AU-DELÀ DU SPECTACLE-Centre Pompidou-Paris 12-2000/01-2001, compte-rendu-work in progress

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DOUGLAS GORDON, SOMETHING BETWEEN MY MOUTH AND YOUR EAR

LA PROPOSITION INITIALE DE L'EXPOSITION "LET'S ENTERTAIN, À MINNEAPOLIS, EN L'AN 2000, PAR SON COMMISSAIRE PHILIPPE VERGNE: "Finalement, j'ai préféré ignorer le titre de l'exposition et considérer que c'était une exposition sur la pratique de l'art, ces dernières 25 années. Ce projet ne parle pas d'une lutte. Il développe comment un phénomène culturel majeur contamine les pratiques artistiques. L'industrie des loisirs affecte notre économie si profondément qu'il n'y a pas de raison de penser que le champ culturel en sorte ou veuille en sortir indemne." Philippe Vergne est devenu co-commissaire de la reprise de cette exposition à Paris, renommée "Au-delà du spectacle", avec Bernard Blistène. L'exposition version française s'en est trouvée modifiée.

SOIT DONC L'EXPOSITION, "AU-DELÀ DU SPECTACLE", UN PARALLÉLÉPIPÈDE RECTANGLE EMBOITÉ DANS LA PARTIE NORD DU DERNIER ÉTAGE DU CENTRE POMPIDOU PARALLÉLÉPIPÈDIQUE, les côtés parallèles deux à deux épousent pour le premier couple le couloir nord-sud rendu aveugle et un mur interne au batiment, l'autre couple constitué d'une façade aveugle d'entrée peinte par Lily van ...., et son pendant, épousant la façade vitrée nord-est du batiment, bénéficiant d'un décrochement du batiment lui-même, qui ménage ainsi à l'oeuvre de Doug Aitken un demi-loft avec banquettes circulaires d'une qualité de confort de salle d'attente d'aéroport, pour une vision alternée et attentive de la vidéo distribuée en canon sur les quatres moniteurs type écrans d'information d'horaires de départ ou d'arrivée (installation en marge, à la manière de Douglas Gordon, libéré de par son propos même (on consulte les horaires), de la distance critique transparente et obligatoire du dispositif, bien en vue et en reflets de Dan Graham, placé en première partie de l'exposition. L'espace général de l'exposition est de type "display", dans un espace théatral, boîte ouverte sur la vue parisienne (Sacré Coeur etc...), dans une sorte de white cube, mais de type actuel grand magasin ou mall qui retrouve la lumière extérieure, un espace non cloisonné, où l'on voit tous les produits (les oeuvres) et où la ciculation est très fluide, en pente douce, en rideau de perle, pour passer d'un espace à l'autre, il y en a quatre affirmés, précédés d'un sas d'entrée très décontaminant de l'ambiance white cube, mais elle du monde de l'art, du hall d'entrée externe à l'exposition. Il y a aussi des moniteurs qui démontrent leurs produits, sur le mode adopté par les magasins de bricolage qui dispersent des vidéos de démo d'appareils dans divers moniteurs placés dans les rayons, en tête de gondole. La pièce de Claude Lévêque sur un moniteur posé au sol en devient extrêmement attirante, d'autant qu'elle jouxte la cabane finalement puritaine de Mac Carthy. La "rave" de moutons de Lévêque est extrêmement pertinente, sans arrière pensée critique, une démo, c'est tout. La brillance dorée de la lumière de fin d'après-midi hivernale parisienne convient parfaitement aux oeuvres, au billard d'Orozco, au ballon de Damien Hirst, les reflets parasites sur les écrans des moniteurs sont aussi dorés. Une réminiscence d'Elysean Fields: la scénographe est le ou la même Camille Excoffon. Certaines installations sont dans des boites classiques mais fondues aux murs latéraux aveugles, on circule par de minces couloirs ou de simples ouvertures, celle de l'installation de Douglas Gordon fait l'effet d'une optique, celle de Gillian Wearing laisse passer les rires avinés et poilants des figurants de la pièce vidéo), on retrouve l'esthétique photoshop snob et/ou glamour de Dirk Blair d'Elysean Fields associé à une qualité de son "ambient". Tout l'exposition baigne dans une ambiance sonore en strates inframinces, un peu prégnante qui interdit le commentaire pédagogique, mais nécessaire: dès qu'on vu une oeuvre, et qu'on s'en est éloigné, on continue à la distinguer dans la bande son. La plus présente, la plus "pro", c'est la bande son de Doug Aitken, élaborée à la manière d'un clip élitiste http://www.walkerart.org/va/letsentertain/le_art_aitkenvid.html http://www.dougaitkenworkshop.com


  • Exposé en forme de paragraphes samplés, pointant plus que commentant des questions:

LE PROPOS DÉVIÉ DU CENTRE POMPIDOU: Malgré toute cette qualité festive et en décalage avec elle, le discours sérieux des ou du commissaire: ["Si le spectacle peut prendre une forme de nouveau totalitarisme - Paul McCarthy juxtapose des documents photographiques de Dysneyland pendant les années cinquante, le Strip de Las Vegas et les expositions universelles, avec des signes troublants de leur similitude avec l'Allemagne hitlérienne"...] Bernard Blistène loue l'ironie et la lucidité de McCarthy, mais peut-on se contenter de ce premier degré? Bernard Blistène: "C'est bien l'insertion sociale et économique de ce qu'il dénonce qui complexifie le débat d'une façon que Debord lui-même n'a pas voulu imaginer et même supposer. C'est cela l'au-delà du spectacle que nous évoquons. Le saloon (de McCarthy), ajouté dans la version française, reprend à ce titre, exactement une caricature de l'architecture Far west pour mettre à nu les mécanismes des attractions de Dysneyland et la face refoulée de cette charge psychologique qui se dissimule dans les strates d'une Amérique qui veut oublier sa part d'ombre dans le spectacle". Attitude qui n'accorde d'intérêt à l'expérience artistique qui se frotte au monde contemporain que si elle se situe sur un mode résolument critique. L'exposition réunit de telles oeuvres. Lesquelles, vraiment?

L'ARCHITAINMENT: Philippe Vergne répond à Bernard Blistène qu'on peut dans le contexte d'architainment du musée actuel, se divertir sur le Dance-floor de Piotr Uklanski, ou mieux danser avec les moutons de Claude Lévêque (oeuvre dont l'esprit est très proche de celui de Douglas Gordon): "La France continue de vouloir donner le sentiment qu'elle se refuse à l'idéologie du spectacle. Et les musées qu'elle bâtit d'ailleurs depuis une vingtaine d'années n'essaient pas de reproduire un modèle similaire. Il y a même un singulier contraste entre la culture des musées en France et en Amérique. Plus l'Amérique succombe à l'industrialisation du désir, plus ses musées revendiquent la virginité du white cube. Ce sont Herzog & de Meuron que le Walker Art Center a engagés pour leur rénovation et extension: le protestantisme suisse au pays du wasp mid west... Car l'Amérique, qui n'en finit pas de construire et de transformer ses villes et ses paysages pour en faire de véritables enclaves scénarisées, veut simultanément produire des enclaves exemptes de tout signe de divertissement. Mutation extra-large dont parle Rem Koolhas. Autre question, la fusion actuelle de la culture et du divertissement n'entraîne pas seulement une dépravation de la culture mais aussi une intellectualisation forcée du divertissement " (Hokheimer, Adorno).

LE SPECTACLE (L'ENTERTAINMENT INDUSTRY) COMME MODÈLE DE L'ART: Y aurait-il opposition entre d'un côté Parreno-Huyghe, de l'autre côté Douglas Gordon, Gillian Wearing (à connecter au saloon de McCarthy et au Dan Graham, et entre les deux Doug Aitken et Dick Blair. Bernard Blistène fait l'éloge de Huyghe et Parreno : "Ils ont bien compris sur quel leurre fonctionnait le glocal, ce néologisme né des cultures alternatives pour parler à la fois de globalisation et de culture locale. Ils jouent -encore le JEU- avec les outils de l'entertainment qu'ils conduisent à se retourner contre eux-mêmes. Welcome to Twin Peaks, de PP, ou Blanche-Neige, Lucie, de PH, marquaient de manière radicalement différente de leurs contemporains, -je pense par exemple à Douglas Gordon ou même à Stan Douglas- ce retroussement singulier d'un modèle contre lui-même." Alors Huyghe et Parenno sont en droite ligne de Duchamp, mais est-ce un au-delà de Duchamp, n'est-ce pas plutôt une simple reconduction anachronique?

L'UTILISATION DU JEU, DANS DIFFÉRENTES PRATIQUES CULTURELLES CRITIQUES (DE L'ENTERTAINMENT): "pour désamorcer la distinction puritaine entre entre plaisirs coupables et vertu morale, 'Life's guilty pleasures', entre 'jouer un rôle et vivre en vrai', les plasticiens ont la volonté de 'jouer' au plein sens du terme. Debord , semble-t-il, connait l'ouvrage de Johan Huizinga, Homo ludens: A Study of the Play Element in Culture, le besoin de jouer constitutif du genre humain. Debord et Constant (série de dessins, L'ambiance du jeu) pensent-ils le jeu comme le meilleur moyen de formuler une résistance implicite au pouvoir du spectacle. Pour Bernard Blistène, si les artistes s'emparent du modèle de l'entertainment, de ses règles pour produire des oeuvres, ils ont conscience tant du danger que de la nécessité de s'emparer des règles d'un modèle qu'on veut critiquer. Warhol afficherait cette expression lucide et ambiguë de ce principe d'appropriation. Le spectacle, c'est mal!

DISTINGUE-T-ON DANS L'EXPOSITION LES FORMES ARTISTIQUES QUI RÉSISTENT AU SPECTACLE EN UTILISANT TOUTES SORTE DE JEUX, DE CELLES QUI SONT EN COLLUSION AVEC LUI? Philippe Vergne le souligne : "faut-il rendre coupable une pratique artistique, par son coefficient de soumission à la loi de l'entertainement? Il n'est probablement plus tout à fait d'à propos de considérer Hollywood ou le divertissement exactement de la même façon [morale] qu'Adorno et Horkheimer en 1944....Il est plus que jamais question de parler d'industrie culturelle tant il reste établi que sous les auspices du capitalisme avancé l'amusement est toujours et encore le prolongement du travail. L'exposition de Paris nous a éloignés du pragmatisme américain, qui nourrissait sa conception à Minneapolis." A été adjointe donc

LA SÉQUENCE CONSACRÉE À L'ALLUSION À DIFFÉRENTS JEUX: développe l'idée du jeu complice ou du jeu critique: Orozco (a résisté à l'idée de participer), Uri Tzaig, Peter Land, Bertrand Lavier offrent autant d'approches spécifiques du jeu. Pour Bernard Blistène," certaines oeuvres ne possèdent pas ce pouvoir critique sur lequel nous fondons la légitimité de tout projet artistique inscrit dans la tradition des avant-gardes."

LES ARTISTES QUI ONT INDEXÉ LES OUTILS DE LA COMMUNICATION ET DU SPECTACLE" [AU-DELÀ D'UNE FINALITÉ PLASTIQUE, C'EST À VÉRIFIER?] Andy Warhol, le pop art, à un autre pôle Dan Graham (méthodologie critique des systèmes "spectaculaires marchands": Rock my religions), Dana Birnbaum (l'investigation artistique par la vidéo contribuant aux cultural studies). Jeff Koons.

MODÈLES EUROPÉENS, MODÈLES AMÉRICAINS: Selon Bernard Blistène, "l'art américain n'en finit pas de produire des analyses critiques de son propre fonctionnement [à la vitesse du marché, lequel celui de l'industrie culturelle ou le marché en général, en temps réel, on pourrait dire], comme s'il était à la recherche d'une réconciliation face à la culpabilité du système qu'il instaure, comme si les fictions que constitue l'oeuvre d'art avaient pour but de stimuler et de stigmatiser le réel.... différence fondamentale entre la culture européenne et la culture américaine." L"Europe au contraire réinscrirait son travail [tranquillement! ] dans une autre compréhension du mouvement de l'histoire.

LES FORMES DE LA CULTURE POPULAIRE: Pierre Huyghe et Doug Aitken seraient "dans une opposition de forme et de fond.... Pierre Huyghe travaille à partir du modèle historique que constitue Dan Graham (interroge les formes de culture populaire à travers le cinéma et la télévision. Doug Aitken travaille pour MTV, fait les clips de Fatboy Slim, et transpose dans le champ de l'art ce qui est de l'ordre de la stratégie narrative et promotionnelle Electric Earth. Et l'on sait aussi que Philippe Mestre travaille sur Chris Burden! Huyghe et Mestre seraient-ils des artistes post-contemporains ou post-post-conceptuels?

LA CULTURE MANGA: "Au coeur de la japanimation, Murakami précise comment les codes sociaux du Japon restent présents mais oblitérés par la lecture fantasmatique de sa culture par l'Occident. Périgot travaille sur la jeune génération japonaise en mal d'émancipation au travers d'une identification au star-système mélangeant rock-stars. Le personnage de manga achetée par Gonzalez-foerster, Huyghe et Parreno Ann Lee à "réactiver", qu'ils font parler, dans la tentative de se construire autour du récit une identité avortée. (voir plus haut le retroussement). Ann lee est charmante jusqu'à ce qu'on découvre des mains à quatre doigts, un syndrome Star Treck? |ici c'est la page 1|

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