit mais je décide tout de même de plonger dans l’inconnu. Je me laisse bercer par quelques fredonnements qui me rappellent vaguement Madonna et me surprends à danser, à suivre ce flux dans une obscurité décomplexé. Je me retrouve ensuite dans un espace où sont disposés 4 comédiens aux quatre coins de la salle. Ils restent stoïques, droits comme des i et répètent inlassablement la même phrase, sentence que je ne saurais traduire correctement; cela ressemblait vaguement à ça : « the objective is to create an object of discussion ». Je compris  alors que cette performance appelait une réaction de la part des spectateurs, ce que je fis en parlant successivement à deux comédiens rigides et immobiles. Je suis ensuite dans un large espace blanc, plusieurs personnes me guident l’une après l’autre. Nous échangeons une discussion sur le progrès. Tout juste après, une jeune fille parle devant plusieurs spectateurs venus la regarder, je me trouve maintenant dans une salle vide où deux jeunes enfants parlent ensemble. Moi et les autres spectateurs, nous les regardons sans trop intervenir. Une heure, puis deux, puis quatre heures. Cela fait quatre heures que je suis dans l’exposition. Je repasse dans les mêmes salles, vois quelques visages différents mais les performances ne changent pas et les scénarios se répètent, encore.

Je décide de refaire les salles qui m’ont plu, je parle avec les acteurs, j’en viens même à parler avec la star de l’exposition : Tino Seghal. Après ma brève interaction avec l’artiste, je dérive, créer mes propres connexions et m’ennuie des mouvements que l’on m’imposait tout au long de l’exposition. En passant  dans les mêmes salles, je vois des flux prédéterminés, chose que je ne voyais pas. Car m’étant habitué et connaissant les performances, je savais à quoi m’attendre, je voyais les mouvements qu’elles engageaient. Je ne veux plus suivre ces coulées, je m’en vais, enfin…Au final,  après avoir été acteur je suis redevenu spectateur. J’assistais à un théâtre de situations et je connaissais ses mécanismes. Je voyais quelques visages que j’avais déjà vus, moi qui avais parlé à quelques-uns de ces acteurs, je savais qu’ils feraient mécaniquement la même chose avec d’autres gens. Je ne faisais que passer…

CYRILLE Chris

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