Les Voyageurs des Beaux-Arts de Paris

Les voyageurs, exposition des diplômés félicités des Beaux-Arts de Paris.
En entrant dans un lieu aussi teinté d’histoire que les Beaux-Arts de Paris, la confrontation avec des œuvres d’art contemporaines et le classicisme de l’espace d’exposition n’est pas facilement concevable. On se sentirait presque offusqué de ne pas être en face de peintures académiques et autres sculptures classiques stéréotypes des écoles de Beaux-Arts. Fort heureusement, ce n’est pas le cas.

Pour son exposition annuelle de jeunes artistes fraîchement félicités de 2014, l’École nationale des Beaux-Arts de Paris investit son Palais et l’ensemble de l’espace proposé. La sélection met en avant 22 de ces élèves, retenus sur une centaine de projets créés pour l’évènement. Si le terme d’exposition peut être confondu avec celui d’accrochage durant la visite, il est maintenu à flot par le nom « Les Voyageurs ».

Exposition des diplômés félicités des Beaux-Arts de Paris 2015

Les Voyageurs, Exposition des diplômés félicités des Beaux-Arts de Paris, 2015, © Lola Bonnelarge

Le ton est donné par la courte définition du commissaire de l’exposition Hou Hanru : « Aujourd’hui être artiste c’est être voyageur ». Ce sont tout d’abord des œuvres in situ, très centrées autour de la notion directe des « voyageurs », qui remplissent par leur taille ou leur installation l’ensemble du hall et du rez-de-chaussée. Très portées sur le voyage physique, la rencontre et le témoignage d’une autre culture, les œuvres rendent compte d’une mobilité que les artistes ont adoptée dans leur démarche artistique. À travers de grandes installations réparties dans l’espace, le sujet échappe à première vue de ce que l’on pouvait s’imaginer comme un témoignage de voyage.

Tisser les racines de Ana Maria Lozano Rivera, 2015, © Lola Bonnelarge

Tisser les racines de Ana Maria Lozano Rivera, 2015, © Lola Bonnelarge

On tourne autour d’œuvres que l’on n’aperçoit pas immédiatement tant la salle est remplie d’installations plus imposantes les unes que les autres ; le visiteur est happé par les œuvres, mais la délimitation reste nette entre les projets des artistes. Plus que des voyageurs, il semble que la scénographie de l’exposition nous amène à effectuer un tour quasi intime avec les artistes. Une intimité qui se traduit par des pratiques distinctes, comme l’œuvre Tisser les racines de Ana Maria Lozano Rivera pour laquelle le partage et le travail de groupe fait partie intégrante de sa recherche. À travers un environnement constitué de plantes tissées et un espace ouvert à la participation du public, l’œuvre renvoi directement aux notions d’échanges et de découverte. Un tissage pratique et culturel que l’on retrouve dans START-CHANGE-STOP ou le récit de Joris Henne et Natasha Lacroix trouvera son achèvement par le soutien de tiers. Pour cette imposante œuvre sculpturale amenée à subir des transformations naturelles au sein de la mer morte, le mécénat du projet est une étape à part entière dans le procédé créatif. Plus on déambule en découvrant les œuvres et plus l’exposition commence à se coordonner.

"START-CHANGE-STOP" de Joris Henne et Natasha Lacroix, 2015, © Lola Bonnelarge

START-CHANGE-STOP de Joris Henne et Natasha Lacroix, 2015, © Lola Bonnelarge

Entre deLéa Dumayet, 2015, © Lola Bonnelarge

Entre de Léa Dumayet, 2015, © Lola Bonnelarge

Les ressentis sont approfondis dans la notion de voyageurs quand il ne s’agit plus de voyage physique, mais de voyage dans la pratique ou la temporalité. L’organisation de la salle Foch au premier étage du Palais prend des allures de galerie avec accrochage au mur et présence d’œuvres plus picturales que monumentales. La transition passe par le portail métallique de Léa Dumayet qui fait littéralement passer le visiteur dans un nouvel espace avec Entre comme mot d’ordre. Les inspirations des voyageurs touchent alors à l’intimité, le passé et l’avenir deviennent un terrain fertile dans lequel les photographies Regrets en deux temps de Stefano Marchionini et la vidéo intrusive Parabolica de Clarissa Baumann côtoient le Jeux informatique de Kieran Jessel. Les jeux de tables, traditionnellement conçus pour deux personnes, deviennent au sein de l’exposition un mur de contemplation sur lequel le logiciel indépendant enchaîne des parties sans autres adversaires que son propre programme.

Jeux de Kieran Jessel, 2015, © Lola Bonnelarge

Jeux de Kieran Jessel, 2015, © Lola Bonnelarge

Ce que nous avons sous les yeux n’est pas un compte rendu de souvenirs que les artistes ont ramenés de leurs déplacements, c’est leur expérience qui est mise à disposition du visiteur. D’une certaine manière, les voyageurs sont rassemblés autour d’un lieu commun afin de mettre en scène leur sensibilité et offrir leur point de vue sur le monde.

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