AU-DELÀ DU SPECTACLE-Centre Pompidou-Paris 12-2000/01-2001

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DOUGLAS GORDON, SOMETHING BETWEEN MY MOUTH AND YOUR EAR


  • DOUGLAS GORDON, SOMETHING BETWEEN MY MOUTH AND YOUR EAR
    30 songs (from ja-Sept 1966)
    Texte publié dans Douglas Gordon, éditions Tate, Londres, 2000, publié à l'occasion de l'exposition Douglas Gordon • Black Spot; Tate Liverpool, 23 June-1 October 2000



mai 1993
L’organisme Books Works m’a contacté. Ils rassemblaient une série de projets d’artistes et d’écrivains sous le nom de The reading Room. Ils me demandaient de faire quelque chose pour eux.
J’ai dit oui. On a évoqué les villes où il me semblait possible de travailler: Londres, Oxford et Glasgow. Je ne voulais pas travailler à Glasgow, parce que j’y habite et que les gens en ont déjà assez de me voir. Je ne voulais pas travailler à Londres, je l’ai déjà beaucoup fait. La British Library aurait pu être un bon endroit pour travailler, j’y suis allé, mais j’ai laissé tomber.
Finalement j’ai opté pour Oxford. Je n’y étais jamais allé, je ne connaissais personne et personne ne me connaissait.

juillet 1993
Je suis allé une première fois à Oxford pour visiter la Bodleian Library, Green College, l’Ashmolean, le Radcliffe Camera etc. Je pensais que Books Works voulait que je fasse une installation de textes, comme je l’avais déjà fait: une critique sur la connaissance, le pouvoir, et les traditions littéraires de la ville, par exemple. Ils ne m’avaient rien dit de tel, mais c’était mon sentiment. Je n’avais pas envie de faire ça.

août-septembre 1993
J’avais beaucoup voyagé, ces derniers temps. Ce qui veut dire que j’avais eu l’occasion de lire beaucoup plus que d’habitude. Mais je faisais l’expérience d’un étrange état de dislocation quand je lisais un livre en anglais dans un pays étranger. Je lisais Brett Easton Ellis, Jay McInerney, Donna Tartt et d’autres auteurs new-yorkais. Peut-être à cause des histoires que je lisais, les voix que j’entendais autour de moi étaient étranges et je ne comprenais pas ce qu’elles disaient (je ne parle qu’Anglais), et je me sentais légèrement névrotique.
Mais la voix dans ma tête, quand je lisais, m’était familière, même si je ne la reconnaissais pas complètement. Je me souvins alors de ce que j’avais lu quelques années auparavant, dans The Edinburgh Review. Un écrivain italien Gianni Celati, parlait du "fait" que chaque fois que nous lisons un mot, nous entendons une voix. Nous ne savons d’où vient cette voix, mais elle est là, et ce pourrait être la clé de notre interprétation des signes abstraits qui sont sur la page, comme des lettres, qui font des mots, puis des phrases, et du sens. C’était une idée intéressante.
Je commençai à me demander quelle sorte de voix on entend lorsqu’on lit une langue étrangère, ou lorsqu’on lit un texte d’un auteur étranger. Imaginez ce qui se passait alors dans ma tête. Je suis de Glasgow, je lisais American Psycho de Bret Easton Ellis, dans un avion de la Korean Air, de retour du Japon, et allant au Portugal.
Mais je commençais à m’intéresser à l’idée de la lecture comme une activité orale/interne.

décembre 1993
Nouvelle visite à Oxford. Je n’arrive pas à définir un lieu pour ma pièce. Mais je décide que je ne traiterai d’aucun aspect littéraire ou historique de la ville. J’espère que ça ne posera pas de problème à Book Works.

janvier 1994
J’ai décidé que je ferai une pièce pour The Reading Room qui ne comportera aucune lecture (à part celle de ces mots que vous lisez ici). Je veux faire quelque chose entre ma bouche et votre oreille.

février 1994
On décide de travailler dans la Dolphin Gallery. C’est petit, c’est un espace neutre comme on en trouve à Oxford. Aucune histoire particulière n’interfèrera avec la pièce. Je sais maintenant ce que je veux faire.
Je prolonge l’idée de The Reading Room comme espace oral/interne. Je tente de collecter une série de sons qui représentent ce phénomène. Je tente de me souvenir des premiers sons qui m’ont traversés et de l’endroit où je les ai entendus. J’en parle à des amis à Glasgow et on en arrive à parler du temps qui précède immédiatement la naissance; les mois où j’ai reçu les toutes premières informations; je commence à recueillir des informations sur des événements précédant ma naissance de janvier à septembre 1966. Dans la Music and Arts Reading Room de la Mitchell Library de Glasgow, je découvre les numéros de la revue Melody Maker de cette période. C’est parfait. Je commence à compiler la liste des chansons ‘Pop50’, comme on les appelait en 1966. Il y avait des choses terribles dans les charts à cette époque. Je décide d’être très subjectif, j’élimine PJ Proby, Jim Reeves, and Tom Jones, entre autres.

mars 1994
J’envoie la liste complète des chansons à Books Works, en indiquant l’équipement audio nécessaire. Je suggère que la pièce dans laquelle on écoutera la musique soit peinte entièrement en bleu.

playlist
the kids are alright-the who
roadrunner-junior walker
turn, turn, turn-the byrds
paint it black-the rolling stones
I am a rock-simon & garfunkel
summer in the city-the lovin’spoonful
monday, monday-the mamas & the papas
my generation-the who
god only knows-the beach boys
all nor nothing-the small faces
I’m a believer-the monkees
she said-the beatles
here, here, and everywhere-the beatles
8 miles high-the byrds
I want you-bob dylan
19th nervous breakdown-the rolling stones
5d-the byrd
sha la la la lee-the small faces
the sun ain’t gonna shine anymore-the walker brothers
wild thing-the troggs
homeward bound-simon & garfunkel
we’ve gotta get outta this place-the animals
last train to clarksville-the monkees
making time-the creation
I’m only sleeping-the beattles
substitute-the who
sunny afternoon-the kinks
under my thumb-the rolling stones
pretty fandango-manfred mann
out of time-chris farlowe.