Keen Souhlal – De l’émerveillement de la nature.

Retenir sous souffle. Attendre. Quoi ? Une chute ? Une apparition ? Keen Souhlal a appuyé sur le déclencheur. Elle a suspendu son geste, et le temps avec. La photographie est prise. L’instant saisi, retenu. Espace entre. Que s’est il passé avant ? Que se passera t-il ensuite ?

La photographie ne nous le dira pas, l’artiste non plus. Elle laisse chacun libre de son imaginaire. Ce qui l’interpelle ce n’est pas la suite des événements, c’est juste ce temps latent, cet entre deux, cet infra-mince, intervalle imperceptible, parfois seulement imaginable, entre deux phénomènes. Diplômée de l’Ecole Supérieure des Beaux Art de Paris en 2008, Keen Souhlal recherche depuis sept années ce fragile indicible qui peut faire pencher l’équilibre. Son œuvre est empreinte de silence et de poésie. Elle questionne, elle tiraille mais elle apaise.

L’Albedo, la Coruscation, la Murmuration, autant d’instants fugaces que Keen Souhlal fige dans la volonté de nous révéler ce qui nous entoure et que nous ne prenons plus la peine de regarder. Dans son travail, qu’elle utilise la photographie ou bien des matériaux plus tangibles tels que le bois ou la porcelaine, l’artiste souhaite toujours interroger ces petits riens du quotidien qui nous échappent si nous ne prenons pas le temps d’être attentifs. Pour comprendre son œuvre, il faut prendre le temps. Passer devant. Revenir. Observer. Chercher. Chercher ce détail quasi imperceptible qui semble nous dire qu’il manque quelque chose, peut-être quelqu’un. Comprendre le travail de Keen Souhlal, c’est comprendre que nous avons à portée de main une source d’émerveillement inépuisable : la nature et qu’elle est prête à se donner à nous à chaque instant pour peu que nous soyons réceptif.

Renouvelant toujours la forme plastique, elle questionne le passage d’un état à un autre dans un émerveillement infini face à notre environnement et à ses phénomènes extraordinaire. Si sa démarche n’est pas mue par un engagement politique ou écologique, c’est l’observation de la nature et une envie de lui rendre hommage qui la pousse à la regarder de toujours plus près. Les éléments et matériaux qui l’entourent ne cesse de la surprendre et c’est ce regard attentionné et bienveillant que l’on peut avoir envers les éléments qu’elle désire transmettre au spectateur.

Lorsque Keen Souhlal observe si minutieusement toutes les ressources qui l’environnent, c’est aussi pour mieux les utiliser. Alors que ses débuts se sont fait derrière l’appareil photographique, aujourd’hui elle aime davantage le contact avec la matière. C’est la découverte sans cesse renouvelée de matériaux qui alimente ses recherches. Si de 90 grammes d’idées fixes en porcelaine nous passons à l’histoire d’une bille de bois d’une tonne, Ultramarine, le travail reste toujours aussi léger et subtil. Ce passage d’une substance à un autre se faisant constamment dans l’apprentissage et l’envie de partage. Du gaufrage à la céramique en passant par la marqueterie, Keen Souhlal nous enseigne autant qu’elle s’instruit. Aujourd’hui nombre d’artistes délèguent une partie de leur production, elle, s’oblige à de longs apprentissages pour maîtriser chaque technique car si la nature est sa source d’inspiration, c’est avant tout l’expérimentation qui nourrit la magie de sa création.

 

 

Par Raphaëlle Peria

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