Portrait de l’artiste Andrès Ramirez

Né à Bogota en 1981. Il vit et travaille à Paris.

L’imprévisible c’est aussi lorsque le château de cartes [1] s’effondre. Structures fragiles, tangibles, prêtes à être regardées puis démontées par le temps qui passe. L’insécurité opère et sublime l’espace. Si Andrès Ramirez présente son installation savamment élaborée, il expose aussi son aspiration à ne pas tout contrôler. Force est de constater que ce n’est pas forcément idéal pour qui veut concourir au prix de la jeune création. Mais le jeu manigancé par l’artiste vaut le détour.

La structure métallique accrochée au mur se dresse face à nous. Elle est impeccable. Géométrique en tout point. Elle exhibe l’ossature des bâtiments modernes, celle qui n’a pas encore été coulée dans le béton. Rigide et stoïque, elle soutient dans ses contours un miroir circulaire, où apparaît le reflet d’un chien quasiment fluorescent. Comme trempée dans un bain d’acide, son pelage porte les stigmates d’un baptême corrosif comme « soumis à une après-catastrophe » explique l’artiste. Dos à l’animal, une forme florale, moulée en béton, s’élève dans un équilibre souple et fragile. L’élégance des formes omet de suggérer que celles-ci ne tiennent qu’à un fil. Sous ces arcanes, le serpent, moulé dans une résine (équivalente à celle qu’on retrouve dispersée en fragment sur le chien), rampe dans sa forme la plus attractive, figure chargée de symboles s’il en est. Au côté du chien, ils introduisent à eux deux l’idée d’une présence. Bestiaire acidifié.

L’installation est pensée comme un pattern, l’œuvre pourrait se décliner dans une forme « sérielle », où chaque moment de présentation est unique. Si bien que le dit « accident » du jour de sa présentation ne semble plus être le résultat d’un mauvais calcul, mais plutôt l’expérience « du geste de la brisure ». Deux grilles de lectures existent, mais seulement une retiendra notre attention : celle de l’artiste. Il y a donc « le choix d’accepter l’accident et de réévaluer la pièce telle qu’elle doit être expérimentée », relate Andrès Ramirez, « les éléments sont issus de modules de constructions, de composants industriels, qui forment des patterns (objets sériels), où ce qui constitue la pièce définitive est davantage la forme et le moule ». Les œuvres sont déterminées par « une liste de procédure » à l’instar d’un schéma industriel, censé se maintenir et exercer sa rentabilité.

Depuis 2011, Andrès Ramirez travaille la forme sérielle de la sculpture, la sérigraphie ou encore l’installation qui découlent d’un mode opératoire semblable à celles des chaînes de productions industrielles.

Il décline au moyen de différents matériaux comme le plexiglas ou l’aluminium, une multitude de structures métalliques. Au-devant du décor, il nous montre les châssis et les cadres dans leur plus simple appareil. Guidant le visiteur vers des formes froides et impersonnelles, il s’attaque au foisonnement de la circulation des images et des nouvelles technologies digitales. Maîtrisant également le processus sérigraphique, il émancipe le motif et la couleur de toute anticipation et prévisualisation de l’image. La sérigraphie devient le moyen de représenter les fréquences silencieuses, qui se déclinent dans les intervalles, comme forme impalpable et dématérialisée. Autant d’espaces orphelins d’une société structurée, compartimentée, que Andrès Ramirez tend à produire tout en y prélevant la substance poétique de fragments invisibles.

S’appropriant le principe du logotype (issu de la communication visuelle), il le manipule pour le détourner de sa fonction première. Dans une réflexion stratégique, les structures finissent par dépasser le mimétisme des chaînes de productions industrielles, produisant une interaction poétique entre les différents éléments de ces installations.

Entré en 2014 dans la galerie Escougnou-Cetraro (ex see studio), il continue de développer son travail extrêmement structuré, mais essaye aujourd’hui d’instituer des formes figurées. Sorte de présence qui vient s’accumuler à un nouveau mouvement de la construction. Celle-ci s’envisage désormais comme une ruine, vestige du culte moderne.

Retrouvez le travail de l’artiste Andrès Ramirez sur le site de la galerie Escougnou-Cetraro. http://escougnou-cetraro.fr/artistes/andres-ramirez/

Marianne Robin

[1] Expression employée par l’artiste

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