« Sur les murs » du Crédit municipal de la Ville de Paris

En s’avançant dans la cour du Crédit municipal de la Ville de Paris, l’exposition « Sur les murs, 50 ans d’art urbain » s’offre au visiteur qui flânerait dans les rues du quatrième arrondissement jusqu’au 13 juin 2015.

L’exposition nous dévoile alors un panel d’artistes « street art » français de 1960 à nos jours. Grâce à une avancée chronologique, le visiteur peut découvrir l’évolution de cette pratique artistique à travers les différentes techniques selon chaque œuvre.

Très peu de textes explicatifs viennent parasiter la déambulation, ce qui permet réellement d’apprécier les créations présentées pour ce qu’elles sont. En ce qui concerne l’importance de l’aspect historique ou informatif, tout se fait naturellement par le simple procédé de comparaison avant/après. La scénographie est alors, pour une fois, soulagée de ce poids, ce qui rend la visite d’autant plus agréable.

« Sur les murs » invite à redécouvrir le patrimoine urbain et à comprendre pourquoi il existe. L’exposition rend donc compte du lien intrinsèque que le street art entretient avec les moments sombres de l’histoire. Tout commence notamment par les compositions lacérées de Jacques Villeglé ainsi que les silhouettes  rouges, noires et blanches de Gérard Zlotykamien rappelant l’horreur des guerres, entre Auschwitz et Hiroshima. Tous deux montrent une violence, abstraite pour l’un, identifiable pour l’autre, et témoignent d’un certain penchant de l’humanité.

Pour autant, le street art n’est pas toujours critique et virulent. Il se doit en effet d’être poignant, d’attirer l’œil, comme le font les pochoirs de Miss. Tic, mais relèvent également d’une esthétique, d’une culture de la rue. Ainsi, des artistes cultes rendent parfois simplement compte de la vie de tous les jours, ou embellissent notre quotidien, de façon poétique, parfois, à la Jérôme Mesnager.

J'enfile l'art mur - Miss. Tic, 1986, encre aérosol sur toile de bois. Crédits photographiques : http://florentnicolas.fr/miss-tic/

J’enfile l’art mur – Miss. Tic, 1986, encre aérosol sur toile de bois.
Crédits photographiques : http://florentnicolas.fr/miss-tic/

L’exposition est donc parsemée d’artistes cultes qui s’enchaînent et dont nous pouvons apercevoir le travail en marchant dans les rues de Paris tel que Space Invader. La capitale est en effet un lieu privilégié d’art urbain, l’accrochage rend en quelque sorte hommage à l’ambiance d’une ville et souligne le fait que le street art n’est désormais plus une sous-culture, mais fait partie de la culture collective.

Les dispositifs mis en place étaient divers afin de rendre totalement compte de la pratique. Ainsi, une vidéo bouclait sur des performances de graffeurs in situ réalisées par plusieurs collectifs. Ce média permettait de mettre en évidence que le graffiti est une performance en soi, un acte artistique. Bien que dans le cas des vidéos l’action est autorisée, elle nous rappelle aussi que l’usage de la bombe aérosol est interdit sur les murs de la voie publique et que la réalisation de ces œuvres est une prise de risque pour ses auteurs.

À la fin de la visite, un espace interactif est installé où le spectateur devient acteur et est invité à prendre un Posca, outil favori des taggeurs, et à poser son « blaze ». Bien évidemment, dans un cadre bien délimité. Ce procédé relève plutôt de l’anecdote et est bon enfant, mais fonctionne pour les visiteurs qui se prennent facilement au jeu. De plus, il pose la question de la signature. Il est intéressant de noter que les noms des street artistes sont souvent très connus du grand public, mais que leurs œuvres restent la propriété de tous. Quel est l’intérêt de signer alors ? Le fait même de signer fait de ces créations des œuvres d’art ; « Sur les murs » affirme une nouvelle fois que ce statut est légitime pour l’art de rue.

Cependant, l’exposition n’a pas mis l’accent sur le vandalisme, pourtant lié à cette pratique artistique. Le parti pris était alors d’axer réellement sur l’esthétisme de l’art urbain et non pas de rappeler qu’il était toujours interdit en France sans autorisation. Le but n’est alors pas de réduire cet art sur ce point, qui est finalement une histoire de point de vue différent selon les regards. Seulement, pour réaliser une vraie chronologie et rendre hommage à cet art, peut-être aurait-il fallu rappeler que des artistes comme Boris ayant bombé dans Paris sont encore en prison pour ces faits.

Hélène Mondet.

"Go home Boris you are drunk" - Boris Crédits photographiques : The Grifters

« Go home Boris U are drunk » – Boris
Crédits photographiques : The Grifters

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