Art Orienté Objet au musée de la chasse et de la nature

Aventure dans le Jardin des délices contemporain-Exposition Art Orienté Objet au Musée de la chasse et de la nature de Paris

Engagé dans la question écologiste, le duo d’artistes constitué de Marion Laval-Jeantet et de Benoît Mangin, regroupé sous le nom de Art Orienté Objet, expose ses créations autour de la relation de l’homme à la nature au Musée de la chasse et de la nature à Paris. Ils mettent en cause la domination et la prévalence de l’être humain sur l’animal et sur la nature et questionne la place de l’homme dans l’univers. Leurs créations conjuguent installations, objets, vidéos et photographies et cela jusqu’à l’expérimentation biologique : Que le cheval vive en moi, se joue par exemple des frontières entre l’art et la science, entre l’homme et l’animal.

Dans un hôtel historique des XVIe-XVIIe siècles, l’exposition d’art contemporain transdisciplinaire s’insère avec modestie et respect dans la collection permanente du musée géré par la fondation François Sommer. S’en dégagent à la fois des affinités parfaites et des contrastes criants avec les oeuvres d’art animalières et à sujet cynégétique.

Art Orienté Objet trouve sa conception du monde dans le Jardin des délices peint par Jérôme Bosch : une cosmogonie où l’animal et l’homme s’hybrident pour former un bestiaire fantastique. D’où l’intitulé de l’exposition où ils placent en exergue une copie de la peinture comme un fil conducteur. Un musée de la chasse et de la nature abritant une telle collection d’arts ancien, moderne et contemporain ne pouvait que susciter chez les deux artistes un désir d’intervenir. Ce musée, sorte de “monument” de civilisation s’est transformé en champ d’action pertinent.

Le duo a créé des œuvres spécifiquement pour ce lieu, qui défend également les valeurs de l’écologie humaniste des oeuvres, telle que la machine à faire chanter les cerfs dans la brume. Cette installation est réalisée avec le Cornebrame un instrument inédit, réalisé à partir de ce que les chasseurs abandonnent de la dépouille du cerf : la tête et la peau. Placée en plein milieu de la salle du cerf et du loup, elle est cernée par des mobiliers, des peintures animalières de toutes les époques. Cette confrontation permet aux visiteurs de contempler une création inquiétante dans un contexte ironique. L’homme prélève depuis longtemps des animaux dans la nature pour les mettre dans un environnement domestique placé sous le signe de l’art et du décor. Un téléviseur avec casques projette la vidéo montrant comment les artistes en jouent. On écoute un animal crier désespérément dans un confort total. La jouissance de la supériorité éprouvée par l’homme sur les autres composantes du monde est ici brutalement mise en lumière.

Déployées sur trois étages, les œuvres du collectif Art Orienté Objet inventent un parcours dans le musée mais la scénographie varie selon les salles. Ainsi la majorité des œuvres d’Art Orienté Objet insérées dans la collection sont discrètes, elles ne sont pas spécialement éclairées et l’absence de cartel oblige à un recours au guide de visite. Quant aux installations de grandes dimensions, elles occupent la place centrale de chaque salle ou toute la salle telle que La peau de chagrin, tandis que les objets et les photos se chevauchent parfois avec les oeuvres du musée, et ou sont exposés sur les étagères derrière les vitrines, très modestement. Elles sont placées dans les salles nommées et disposées selon l’espèce animale correspondante. L’exposition, la collection permanente, et les textes de présentation d’histoire et de mythologie des animaux, réussissent donc à établir une relation fructueuse et réciproque entre eux, même si certaines œuvres entrent en conflits, sans doute volontairement. Par cette juxtaposition, les discours comme les oeuvres entrent en résonance, entre complémentarité et contradiction.

Dans la salle des trophées où les plus beaux fusils de chasse se confrontent à des têtes d’animaux naturalisés trônent un trophée de panda et un trophée de tigre. Deux espèces en danger, réalisées en résine, laine et verre. Ces matériaux permettent de proposer une alternative à la collection d’animaux. Le registre militant de leur création y est valorisé et accentué. Leur série de trophées déconditionne le règne de l’humanité sur l’animal, généré par les trophées des chasseurs. Dans la salle s’affirme alors leur volonté de promouvoir la protection des autres espèces vivantes sur terre. Il est probable que les artistes ne cherchent pas à éviter et à révéler ce genre de conflits entre leurs oeuvres et la tradition cynégétique exposée dans le musée. Exposer et assumer les conflits avec l’institution qui accueille, n’est-ce pas prendre le recul nécessaire, s’inscrire dans une réflexion sur les rapports homme et animal et la réactualiser par un acte créatif et audacieux ?

L’oeuvre tournante du collectif Que le cheval vive en moi manifeste au plus haut degré leur empathie viscérale pour l’animal et les minorités. Il s’agit d’une expérience scientifique extrême de transfusion sanguine entre le cheval et l’artiste. Elle est emblématique de leur travail dans la mesure où ils introduisent de la vie – avec la présence du sang – et du mouvement, le flux dans des oeuvres qui symbolisent la mort et l’immobilité. Par cette oeuvre, ils inversent les rapports car c’est l’homme qui dépend de l’animal,  car les animaux nous fournissent de la viande alors que l’on fait couler leur sang ! Audacieuse et polémique, cette oeuvre est produite au moyen de divers médias : objet, vidéo, photos. Elle est exposée dans la dernière salle qui marque l’apothéose de l’exposition. Elle y est placée  comme une invitation de réflexion continue,  une ouverture aux possibilités infinies de création.  Cet espace similaire au white cube, dédié à l’exposition, permet éventuellement d’éclairer le thème de l’exposition de Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin, celui de la recherche sur la tragique situation d’hégémonie de l’homme sur l’environnement. A l’exception du questionnement des artistes sur cet avenir, l’exposition pose aussi la question sur le dialogue potentiel entre les objets d’art contemporain, d’art moderne et d’art ancien.

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