« Travelling natures » Collectif DING

 

 Collectif Ding, Trois fois le rêve de Cebolang, boucle vidéo de 16’30, 2013.

Le ton est donné lors de l’inauguration de Travelling natures, projet du collectif DING présenté au Bel Ordinaire du 21 janvier au 28 mars à Pau et dont Lyn Nekorimate clôt le discours par une information importante : le 20 janvier 2015, soir du vernissage, est jour de nouvelle lune. Le membre féminin du duo a l’amabilité de nous indiquer que la nuit sera particulièrement noire et qu’il serait préférable d’être en possession de toutes nos facultés après avoir quitté les lieux. Une déclaration qui désamorce le protocole et qui propose avec bienveillance de se projeter dans un état d’esprit propice à la visite de cette exposition et de le maintenir après le retour à la « vraie vie ».

 Collectif Ding, Les mariés aux pieds nus, 2013. Photographie, tirage numérique contrecollé sur porte en aggloméré.

Le collectif DING se présente comme un laboratoire nomade que l’on découvre comme étant proche de plateformes expérimentales d’art numérique apparues dans les années quatre-vingt-dix, mêlant pratiques multimédias et interactivité. Développant leurs recherches dans le cadre de résidences, notamment en Indonésie mais aussi en France, le duo est partisan du travail collectif et des imprévus qu’il induit. Ainsi, leurs investigations sont nourries de rencontres humaines ou littéraires, susceptibles de modeler leurs projets : apports de spécialistes des nouvelles technologies, écrits philosophiques, contes et textes sacrés.

 Collectif DING, Agora, 2012-2014. Installation : quatre vidéos (Stones are speaking, 35′; Water is telling, 35′; Concrete is murmuring, 45′; Trees are whispering, 40′), tablettes numériques, casques audio, mobilier de bois, dimensions variables / Vue de l’exposition « Travelling natures ».

Le projet se présente alors comme un état des lieux d’une recherche multiforme, montré simultanément sous la forme d’un travail ouvert proposé « en l’état » et d’une œuvre d’art totale, visant principalement à dégager ce qu’il ressort des relations tissées entre l’expérience individuelle et les histoires collectives. Le récit de rêve, les mythes et légendes, la transmission orale ou bien l’imaginaire véhiculé par le culte, constituent une ligne directrice dessinant un parcours libre tracé par le biais d’une scénographie envoûtante menée par le son, personnage principal et guide des lieux. Mais si, plongée dans l’obscurité et faiblement éclairée par le dispositif de black-lights et les projections, l’exposition arbore les traits d’un chemin de rêves parsemé de références trouvant leur origine dans de nombreux rites ancestraux, un contraste apparaît cependant avec une forme d’objectivité documentaire faisant parfois écho à la méthodologie de certaines disciplines des sciences-humaines et sociales. L’objection pressentie viserait à se demander si les représentations qui en découlent sont à donner à voir sur le même plan que les éléments plastiques et fictionnels développés, au risque d’aboutir à un format de compte-rendu de résidence pour un travail qui pourrait se dispenser de commentaire ; ou bien inversement, de produire des objets quand c’est le work in progress ou le nomadisme qui semblent mis en avant.

Collectif DING, Aïkido Hikari, 2015. Sculpture tube luminescent, tirage numérique contrecollé sur la cimaise, dimensions variables / Vue de l’exposition « Travelling natures ».

Une manière de résoudre cette difficulté serait justement d’apprécier la dimension à la fois méditative et expérientielle qui est à envisager tel un processus, un cheminement dans leur démarche, cette dernière étant visiblement à l’orée d’une synthèse enthousiasmante. Le duo dresse visiblement le portrait de l’artiste cherchant à mesure que sa maturité artistique et personnelle se met en place ; très intéressé par la manière dont les traditions anciennes, notamment les spiritualités orientales ou indigènes et leur symbolique, loin d’être une affaire d’illuminés, constituent les fondements invisibles de notre culture et fournissent des clés pour en comprendre les fonctionnements.

Sophie Rusniok

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.