Mel Ziegler : « Les bâtons et les pierres peuvent briser mes os, mais les mots ne me blesseront jamais. »

La galerie Perrotin nous ouvre ses portes, du 18 au 30 mai 2015, pour la première exposition personnelle de Mel Ziegler en France « Sticks and Stones May Break My Bones ». Cet artiste américain a collaboré durant presque vingt ans aux côtés de l’artiste Kate Ericson. La galerie consacre une partie de l’exposition à cette collaboration. La démarche artistique qui nous est dévoilée est proche de l’art conceptuel et du Land Art. Après le décès de Kate en 1995, Mel Ziegler a continué de concevoir des œuvres attachées aux préoccupations développées lors de leur collaboration significative : du social, de l’intervention, en ajoutant des touches d’humour.

Dans la première salle de la galerie, nous faisons face à Rock Hard Individualism, 2010. Il s’agit de la carte des États-Unis réalisée avec des pierres plutôt originales qui représentent des visages. Les États-Unis nous regardent. Toujours dans cette même pièce, sur un autre mur, sont entreposées une série d’armes à feu portant chacune une couleur différente. En y regardant de plus près, il s’agit d’objets bricolés en carton, papier et scotch. Des fausses armes, oui, mais pourquoi ? Selon les explications fournies par la galerie, ces armes ont été conçues par les enfants de l’artiste qui refusait alors de leur acheter des armes factices pour des raisons morales.

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Rock Hard Individualism, 2010

À la fois porteur d’un héritage américain complexe, entre résidus de colonialisme et montée progressive de la violence, l’artiste nous dévoile une vision ultra-pessimiste de la société américaine. De multiples pierres retraçant la carte des États-Unis, des armes en couleurs (et carton), des morceaux de bois déposés dans des malles, des photographies de soldat récoltant de l’air ; poésie et violence, telle est l’exposition dédiée à Mel Ziegler.

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Sans titre / Untitled, 2009-2013

L’utilisation et la vente d’armes sont dénoncées à de multiples reprises. Les jouets à l’image des fusils américains nous racontent la facilité à se procurer une arme. Les quelques bâtons dans la caisse à fusils familiale sont aussi une image devenue banale de l’arme que l’on cache, pour se défendre. C’est un pays qui se défend ou qui n’a pas peur d’attaquer. Les États-Unis forment une nation impérialiste. L’artiste joue avec le pouvoir du pays et sa fragilité.

Cependant, outre les belles tentatives de transmettre un héritage qui lui est propre, il n’est question de rien de bien nouveau. Au-delà du symbole, de l’image comme puissance évocatrice, il se cache une problématique plus profonde pour l’artiste ; comment renouveler pour ne pas redire ? Comment parler d’une société à travers des expériences personnelles ? L’héritage en art n’est pas une mince affaire. Il s’agit pour l’artiste de faire avec tout ce qui a été avant lui, en conscience de ce qui n’est plus, en lui et autour de lui. Mel Ziegler semble être passé à côté du spectateur : le vécu n’est pas transmissible.

Dans la dernière salle de l’exposition, nous nous retrouvons devant une série de photographies très esthétiques, intitulées An American Conversation, 2013, prises lors d’un voyage. Une beauté de lumière, de champs, d’images.

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An American Conversation, 2013

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An American Conversation, 2013

Dans cet univers américain, familial, sociétal, contextuel, et peut-être parfois fictionnel, l’exposition nous dévoile les préoccupations de l’artiste à travers un art très conceptuel, dont la compréhension est guidée par les cartels. Ce qui fait le bonheur des curieux. Car qui dit concept dit « représentation mentale abstraite d’un objet, d’une idée conçue par l’esprit ». Étant loin de celui de Mel Ziegler, ses oeuvres sont souvent difficilement accessibles et interprétables. Quelle place est alors laissée à l’esprit du spectateur ?

Par Janice Szczypawka

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