Keen Souhlal au pays des merveilles

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SOUHLAL Keen, « 90 grammes d’idée fixe« , sculptures, boulettes de porcelaine de dimensions variables, 2012

Simple et délicate, l’œuvre de Keen Souhlal nous amène dans un monde énigmatique où l’invisible devient visible. Passionnée par les miracles et les phénomènes étranges de la nature, l’artiste cherche à transmettre son émerveillement aux spectateurs. Comme un enfant curieux, les yeux toujours ouverts, elle n’arrête pas de poser des questions, sans toujours trouver des réponses. Mais elle insiste, parfois avec obstination, jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite du résultat. Elle reconstruit méticuleusement l’effet albédo dans son studio, assiste à  la coupe des arbres d’une exploitation forestière pour avoir des bûches arrachées, ou encore se lance dans un voyage autour du monde pour trouver ses Espaces Entre. C’est cette recherche infinie qui nourrit son œuvre, d’ailleurs assez hétéroclite. L’artiste intègre différents médiums, tels la photographie, le dessin, la sculpture.

Souhlal s’intéresse à la nature comme une force mystérieuse et omniprésente qui nous accompagne tout au long de notre vie. La terre, l’eau, l’air, le feu, son œuvre explore ces quatre éléments constituant notre monde mais restant souvent imperceptibles. L’œuvre de Souhlal se présente alors comme un hommage poétique à la nature. Pour évoquer les phénomènes naturels, l’artiste les traduit en sa langue artistique, composée de points, de lignes, de volumes et de plats. Dans Murmuration, les vols frénétiques des oiseaux se transforment en un ensemble de points noirs, tandis que le fameux iceberg Inlandsis devient une empreinte sur le papier blanc.

Dans ses photographies, l’artiste nous montre la nature calme et éloignée, qui existe sans l’homme et malgré lui. Dans Fantasmagories, les villes désertées apparaissent comme des créatures vivantes dont les courbes s’intègrent harmonieusement au paysage. Néanmoins, bien que son travail soit presque dépourvu de la présence de l’homme, il s’adresse directement à lui. Parfois imperceptibles, parfois trompeuses, les œuvres de Keen Souhlal nous apprennent à porter un regard curieux et attentif sur le monde qui nous entoure. Les feuilles froissées, 90 grammes didée fixe, se révèlent, en réalité, être des sculptures en porcelaine, le monochrome blanc Numerus Clausus présente en fait le symbole des quatre éléments gratté sur le papier, tandis qu’Avulsus qui nous semble être une maquette d’une ville se trouve être un morceau de bois arraché. En les disposant sous verre ou sur un socle comme des objets précieux, l’artiste souligne non seulement leur fragilité mais aussi célèbre le génie de la nature créatrice et l’émerveillement quotidien qu’elle engendre. Que ce soit les instants où les pensées naissent sans jamais être formulées ou les moments où les arbres en chute libre créent des sculptures.

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SOUHLAL Keen, Aperçu de l’exposition « Conversation d’un vestige contemporain« . L’attrape-couleur, Lyon, 2014

Progressivement la nature chez Souhlal se manifeste plus ouvertement, des objets réels se substituent aux images. La nature entre dans la salle d’exposition: la bûche Ultramarine nous raconte son histoire, sa naissance, ses voyages et finalement sa transformation en une œuvre. Sa voix devient tellement forte et son énergie tellement puissante qu’il semble que l’artiste a encore du mal à les contrôler. La délicatesse des premières œuvres, fragiles et discrètes, disparaît. Leur présence devient évidente : les petites sculptures Avulsus et 90 grammes didée fixe cèdent leur place aux pièces de grands formats Ultramarine et Pyrophyte. Les nouvelles créations s’imposent, il n’y a plus de jeu avec le spectateur mais un dialogue ouvert. Ces sculptures de bois ouvrent un nouveau chapitre dans son travail qui se trouvera, à terme,  n’avoir été qu’un prologue.

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