« Le fil prend possession de l’espace »

Du 6 février au 3 mai 2015, l’exposition « Le fil rouge », conçue par le commissaire Michiko Kono, présente les travaux d’artistes contemporains utilisant, chacun à leur manière, le fil comme matière première pour la réalisation de leurs œuvres. Pour la première fois dans leur histoire, une même thématique est présentée simultanément dans les Espaces Culturels Louis Vuitton de Paris, Munich et Tokyo. Gardant sa propre indépendance, chaque Espace Culturel présente quatre des huit artistes sélectionnés : l’Espace de Tokyo montre un aperçu général des différents usages du fil avec des œuvres de Ghada Amer, Michael Raedecker et Tatiana Trouvé. À Munich, sont présentées des œuvres faites de broderies par Ghada Amer, Tracey Emin et Michael Raedecker. À Paris l’exposition se concentre sur des installations occupant l’espace, réalisées par Isa Melsheimer, Fred Sandback et Chiharu Shiota. Le film The Thread réalisé pour l’occasion par Hans Op de Beeck est projeté dans les trois Espaces.

Les artistes sélectionnés pour l’Espace Culturel à Paris transforment la perception que nous avons de ce lieu et créent de multiples expériences pour le visiteur. Le parcours commence par deux œuvres créées par l’artiste Fred Sandback. Celles-ci font preuve d’une grande simplicité, elles ne cessent pourtant pas de nous fasciner et de captiver notre regard. Il s’agit de deux œuvres reconstruites in-situ pour l’exposition : l’une au centre de l’espace, faite de fil acrylique noir, ressemble à un paravent. L’autre faite de fil acrylique orange, forme ¾ d’un carré et prend l’appui sur un mur.

Fred Sandback, Untitled (Sculptural Study, Five-part Freestanding Piece), ca. 1975/2015, fil acrylique noir, dimensions situationnelles, crédits photographiques : Pauline Guyon/Louis Vuitton © Fred Sandback Archive

Fred Sandback, Untitled (Sculptural Study, Five-part Freestanding Piece), ca. 1975/2015, fil acrylique noir, dimensions situationnelles, crédits photographiques : Pauline Guyon/Louis Vuitton © Fred Sandback Archive

L’artiste américain réalise des sculptures à partir de 1967 jusqu’à sa mort en 2003, d’abord avec de la corde élastique, puis à partir de 1973 avec du fil acrylique, parce qu’il remarqua que la première se détendait avec le temps. Fred Sandback trace des lignes dans l’espace, donnant naissance à des formes simples et géométriques pour créer des volumes emplis de vide.

 

Chiharu Shiota, Ifinity, 2015, fil noir, ampoules électriques, minuteur, dimensions variables, crédits photographiques : Pauline Guyon/Louis Vuitton

Chiharu Shiota, Infinity, 2015, fil noir, ampoules électriques, minuteur, dimensions variables, crédits photographiques : Pauline Guyon/Louis Vuitton

La pièce tourne et nous entrons dans l’univers de l’artiste japonaise Chiharu Shiota. En avançant dans l’œuvre intitulée Infinity (2015), le visiteur est très rapidement saisi par un mélange de sentiments. Le dense entrelacs de fils de laine noirs dans lequel il se retrouve crée une atmosphère onirique, fascinante, mais aussi oppressante. Au cœur de l’installation se trouvent des ampoules électriques en suspension qui s’allument et s’éteignent. D’après l’artiste, ces dernières forment l’allégorie des mouvements de la respiration ou des battements du cœur. Mais en pénétrant de plus en plus dans ce feuillage de laine, nous nous rendons compte que cette œuvre pourrait bien offrir autant de versions que son titre le suggère. À chacun de trouver sa propre interprétation.

Forêt, toile d’araignée… peu importe l’image que nous évoque l’œuvre de Chiharu Shiota, elle est un passage obligé pour accéder à l’œuvre cinématique de Hans Op de Beeck qui, elle, a non pas un lien direct, mais un lien métaphorique à la notion de fil. Le Belge a créé la vidéo The Thread (2015) spécialement pour l’exposition. Elle est basée sur une légende chinoise qui prétend que la destinée amoureuse des hommes et des femmes est décidé par le dieu Yue Lao, qui relient les couples d’un fil rouge invisible. En prenant cette dernière comme point de départ, le court-métrage de Hans Op de Beeck met en scène une fille et un garçon punk amoureux, vieillissant ensemble. Les personnages ne sont pourtant pas de chair, ce sont des marionnettes, dont les marionnettistes sont visibles en arrière-plan, comme dans le théâtre japonais traditionnel Bunraku.

Hans Op de Beeck, Image extraite du film The Tread, 2015, vidéo full HD, son, durée 15:30 minutes, © Hans Op de Beeck et la Galleria Continua, Les Moulins

Hans Op de Beeck, Image extraite du film The Tread, 2015, vidéo full HD, son, durée 15:30 minutes, © Hans Op de Beeck et la Galleria Continua, Les Moulins

Par cette œuvre, l’artiste Hans Op de Beeck nous livre une réflexion sur le lien qui unit profondément deux êtres.

Le parcours se finit avec une installation à grande échelle d’Isa Melsheimer. L’artiste s’intéresse, dans son travail, principalement à l’architecture, son histoire, ses règles de construction, ses vides et ses erreurs. Pour l’exposition « Le fil rouge », elle a reconstitué des paraboloïdes hyperboliques en fils transparents. L’enjeu de ces derniers est d’obtenir des lignes courbes à partir de lignes droites. Ses œuvres Hyperboloïde III (2015) et Hyperboloïde IV (2015)[1] s’appuient sur des recherches architecturales initiées par Iannis Yenakis pour le Pavillon Philips, conçu par Le Corbusier lors de l’exposition universelle de Bruxelles en 1958. L’installation traverse et structure deux espaces, en créant des mouvements ondulants. Une atmosphère légère et agréable en cette fin de parcours.

Isa Melsheimer, détail de l’oeuvre Hyperboloïde IV, 2015, fil à coudre, clous, crédits photographiques : Pauline Guyon/Louis Vuitton

Isa Melsheimer, détail de l’oeuvre Hyperboloïde IV, 2015, fil à coudre, clous, dimensions variables, crédits photographiques : Pauline Guyon/Louis Vuitton

Le Corbusier et Iannis Xenakis, Pavillon Philips, Exposition Universelle Bruxelles, 1958 © wikimedia commons / Wouter Hagens

Le Corbusier et Iannis Xenakis, Pavillon Philips, Exposition Universelle Bruxelles, 1958 © wikimedia commons / Wouter Hagens

Isa Melsheimer, détail de l’oeuvre Hyperboloïde III, 2015, fil à coudre, clous, crédits photographiques : Pauline Guyon/Louis Vuitton

Isa Melsheimer, détail de l’oeuvre Hyperboloïde III, 2015, fil à coudre, clous, dimensions variables, crédits photographiques : Pauline Guyon/Louis Vuitton

L’exposition « Le fil rouge » donne non seulement un aperçu de l’emploi du fil dans l’art contemporain, mais rend également visible le lien existant entre les Espaces Culturels Louis Vuitton à travers le monde. Comparée aux expositions précédentes de l’Espace Culturel à Paris, cette exposition contient très peu d’œuvres. Elle n’est néanmoins pas moins intéressante. Le commissaire Michiko Kono a laissé à chaque artiste un espace séparé. De cette manière, chaque œuvre peut se déployer parfaitement, un vrai régal pour les yeux du visiteur.

Lisa Tietze

Pour plus d’informations: Espace Culturel Louis Vuitton Paris

[1] Cette dernière est exposée au rez-de chaussée dans la vitrine du magasin Louis Vuitton.

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