À partir du phénomène de mains négatives, la découverte de traces de mains colorées dans les grottes magdaléniennes de l’Europe sub-atlantique, Marguerite Duras fait le portrait de Paris, portrait construit sur la base de l’absence. Son rythme et son regard fluides touchent la ville désertée la nuit, se dirigeant vers le point du jour, avec des mains peintes dans les cavernes préhistoriques.
Ce sont les mêmes sensations de manque et d’absence qui constituent le fil rouge des œuvres de l’exposition collective « La légende des origines » à la galerie Maubert visible du 4 décembre 2014 au 31 janvier 2015. L’exposition réunit les œuvres de sept jeunes artistes, invités par la commissaire Léa Bismuth : Mathieu Bonardet, Jennifer Douzenel, Atsunobu Kohira, Stéphanie Lagarde, Pia Rondé & Fabien Saleil, Clio Simon.
Le spectateur est invité à entrer dans le projet par le film court Le bruissement de la parole (2013) de Clio Simon, qui participe au programme du Studio national d’arts contemporains du Fresnoy. Le désert se mélange avec un brouillard, qui recouvre les terrains en les enveloppant et les pénétrant : son regard donne presque à la nature le statut d’objet, de chose aliénée. Au Chili, ou ce film a été réalisé le désert est un lieu marqué par l’histoire, pourtant, sur l’image de Simon, il est le symbole de toutes les disparitions, des villes, des corps, des régimes, des idéologies, des civilisations.
Le travail de Mathieu Bonardet Interstice II (2014) fait écho à la vidéo de Clio Simon. Il construit une fente évasée dans un mur de la galerie, une lumière aveuglante arrivant de son fond. Ces deux œuvres, fort variées en leurs matériaux et médias, répètent des lignes en vers. Ce sont deux exemples de la relation entre l’homme et l’espace : l’un purement visuel, qui transmet la sensibilité de l’objet, du corps en mouvement, en route ; l’autre est une intervention plastique, une œuvre presque minimaliste, qui opère avec l’espace avec autant de légèreté qu’un flux de regard ou qu’une ligne droite dessinée. Deux paysages, l’un remarqué par l’artiste, l’autre conçu par l’artiste, définissent et mesurent l’espace.
Les deux paysages, l’un qui ouvre, l’autre qui ferme l’espace, sont dépendants d’une seule mesure, d’un homme. En même temps, c’est l’homme qui manque ici, mais c’est lui l’axe de l’histoire, la raison de la légende. C’est à lui de laisser les traces qui manquent encore.
Ekaterina Shcherbakova