British Art Show 8

Le 9 octobre 2015, le coup d’envoi de la « British Art Show » a été donné dans la ville de Leeds. Événement majeur et singulier dans la sphère culturelle et surtout artistique, cette exposition réunit un panel de 42 jeunes artistes anglais, dont le travail s’est singulièrement imposé ces cinq dernières années sur la scène artistique anglaise et parfois internationale.

Les deux commissaires de cette exposition, Anna Colin et Lydia Yee, par le choix des différentes œuvres et pièces, nous proposent un parcours enrichissant entre vidéos, installations, sculptures, dessins et performances.

La préoccupation principale de cette exposition s’articule autour de la question du rôle changeant et du statut de l’objet physique dans une époque de plus en plus numérique. En réponse à cette condition, les artistes ont pu développer de nouvelles visions, approches et matérialités. Pendant que certains revisitent l’habilité d’un savoir-faire traditionnel ou font usage de techniques industrielles ; d’autres utilisent des « données » comme point de départ à leurs travaux, ou investissent encore les conditions matérielles de notre existence digitale.

36 des artistes ont ainsi créé de nouveaux travaux spécialement pour l’exposition, faisant de cette « British Art Show » une des plus ambitieuses qui soient. En plus de  l’exposition principale visible à la Leeds Art Gallery, de nombreux événements, rencontres et festivités sont programmés en parallèle de cette dernière.

La Leeds Art Gallery a donc choisi de consacrer l’intégralité de son espace à l’exposition, offrant une scénographie sur trois étages des différentes œuvres. Les productions plastiques peuvent ainsi être appréciées chacune dans son intégralité, sans déborder sur les autres. On appréciera également la divergence des parcours possibles au sein même de l’exposition. De ce fait, une impression de déambulation entre différents univers, atmosphères et points de vue se fait ressentir. La progression est diffuse et l’exposition n’a pas pour finalité un point de chute particulier. Pourtant, même si l’exposition dans son ensemble fait singulièrement ressortir la pluralité et l’hétérogénéité des pratiques plastiques présentés, certaines œuvres nous séduisent plus que d’autres.

L’occasion précisément de nous focaliser sur quelques-unes des œuvres les plus intéressantes de l’exposition et sur des artistes en devenir où déjà reconnus.

Rachel Maclean, artiste écossaise utilise le médium vidéo de manière quasi cinématographique dans l’œuvre Feed me, un « court-métrage », réalisé en 2015. À la fois scénariste, réalisatrice et actrice de ce film, l’artiste incarne pratiquement tous les personnages d’un monde fictif, saturé et haut en couleur. L’œuvre est un conte de fées nocif, un T.V show effrayant et dégoulinant d’une ambiguïté malsaine, déguisée en sucre d’orge.

'Feed Me', Rachel Maclean (2015). Courtesy de l'artiste et FVU

‘Feed Me’, Rachel Maclean (2015). Courtesy de l’artiste et FVU.

« I luv you » (I love you) … « I heart you » (J’entends ton cœur), hurle-t-elle d’une voix aiguë à quelques créatures décrépies. Progressivement, les bonbons nous collent aux dents, nous empêchant de parler et d’articuler le moindre commentaire face au spectacle qui se déroule devant nos yeux, tant celui-ci devient acidulé.

En définitive, ne serait-ce pas plutôt l’artiste qui nourrit le spectateur de cynisme, consommateur et contaminé contre sa propre volonté d’un drôle de jeu?

'Feed Me' by Rachel Maclean (2015). Courtesy the artist and FVU

‘Feed Me’ by Rachel Maclean (2015). Courtesy the artist and FVU

 

Feed me se résume alors comme la satire inoubliable d’une commercialisation et d’une consumérisation de l’enfance, dont les effrayantes et perçantes anecdotes sexuelles se consomment comme des dragibus. Quoi qu’il en soit, il est véritablement difficile de ne pas être totalement aspiré dans l’univers de Rachel Maclean et d’en ressortir indemne.

 

Après Rachel Maclean, il est également intéressant de s’approcher de plus près du travail vidéo de l’artiste Mikhail Karikos. Cet artiste utilise la vidéo comme un moyen de « contenir, capturer, documenter, et explorer » la culture auditive. Son intérêt principal réside dans une sorte de »non-sens anarchique du son » ; là où les sifflements, les cris et les soupirs sont au-delà des règles de communications verbales ordinaires.

Dans l’oeuvre Children of Unquiet, Mikhail Karikos explore l’histoire sociopolitique et industrielle de Larderello, en Italie, l’une des premières villes station géothermale du monde. Toutefois, le développement technologique des usines à la fin des années 1970 eut comme conséquence l’abandon des maisons et du village par un nombre important d’ouvriers de la station.

'Children of Unquiet', Mikhail Karikos (2013-2014), courtesy de l'artiste.

‘Children of Unquiet’, Mikhail Karikos (2013-2014), courtesy de l’artiste.

Pourtant, quelques habitants demeurent encore dans cet endroit et ici, ce sont les enfants qui vont réanimer l’un de ces villages silencieux, en jouant et recréant du bruit tel que le sifflement des geysers, le hurlement des conduites de l’usine ou encore le son des paysages volcaniques dans lesquels ils ont grandi.

'Children of Unquiet', Mikhail Karikos (2013-2014), courtesy de l'artiste.

‘Children of Unquiet’, Mikhail Karikos (2013-2014), courtesy de l’artiste.

 

Le film de Mikhail Karikos nous laisse entrevoir un monde à la fois fragile et vigoureux, à la fois délicat et difficile, tout comme peuvent l’être la voix et le chant de ces enfants. Ici, la centrale peut être vue et personnifiée comme un monstre, une entité sortit des entrailles de la Terre afin d’affronter l’innocente sonorité de l’enfance. La voix humaine est un matériau à part entière, et comme pour l’œuvre Sounds from Beneath, présentée durant l’exposition « Inside », au Palais de Tokyo, l’importance de celle-ci porte sur la construction des récits et sur le paysage comme lieu de mémoire et d’histoire.

 

 

 

La British Art Show 8 est donc définitivement une exposition à voir pour ce qu’elle invoque et provoque dans la sphère artistique contemporaine en Angleterre. L’occasion également de découvrir ou de redécouvrir la création anglaise sur son propre sol.

 

 

British Art Show 8

Leeds Art Gallery

9 October 2015 – 10 January 2016

Marcy PETIT

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