« La vérité est ailleurs »

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Vue de l’exposition « La vérité est ailleurs », Maison des Ensembles, 24 avril 2015.

Le défi était grand pour Lechassis, plateforme de promotion et de soutien pour la création émergente, d’investir La Maison des Ensembles à Paris. Ce lieu d’animation et de culture, dédié à la jeunesse, accueille la seconde exposition de la structure portée par Romain Semeteys, ici commissaire de l’exposition. Celle-ci déclare, tel un slogan hérité de la série de science-fiction X-Files : « la vérité est ailleurs ». Son intention est, notamment, de rendre plus accessible l’art contemporain et de le faire découvrir à un public non acquis, a priori. Ainsi, l’exposition devient un événement en investissant pour une journée l’espace en le transformant, la soirée venue, en lieu de concert et d’échange convivial.

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Léa Hodencq, Tout ce qui roule n’est pas, 2015. Technique mixtes, dimensions variables.

Romain Semeteys fait de ce lieu, morcelé et non prévu pour porter des expositions, un espace quasi cinématographique. Il a en effet choisi de répartir l’ensemble en quatre séquences, dans une progression qui nous fait déambuler du rez-de-chaussée au troisième étage du bâtiment. Nous y entrons donc, accueillis par des totems énigmatiques, réalisés telles de nouvelles effigies iconiques, voire mystiques, par Léa Hodencq. Dépassant ces sculptures faites de formes simples en bois peint de couleurs franches, nous nous retrouvons dans un face-à-face anachronique, mis en scène par Coraline de Chiara, pour l’occasion. L’artiste, notamment repérée, il y a peu, lors de l’exposition « Picturae » proposée par Julie Crenn à la galerie Polaris, dresse ici le portrait de deux divinités opposées culturellement. L’une dévoile le visage de la Rome antique de Brutus, l’autre représente une tête d’Ifé, provenant du Royaume du Bénin. Ces deux peintures de grands formats semblent ouvrir un dialogue, annoncer un récit à venir, que l’on peine pourtant à décrypter.

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Coraline de Chiara, Brutus et Tête d’Ifé, 2015, huile sur toile, 150×150 cm (chaque).

Il faut alors monter dans les étages pour entrevoir cette autre vérité, cette histoire à coudre entre les œuvres ou par celles-ci. Le premier palier expose le travail vidéographique et photographique d’Arash Nassiri. Sous la forme du hors champ, ou dans un burn-out engloutissant dans un nuage de fumée une voiture, l’artiste explore l’univers des courses automobiles, tout en n’en conservant que des traces mystérieuses. L’étage suivant présente le travail de Christophe Herreros, remarqué notamment à la Fondation Ricard il y a un an, lors de l’exposition « Surnaturel ». Un néon scande « Before dogs » telle la réminiscence de films passés — on peut, par exemple, penser au fascinant, mais non moins effrayant, Dogville de Lars Von Trier —, mais aussi tel le slogan présageant d’une mise en scène à venir. Cette phrase lumineuse, tout comme les autres œuvres de l’artiste ici présentées ont ce pouvoir d’emprunter, ou de rejouer, des bribes d’histoires ou de plans cinématographiques, mais aussi de créer les conditions et l’ambiance d’une fiction présente par indices. Enfin au dernier étage, on entre dans un univers alternatif, baigné de références aux tecknivals, aux gangs de motards, ou aux chevaux sous kétamine, mis en forme par Étienne Pottier. Ces dessins, gravures, ou encres, dépeignent un milieu marginal, souvent sombre, s’étant trouvé de nouvelles idoles qu’il porte fièrement en icônes tatouées.

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Arash Nassiri, Drift days, 2015, tirage photograhique pigmentaire, 50×70 cm.

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Christophe Herreros, Before Dogs, 2015, néon. Au sol, End of Roll #7, 2008, film 16 mm sur DVD.

« La vérité est ailleurs » aurait certainement gagné en lisibilité dans un lieu d’exposition plus conventionnel, mais Romain Semeteys à tout de même su, des contraintes de l’espace, amorcer un univers tissé par bribes. L’exposition se concrétise alors dans la déambulation du lieu, dans l’observation d’un corpus d’œuvres de tel artiste dans le souvenir du précédent. Comme dans un film, le retour en arrière reste possible, mais la vision sur l’ensemble à un instant « T » ne l’est pas. Le regard suit inévitablement le défilé de la bande, ici, des escaliers et des couloirs, où se succèdent les plans. La vérité est donc hors champ, et l’exposition, quasiment à recomposer après coup.

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Étienne Pottier, Sans-titre, pierre noire sur papier, 2015, 150×200 cm.

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