Latifa Echakhch, La tête dans les nuages

 

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 Vue de l’exposition  « Latifa Echakhch, L’air du temps – Prix Marcel Duchamp 2013 », Centre Pompidou, Paris, 2014

 

Latifa Echakhch est une artiste plasticienne qui crée des installations visuelles surréalistes et conceptuelles plongeant le spectateur dans un univers poétique.

L’air du temps est l’installation réalisée au centre Pompidou qui lui avait valu le prix Marcel Duchamp en 2013.

Latifa Echakhch conçoit ses installations en relation à l’espace qui l’accueille. Elle nous fait entrer dans son univers tout en préservant l’architecture du lieu. C’est en harmonie que s’accordent cet espace rectangulaire allongé et les éléments sculpturaux de l’artiste. Latifa Echakhch dans ses créations explore des objets du quotidien, et puise dans ses souvenirs d’enfance. Son travail est un assemblage d’éléments qui transporte le visiteur dans un univers enchanté. Rien de spectaculaire certes, mais l’artiste aime simplifier. Des suspensions de nuages envahissent le lieu, le saisissant dans son ensemble. Le plafond avec ses tuyaux s’accorde parfaitement à la couleur des nuages, au milieu desquels nous sommes invités à déambuler, à découvrir ce que cache cette salle devenue paysage poétique.

Latifa Echakhch nous propose une valse à trois temps autour des notions de scènes, de décors et de traces. Elle interroge l’air du temps. Mais quel est cet air ? Chronologique ? Météorologique ? Peut-être bien les deux, à chacun son interprétation, à chacun sa déambulation.

Dans un premier temps de lecture, le mur de l’entrée fait office de cartel. Une série d’encrages (nomination des œuvres) présente l’œuvre cachée derrière, tel un poème. Passé ce mur, ce que l’on voit frontalement s’apparente à un paysage de roches noires qui sont en réalité des nuages. Des formes découpées dans le bois, peintes d’un noir mat et profond : ce paysage s’empare du visiteur en un seul regard.

Le visiteur a de quoi être intrigué voir frustré, c’est assez réducteur voir grossier. Un peu de patience, il y a le décor, et l’envers du décor…

Rapprochons-nous…

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Latifa Echakhch, Encrage (L’air du temps), 2014 © photo : Fabrice Seixas.

 

 

 PHOTOS    Latifa Echakhch Encrage (Les Que sais-je ?) / Inking (The ‘Que sais-je?’s), 2014 Livres, résine polyester, encre de Chine,nuages de décor en bois, toile, peinture acrylique et fil d’acier / Books, polyester resin, Chinese ink, wooden cloud scenery, c


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Latifa Echakhch Encrage (Les Que sais-je ?) / 2014 Livres, résine polyester, encre de Chine,nuages de décor en bois, toile, peinture acrylique et fil d’acier

 

 

 

 

 

 

 

Ce rapprochement à l’œuvre nous offre un deuxième temps de lecture. Les nuages, noirs d’encre sont suspendus, comme s’il pleuvait de l’encre. Ces nuages effleurent le sol, d’une justesse telle qu’ils ne le touchent pas et de manière à ce qu’un jeu de reflets et d’ombres apparaisse sur le parquet. On ne sait plus si l’on se trouve au-dessus ou en dessous des nuages. Notre regard les traverse. À chaque nuage sa découverte, son objet. Le visiteur est invité à se rapprocher, se baisser, observer, déambuler la tête dans les nuages.

L’atmosphère est sombre, le noir endeuille ce qui reste en suspens. L’encre se déverse sur chaque objet le saisissant d’une nostalgie dramatique. Le vide autour ajoute une sensation de malaise. Des livres, un parfum, un jeu de pétanque, une fleur dans un vase, un porte-dossier, du kitch et du classique déposés au sol. Objets suspendus dans le temps, comme si un événement brutal les avait arrêtés. Temps défilant dans nos têtes à l’évocation des souvenirs.

Ces objets sont les souvenirs de l’artiste, son histoire. La valise évoque son immigration du Maroc vers la France. Le choix de ces objets est subtil, ils sont tous reconnaissables, évocateurs de souvenirs appelant la mémoire collective. À chaque nuage son objet, à chaque objet sa narration, à chaque visiteur son interprétation. Laissons place à l’imaginaire.

Puis vint le dernier nuage, on se retourne pour traverser la pièce pensant atteindre la sortie, mais l’histoire n’est pas finie, vient le troisième temps, un jeu de basculement. L’atmosphère sombre se transforme en un décor aérien opposé au premier. Émotions contradictoires : du noir au bleu, du lourd au léger, changement temporel, l’œuvre se lit à double sens, c’est un revers de décors.

Là est tout l’enjeu de l’exposition. À travers un espace donné qu’est le 315, Latifa Echakhch nous désœuvre. Une œuvre au simple paraître se complexifie, se démultiplie, amène à réflexion. C’est un geste artistique plein de subtilité, de sensibilité et de poésie que l’artiste porte sur notre société, posant des questions auxquelles plusieurs réponses sont possibles selon l’interprétation.

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echakhch PHOTOS Vue de l’exposition « Latifa Echakhch, L’air du temps – Prix Marcel Duchamp 2013 », Centre Pompidou, Paris, 2014

 

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PHOTOS Latifa Echakhch Encrage (La valise en carton) , 2014 Valise, encre de Chine, nuages de décor en bois, toile, peinture acrylique et fil d’acier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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