« Sticks and Stones May Break My Bones »

L’exposition « Sticks and Stones May Break My Bones » [1] présentée à la Galerie Perrotin à Paris entre le 18 avril et le 30 mai 2015, est la première exposition personnelle consacrée à l’artiste américain Mel Ziegler en France. L’exposition rassemble une sélection d’œuvres récentes de l’artiste ainsi que des travaux réalisés en collaboration avec Kate Ericson. Avec cette dernière, Ziegler a collaboré depuis la fin des années 70 jusqu’à son décès prématuré en 1995. Le couple d’artistes développait une démarche artistique proche de l’art conceptuel et du Land art. À travers les États-Unis, ils réalisaient des interventions impliquant directement les habitants et empruntaient les iconographies locales et nationales américaines. Leurs œuvres, souvent sculpturales, sont les fruits de ces interventions.

Après le décès de Kate Ericson, Mel Ziegler poursuit son travail artistique, en restant attaché aux préoccupations et aux stratégies établies lors de leur collaboration. Avec le temps, il s’en est néanmoins légèrement détaché et une pointe d’humour et une dose de hasard apparaissent alors dans ses œuvres [2]. Ceci est en partie dû au fait que ses anciennes œuvres étaient basées sur des recherches approfondies, alors qu’aujourd’hui il intègre souvent sa famille dans sa pratique artistique ce qui ajoute une touche de hasard. Bien qu’il arrive à démarquer sa pratique contemporaine de son travail en duo, les influences de Kate Ericson restent visibles.

Mel Ziegler, Rock Hard Individualism, 2010, roches, aluminium, 84 x 166 x 12 cm © Mel Ziegler et Galerie Perrotin

Mel Ziegler, Rock Hard Individualism, 2010, roches, aluminium, 84 x 166 x 12 cm © Mel Ziegler et Galerie Perrotin

Un très bon exemple de l’évolution du travail de Mel Ziegler est l’œuvre Rock Hard Individualism (2010). Cette dernière est un assemblage de pierres trouvées par Ziegler et sa famille qui, assemblées, représentent la carte des États-Unis. En s’approchant, nous pouvons deviner que chaque pierre est décorée d’un visage, ayant chacun une expression différente. Pour Mel Ziegler, l’œuvre exprime l’idée qu’aux États-Unis chacun ne pense qu’à soi et s’oppose à l’idée que tout ce que nous faisons influence d’une manière ou d’une autre d’autres personnes. Nous y trouvons alors l’individualisme de chaque pierre, mais en les assemblant une communauté de visage se crée. C’est le va-et-vient constant entre l’individualisme et la communauté.

Vue de l’exposition « Sticks and Stones May Break My Bones » à la Galerie Perrotin, Paris, 2015 © Galerie Perrotin

Vue de l’exposition « Sticks and Stones May Break My Bones » à la Galerie Perrotin, Paris, 2015 © Galerie Perrotin

Une autre œuvre créée avec la participation de sa famille est installée à proximité, Untitled (2009-2013). Sur un mur sont agencées des dizaines d’armes à feu aux couleurs vives. Elles ont été fabriquées avec du papier cartonné, du papier aluminium et du scotch par les enfants de l’artiste, car celui-ci avait refusé de leur en acheter pour des raisons morales.

Mel Ziegler, Untitled, 2015, bois, métal, verre, paille, 302 x 110 x 47 cm © Mel Ziegler et Galerie Perrotin

Mel Ziegler, Untitled, 2015, bois, métal, verre, paille, 302 x 110 x 47 cm © Mel Ziegler et Galerie Perrotin

La Galerie Perrotin présente aussi deux variations de la série Stuffed, un projet réalisé en 2001 par Ziegler à Vienne, dans le cadre du festival « Secession ». Pour ce dernier, l’artiste a récupéré une cinquantaine de vitrines venant de différents musées. Puis il les a remplies de paille et disséminées dans toute la ville. De cette manière, il cherchait à détourner l‘attention de l’observateur des objets normalement exposés à l’intérieur de la vitrine pour s’intéresser à la vitrine elle-même. Dans ce cas, cette dernière devient l’expôt et nous questionne sur le rôle qu’elle joue dans la création d’une « aura d’exposition ». Dans la Galerie Perrotin sont exposées une armoire à fusils d’époque et une horloge française, toutes les deux remplies de paille.

Kate Ericson & Mel Ziegler, Give and Take, 1986, bois, métal, résine polyuréthane, 150 x 372 x 14 cm © Kate Ericson, Mel Ziegler et Galerie Perrotin

Kate Ericson & Mel Ziegler, Give and Take, 1986, bois, métal, résine polyuréthane, 150 x 372 x 14 cm © Kate Ericson, Mel Ziegler et Galerie Perrotin

Parmi les œuvres réalisées par le duo de Kate Ericson et Mel Ziegler, le visiteur trouve Give and Take (1986). Cette installation est composée de douze outils de jardinage cassés et collectés en 1986 auprès des services d’entretien de Central Park. Les outils ont ensuite été vernis et exposés au mur comme des œuvres d’art. Initialement, ils étaient vendus individuellement et une partie des bénéfices était reversée à Central Park pour acquérir des nouveaux outils. Aujourd’hui, cette œuvre est un ensemble inséparable. Une partie du bénéfice fera cependant toujours l’objet d’une donation à Central Park.

Vue de l’exposition « Sticks and Stones May Break My Bones » à la Galerie Perrotin, Paris, 2015 © Galerie Perrotin

Vue de l’exposition « Sticks and Stones May Break My Bones » à la Galerie Perrotin, Paris, 2015 © Galerie Perrotin

Enfin, l’exposition présente plusieurs photographies de la série An American Conversation (2013), le résultat d’un voyage de l’artiste dans la campagne du Midwest des États-Unis qui a été frappée d’une vague de sécheresse en 2012. Équipé de projecteurs, Mel Ziegler capture la beauté souvent singulière et changeante des champs pendant la nuit.

Même si le visiteur pourrait avoir l’impression que l’exposition « Sticks and Stones May Break My Bones » à la Galerie Perrotin, ne présente que des œuvres faites de bric, de broc et de pierres, il ne peut pas nier l’esprit critique derrière ces dernières. Le duo de Kate Ericson et de Mel Ziegler était rapidement devenu célèbre pour ses projets, exprimant une forte identité américaine et souvent communautaire. De nos jours, Ziegler ne cesse de questionner l’Amérique contemporaine et de nous toucher en partageant à travers ses œuvres ses observations du monde actuel.

Lisa Tietze

Plus d’informations sur le site de la Galerie Perrotin

[1]Le titre est issu d’une comptine américaine populaire « Sticks and stones may break my bones, but words will never hurt me ».

[2]Livret de l’exposition « Sticks and Stones May Break My Bones » à la Galerie Perrotin, avril 2015, p.1

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