Lawrence Weiner: «In an out», statement 237, 1970, coll. Ghislain Mollet-Viéville

In an out de Lawrence Weiner vu dans l’exposition In & out, à Synesthésie.

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In an out, de Lawrence Weiner, dans l’appartement,
salle permanente des collections du Mamco, Genève

«L’appartement. Espace domestique autant que scène sociale, cet appartement est la reconstitution fidèle (mobilier, décor, oeuvres d’art) de celui qu’a occupé et aménagé Ghislain Mollet-Viéville au 26 de la rue Beaubourg à Paris, de 1975 à 1991… suite.

Lawrence Weiner est l’un des artistes dits “conceptuels” américains (deuxième moitié des années soixante*). Ses œuvres se présentent sous la forme des statements, déclaration, énoncé artistique. Des sommes des statements sont édités dans les livres comme Words ( 1967-1977), Anatol AV und Filmproduktion, Hambourg, 1977, car:

«Qu’il s’agisse d’édifier une sculpture, de peindre ou de danser, quoiqu’il en soit l’information verbale est la manière la plus claire de la présenter. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière. Un livre est la manière la plus simple. Vous faites un livre aux moindres frais et quiconque est intéressé par votre travail peut l’acheter et avoir toute l’information. En un sens, dès l’instant que vous connaissez un de mes travaux, vous le possédez. Il n’y a pas moyen que je grimpe dans la tête de quelqu’un pour le lui enlever.»

Trois propositions qui sont les conditions d’exposition de l’œuvre, sont faites par Lawrence Weiner à l’adresse de ses producteurs: l’artiste, l’acquéreur, le curator, le regardeur.

1. THE ARTIST MAY CONSTRUCT THE WORK
2. THE WORK MAY BE FABRICATED
3. THE WORK NEED NOT BE BUILT
EACH BEING EQUAL AND CONSISTENT WITH THE INTENT OF THE ARTIST (chaque proposition étant égale et en accord avec l’intention de l’artiste)
THE DECISION AS TO CONDITION RESTS WITH
THE RECEIVER UPON THE OCCASION OF RECEIVERSHIP (le choix d’une des conditions de présentation relève du récepteur à l’occasion de la réception.

*Bibliographie

L’art conceptuel, une perspective, 22 novembre 1989-18 février 1990, catalogue de l’exposition, Musée d’art moderne de la ville de Paris.
pp. 199-201: Sol LEWITT, «Paragraphs on Conceptual Art», Artforum, juin 1967:

«Je qualifierai le genre d’art que je fais de conceptuel. Dans l’art conceptuel l’idée ou le concept est l’aspect le plus important. Quand un artiste utilise une forme conceptuelle d’art, cela signifie que tout est prévu et décidé au préalable et que l’exécution est affaire de routine. L’idée devient une machine à faire de l’art. Ce genre d’art n’est pas théorique, ne vient pas non plus pour illustrer une théorie; il est à base d’intuition, il est lié à toutes sortes de processus mentaux et ne poursuit aucun objectif. Il ne dépend généralement pas de l’habileté manuelle de l’artiste. L’artiste dont l’art est conceptuel veut faire en sorte que son travail soit quelque chose de mentalement intéressant pour le spectateur; il aimerait en régle générale que cet art devienne émotionnellement sec. Il n’y a cependant aucune raison de penser que l’artiste conceptuel soit là pour ennuyer le spectateur…»

«Sentences on Conceptual Art», d’abord publié dans 0-9, New-York, 1969 et Art et Language, Coventry, mai 1969, p. 11.
(dans la liste d’articles de la page)

pp. 88-89 in SIEGELAUB Seth.«Quelques observations à propos du soi-disant “Art conceptuel”: Extraits d’entretiens non publiés avec Robert Hortvitz (1987) et Claude Gintz (1989).

[Art conceptuel/art minimal]

CG: Mais ne peut-on également envisager le phénomène de l’art conceptuel d’un point de vue historiciste comme négation de l’art qui le précède immédiatement, à savoir le Minimalisme? Ou, autrement dit, comme un pas supplémentaire à franchir, dans une perspective moderniste, dans la neutralisation de l’objet, que les surfaces grises des cubes d’un Robert Morris n’auraient fait qu’esquisser?

SS: Il y avait en partie la volonté d’éviter le “piège” de l’objet. Mais il y avait sans doute aussi le désir de certains artistes d’éviter le rapport au site, si caractéristique de l’art soi-disant “minimal” d’un Judd ou d’un Flavin, par exemple. Mais l’on en arrivait aussi à produire des objets visuellement très spectaculaires et bien présentés à partir d’un concept ou d’une idée comme avec Kosuth par exemple. Ainsi la situation me paraît beaucoup plus difficile à caractériser.

[Passage de l'objet à une forme linguistique]

CG: Initialement, pourrait-on caractériser l’art conceptuel comme réduction —ou passage— de l’objet à une forme linguistique?
SS: Par certains aspects, au moins au plan formel. Mais c’est surtout un grand esprit d’ouverture et d’investigations quant à ce qui peut constituer un acte artistique. Son accessibilité et sa production par tous. Qu’y-a-t-il de plus accessible que le langage? Il y avait aussi, bien sûr, la volonté de déplacer la production créative —et donc, sa réception— sur un plan plus cérébral. Il y a bien des façons possibles de caractériser cet art, mais la contribution majeure de ces artistes —avec de grandes différences qui apparaissent avec de plus en plus d’évidence de l’un à l’autre— fut de menacer profondément, ne serait-ce que pendant un bref moment historique et pas toujours en pleine conscience, les conceptions capitalistiques régnantes qui s’articulent dans l’art: notamment, la propriété privée. Même si aujourd’hui le système (en particulier ses musées, ses collections, son histoire de l’art) essaie toujours de neutraliser son esprit critique en transformant ses produits, du bon vieux temps des années soixante, en de bons et solides investissements économiques et esthétiques de caractère classique et rationnel.
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Robert Barry, Douglas Huebler, Joseph Kosuth, Lawrence Wiener, “January 5-31 1969″, New York.

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