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Claude CLOSKY | (IM)PERTINENT SUR TOUTE LA LIGNE |
Entretien avec Marie Gayet | Internet Today, n°9, mars 2001, pp. 76-77.
Marie GAYET: Claude CLOSKY, pourquoi le slogan publicitaire ?
Claude CLOSKY: Parce quil est omniprésent dans notre environnement. Ce sont les messages de loin les plus diffusés et les plus lus. Il me semble naturel de sinterroger sur la façon dont ils sont créés et sur le discours quils véhiculent.
Marie GAYET: Y-a-t-il des slogans qui se prêtent mieux que dautres à votre travail?
Claude CLOSKY: Non, ce nest pas le contenu particulier dun slogan qui mintéresse, mais son mode dapparition et sa perception ; limage du monde quil reflète, les comportements quil suscite.
Marie GAYET: Pour une uvre comme celle des CALENDRIERS, comment choisissez-vous la phrase pour coller au jour, hasard ou raison précise ?
Claude CLOSKY: Pour le premier janvier, jai choisi "Lan 2000, cest nous" de France Telecom, tout simplement en rapport à lavènement de la nouvelle année. Ensuite, jai associé aux jours suivants les slogans en faisant en sorte quils senchaînent harmonieusement. Je les ai rassemblés pour souligner les valeurs promues par la publicité. "Prenons notre futur en main." Les Echos ; "Le meilleur est encore à venir." Apple ; "Il reste tant à faire." Sidaction ; "Les bons mouvements sont toujours récompensés." UAP
Marie GAYET: Lorsquon ouvre le site www.sittes.net, on est étonné par la profusion de vos OEUVRES EN LIGNE. Accordez-vous une importance particulière à vos réalisations Internet ? Sont-elles spécifiques ? Les envisagez-vous différemment de lensemble du reste de votre travail ?
Claude CLOSKY: Mes sites sont spécifiques au réseau Internet, mais leur esprit nest pas différent de mon travail sur dautres supports: celui-ci comporte toujours une part critique concernant le médium utilisé. Mes uvres en ligne remettent en question certains présupposés mis en avant sur le Web, tel que linteractivité au service des internautes ou larborescence comme moyen daccès à linformation.
Marie GAYET: Internet a-t-il modifié votre façon de travailler?
Claude CLOSKY: Il a surtout modifié ma façon de communiquer. Le courrier électronique qui permet denvoyer et de recevoir du texte que lon peut immédiatement retravailler est pour moi une révolution, comme lest également la possibilité que lon a de mettre en ligne une grande diversité de documents.
Marie GAYET: Musées, galeries, ordinateurs, faites-vous une différence entre ces différents lieux pour présenter vos uvres? (avantages, inconvénients)
Claude CLOSKY: Oui, mais je nai pas de préférence. Chaque contexte a ses limites propres sur lesquelles on peut sappuyer ou que lon peut transgresser pour construire son travail, donner son point de vue. Les changements de cadres me stimulent, ils me permettent jespère de ne pas menfermer dans des automatismes.
Marie GAYET: Etes-vous daccord si on vous dit que votre travail a quelque chose deffrayant derrière son apparente neutralité? Croyez-vous vraiment que la publicité nous aliène?
Claude CLOSKY: Je pense que la publicité est un problème si on la subit, si lon cherche à ressembler aux modèles quelle suggère, puisque ceux-ci doivent êtres inaccessibles afin que lon ressente le manque vis-à-vis des produits quils qualifient. Par contre, si on la voit comme un LABORATOIRE produisant des signes sur notre environnement, elle devient alors comme une deuxième langue dont nous sommes les interprètes. Elle permet au contraire dêtre plus détaché de ce qui nous entoure, de gagner en liberté.
Marie GAYET: Alors que se pose la question des droits dauteurs sur Internet, comment se passe le recyclage chronique que vous faites des slogans et des logos avec les sociétés quils représentent ?
Claude CLOSKY: Lorsque je me réapproprie des images ou des textes, ce nest jamais pour prendre la place de leurs auteurs, mais pour endosser celle du lecteur. Il est essentiel que les spectateurs (et internautes) fassent la part entre mon travail et celui à partir duquel il est construit. Pour montrer le monde qui nous entoure, il est nécessaire dinclure les représentations élaborées par dautres. Aujourdhui nous percevons la réalité davantage au travers de sa médiatisation quen lexpérimentant directement.
Marie GAYET: Tout le monde loue linteractivité dInternet. Quelle place accordez-vous à linternaute?
Claude CLOSKY: La meilleure: celle doù il pourra voir du premier coup dil les limites de ce qui lui est offert sur le site. Je suis très sceptique quant à linteractivité au service des internautes, interactivité censée leur offrir plus dautonomie. En réalité, naviguer sur le Web consiste à sauter de page en page selon des parcours préétablis par les propriétaires de sites pour nous amener là où ils le souhaitent. Les dispositifs interactifs sont tournés vers eux-mêmes, pas vers les internautes.
Marie GAYET: Vous navez pas encore recyclé les slogans concernant Internet. En avez-vous déjà repérés ? Cela pourrait-il être un projet futur ?
Claude CLOSKY: Je suis justement en train de travailler sur un nouveau projet sintitulant Cliquez ici qui sera exclusivement composé de bandeaux publicitaires empruntés au Web. Il sagira dun labyrinthe virtuel dont on ne pourra sortir, où les couloirs sont les liens Internet. Celui-ci sera visible très prochainement à ladresse suivante : www.sittes.net