Time Phones. Atelier proposé par Caroline Bernard et Gwenola Wagon, 22 -23 -24 mai 2006
 
Atelier se déroulant à l'HEAA, Postgrade, à Genève, les 22-23-24 mai 2006 sur le thème des films pour téléphones portables. Ce worshop est une invitation du Pocket films festival qui aura lieu le 6, 7 8 octobre 2006 au centre Pompidou. En effet, s'ils sont probants les projets réalisés lors de cet atelier seront diffusés à cette occasion.
Intentions : un projet collectif

Une tentative de description d’une scène (urbaine) partagée entre plusieurs vues. L’enjeu étant de réaliser une ou plusieurs performances de tournage avec multi-cadreur en utilisant les téléphones caméra et par la suite les diffuser pour un split screen. Penser à une finalité collective de ce travail. S’interroger sur la vision plurielle et ces possibles relations… En effet, comment plusieurs vues venant d’autant de réalisateurs peuvent-elles cohabiter dans un même espace-temps ? L’enjeu est donc celle de réfléchir à un scénario et un tournage dans un premier temps pour réaliser une ou plusieurs performances dans un second temps.

 
L'Image apprivoisée

«Lorsqu’au cinéma l’écran est scindé en deux parties ou davantage, c’est en général pour décrire plus justement la simultanéité de plusieurs événements dans des lieux distincts, il n’est pas question de désynchronisation. Dans L’Homme à la caméra, Dziga Vertov signifie ainsi la concomitance de certains événements et souligne le rythme de la ville dans toute son amplitude. L’approche d’Abel Gance diffère quelque peu, puisque l’inventeur de la polyvision choisit non pas de partager l’écran, mais de le multiplier. Il espère décupler la force des images par le fait de les cumuler et de les percevoir « dans l’horizontalité ». Bien plus récemment, l’œuvre Consolation Service créée par Eija-Liisa Ahtila, artiste finlandaise, comporte deux projections placées côte à côte. L’artiste alterne les modes de lecture, soit elle choisit de doubler une image unique, soit elle met en parallèle différents cadrages d’un même moment ; un jeu de champ contrechamp s’organise. Juxtaposer ainsi les points de vue accroît les perspectives narratives, les images deviennent interdépendantes et se répondent. La lecture du spectateur se fragmente et perd son caractère strictement linéaire. » Caroline Bernard, dans L'Image apprivoisée Jouable - Art, jeu et interactivité
 

Polyvision / Split screen 

Abel Gance invente le triple écran. "J’ai pu projeter sur trois écrans, disposés en forme de tryptique, trois scènes différentes, mais toujours synchronisées, et élargir aussi formidablement le champ de notre vision spirituelle. » Dans Napoléon, Abel Gance réalise des surimpressions à raison de huit réimpressions par écran, apparaissent à certains moments, vingt-huit visions entrelacées. Pour Abel Gance l’écran unique est un groupe d’instruments restreints. Lorsqu’il montre une scène de Napoléon il prie les spectateurs de développer mentalement des écrans imaginaires à côté pour y voir passer au moins quelques reflets de la grande symphonie absente.
Le triple écran, avec un champ visuel, embrassant, d’un seul coup d’œil, trois fois plus d’éléments visibles que ne le comporte l’actuelle projection, avec ses ressources multiformes des écrans latéraux formant orchestrations visibles et synthétiques du motif dramatique central, répond à cette nécessaire évolution.

Abel Gance écrit ainsi : « …Et lorsque l’image gigantesque sans solution de continuité envahira toute la surface du grand écran, elle nous apparaîtra comme un phœnix dont les ailes latérales qui l’ont porté harmonieusement jusque-là, continuent à battre hors de notre vue, pour la rendre incomparable. » Selon Abel Gance l’avenir du cinéma est dans son étendu, plus la surface de l’écran est occupé, plus le spectateur sera immergé…  Il croit au don d’ubiquité au choc des images côte à côte et conclue sur le fait que la polyvision est une nouvelle manière, plus courte, plus « atomique » pour raconter une histoire.

 

Time Code de Mike Figgis, DVD.Columbia/Tristar Studios, 2000.

Time code : http://en.wikipedia.org/wiki/Timecode
New Punk Cinema edited by Nicholas Rombes, Edinburgh University Press, Edinburgh, 2005.
Time Code a été tourné en quatre prises continues de 93 minutes utilisant des caméras SONY DSR-1. La version distribuée est celle que Figgis a sélectionné parmi quinze séances de tournage/improvisation.
La notion d’art pour Figgis est toujours en relation avec la performance et Time Code est réalisé comme une performance musicale. En effet, les quinze séances d’improvisation de Time Code rappellent les séance de jazz (jazz music session). Mike Figgis a écrit le script sur du papier à musique concevant les quatre trames narratives comme un string quartet. Le film digital pour Figgis est une sorte de musique cinématique (cinematic music) ou une performance de musique visuelle.
p.110 : « Similarly, in Time Code Figgis uses the space of the screen and the four quadrants in a way that would revisit and remediate the space of a Figgis mentions dance techniques when describing the choreographies the camera-operators had to perform in order the appropriate actiojn on the right occasion. » La performance est aussi du côté du spectateur qui doit arriver à appréhender les autre trames narratives dans la même temporalité et spatialité. Il doit faire l’effort de repenser chaque scène en fonction des autres. Il fait donc un effort mental.

 

Immediat. Quatre caméras, Une seule prise. Pas de montage. Temps réel

L’arrivée des cassettes dv, signe aussi l’arrivée du cinéma ready made. La durée est le temps d’une cassette DV de 93 minutes. p.176 : « In a similar way, Time Code seems to embrance the telecommunications technologies of reality television, forgoing any tight scripting, adopting the typical multiple-camera set-up of surveillance video, and recording its episodes in real-time, ‘rather than the artificially compressed time of traditional film narrative’. Le film joue de toutes les stratégies spatiales de la vidéo surveillance ; Poursuivant les traditions dramatiques des constructions narratives.
Le tremblement de terre successifs font converger toutes les scènes…
http://www.bbc.co.uk/films/2000/09/01/mike_figgis_chat_transcript_article.shtml
Time Code production notes
http://www.nextwavefilms.com/timecode/script.html
http://www.fluctuat.net/cinema/chroniques01/timecode.htm


Synchronicité

Avec Time code le hors champ nous échappe encore plus. Time code produit presque quatre fois plus d’espace hors champ. Je me suis intéressée à ce que ces vues ne montrent pas ; ce qui reste en réserve. Pour que les quatre vues s’harmonisent et se complètent, Mike Figgis a recours à des plans en caméra subjective, des détails, de très gros plans ainsi que des répétitions. Car si les quatre vues nous montraient vraiment quatre morceaux trop divergeants, on ne pourrait pas suivre ce qu’il se passe tant on serait pris par de trop nombreuses informations.
Un autre projet nommé Four Speakers avaient pour objectif de décrire un lieu à voix haute en donnant quatre interprétation de ce qu’il se passe, tandis qu’un caméraman en relation avec leurs commentaires filme en direct.
Enfin lors du dernier atelier Max, Narration séquentielles qu’Alexis réalise à Genève, les participants filment une scène avec deux caméras postées à des endroits précis où deux protagonistes se cherchent dans la gare de Cornavin en effectuant un parcours organisé et suivent un plan de tournage très précis.

 

Accrocher / se saisir

Se saisir de l'espace avec le téléphone caméra / en relation avec l'idée d'épuisement / épuiser / s'épuiser.
Georges Perec, Espèces d'espace, et Tentative d'épuisement d'un lieu parisien.
voir à ce sujet le texte L'épuisé de Gilles Deleuze publié dans Quad et autres pièces pour la télévision de Samuel Beckett et sa relecture et réinterprétation par Bruce Nauman dans Slow Angle Walk (Beckett Walk).

 
Polyphonie / Phone Bill

Transposer ses pensées, la sienne et celles des autres. Phone Bill de Christophe Atabékian est une écriture polyphonique. Les images sont légères qu'il faut pour leur donner du poid une habilité particulière, ainsi, le minuscule écran s'enrichit de nombreux sons. Les images compressées se fondent entre elles par la compression temporelle et spatiale tandis que le son se réverbère. Habilité, dextérité, devenir un acrobate au téléphone-caméra. Les sons surajoutés au film s'écrivent dans un dédale de reflexions et de possibilités ; pour cela C.A a recours à des stratagèmes. Par exemple, les sons qu'il télécharge sur son disque dur et qu'il va trier par durée, ainsi il leur trouve la durée adéquate à ses plans. Dans cette écriture polyphonique, les sons et les images proviennent de sources qui s'entrelacent : voix d'acteurs, voix d'Atabékian, voix d'ordinateur, musiques, traduction de conférences, enregistrement radiophonique… Ce feuilleton est composées de morceaux qui s'agencent par séries où au fur et à mesure de la vision, on s'accroche à la suite. Que va t-il se passer dans le prochain Phone bill ?
Pour en savoir plus sur Poutine http://videoarchive.blogspot.com/2005/05/phone-bill-n12.html
l'intérêt du split screen : http://videoarchive.blogspot.com/2005/06/phone-bill-n14.html
et Tristan et iseult http://videoarchive.blogspot.com/2005/08/phone-bill-n55.html
 

Faire événement

Chaque réalisateur déclencherait le film en même temps. Une sorte de minuteur, ou de bombe à retardement filmique. Avec les téléphones ,on se partage une communauté de vision plus ou moins reliées entre elles par les numéros de téléphone. Avec les téléphones caméras (ou tout autre caméra mobiles et accessibles), les films produits sont parfois réalisés par réaction en relation avec des événements. On réagit, on filme, on montre. Un attentat, une dispute et tout le monde manipule ou sort sa petite caméra. Interroger cette arme de la banalité. Ainsi on peut ici citer en exemple les films tournés avec ces tous petits outils comme les vagues du Tsunami ou les bombes qui ont explosé dans un snack bar en Indonésie, à Bali en automne 2005. On est dans un snack, la personne filme son repas, elle parle et soudain filme le sol, l’image tremble on entend juste une secousse et une détonation. La simplicité des premières secondes de ce tournage et sa mauvaise résolution nous prouve qu’il s’agit bien d’un tournage amateur. Cette vidéo sera diffusée comme étant un document aussi important qu’une photographies plus officielles.

 

Low tech

Dans ces films de téléphone, c’est la banalité, les pixels, la dramatisation, le son de mauvaise qualité, c’est vraiment une esthétique de la mauvaise résolution. A ce sujet, on peut voir les vidéos du Tsunami réalisées par des touristes-vidéastes. « on y remarque les limites de la perception humaine que la vidéo a également beaucoup de mal à relever... Mais ce sont les limites du visibles qui engendrent ce rapport très pénétrant avec le paysage. » Joffrey Dieumegard
http://wizbangblog.com/2005/01/01/wizbang-tsunami-video-archive.php
Il est possible de faire un tournage où l’image ne soit pas trop pixellisée pendant un mouvement mais la main qui manipule le téléphone doit être suffisamment agile car bien que cet objet soit facile à manipuler, il faut une certaine dextérité pour conserver une stabilité du cadre.

 

Can You See Me Now ?

Blast Theory est un groupe d’artistes basés à Londres depuis 1991. Le point de départ ou d’action de leur travail n’est pas technologique plutôt entre plusieurs chemins, ils croisent la question des médias et celle de la technique. Le chemin dans lequel la technologie influence notre manière de comprendre le monde tout autour de nous.L’idée était celle d’une poursuite entre des membres de Blast Theory en dehors de la rue – appellé aussi des coureurs – qui doivent être attrapé par les membres du publics jouant online. Ce jeu de course poursuite est simple et très efficace tout en étant très attractif.Voir à ce sujet le jeu de Loup filmé par Caroline Bernard et recomposé pour être mis sur deux écrans de téléphone portable.

 

Christian Marclay, Téléphones, and Video Quartet

Téléphones est constitué de clips à partir de films ou des hommes et des femmes se parlent au téléphone, ou bien dans lesquelles le téléphone apparaît ou se fait entendre. Le téléphone permet simplement de s’échanger les temporalités et les espaces entre les personnages apparaissant et surgissant à l’écran.
Dans Video quartet, il sample et organise quatre images et des bandes son simultanément sixteen minutes symphony taht ovewhelms our senses of both sight and sound.

 
Détails

Fernand Léger dans À propos de cinéma, (Nouvelles éditions Séguier, Paris, 1995) .précise que le cinéma personnalise le fragment. il l’incarne ; avec le téléphone portable nous proposons de relier une multiplicité de regards fragmentaires… Tous ces fragments vont composer le tout… de se répartir les rôles, les cadres et de leur donner les possibilités d’être complémentaire. Le détourage devient quelque part un référents se connectant aux autres, on peut leur accorder une marge, un espace, un intervalle plus grand que les gestes dirigés par les autres cinéastes. Au sujet du détails, voir les cadrages de Pickpocket de Robert Bresson
 

Œuvres en relation avec les enjeux de l’atelier
Christophe Atabekian PhoneBill
BLAST collectif d’artiste, Can you see me ?
Eija-Liisa Ahtila, The cinematic works
Olga Liliana, My boyfriend came back from war
Jean-Luc Godard, Numéro 2
Chistian Marclay, Quartet vidéo
Bruce Nauman, Violent accident
Caroline Bernard + Gwenola Wagon
Festival Pocket films
http://www.arte-tv.com/fr/search__results/1050574.html
Caroline Bernard, Grande roue

Liens cinématographiques
Abel Gance, Napoléon
Dziga Vertov, L’Homme à la caméra
Norman Jewison, L'affaire thomas Crown
Térésa De Keersmaeker et Thierry De Mey, Rosas danst rosas
Mike Figgis, Time code
Lev Manovitch, Soft cinema

 
Extraits Presse

L'ère du très petit écran, Courrier international, n°781, 20-26 oct 2005
"Etre toujours connecté tous en échappant à l'immobilité"

Le numérique, une arme à la portée de amateurs, Courrier international, n°707, 19-26 mai 2004
Des images faites par des amateurs, nouvelle façon de rapporter le monde qui nous entoure. Absurdité que les propres acteurs de ces exactions ont diffusé ces images.

Une icône de la souffrance humaine, n°711 17-23 juin 2004
Les photos arrangées pour marquer les clans. Ce ne sont pas des photos volées, ni des images d'actualité d'un photographe de presse.

Voir phénomène du Happy-slapping...
Article Libération
Avec le happy slapping c'est à celui qui produira le film le plus gore, Ludovic BLECHER, jeudi 27 avril 2006

A propos des attentats de Londres, CI, n° 767, 13-20 juillet 2005
Vivre avec le terrorisme
Le téléphone portable devenu talisman.

L'événement vu au téléphone
Attentats de Londres, retransmis par téléphone. Tout le monde s'improvise journaliste et diffuseur de son propre témoignage, avant même que la presse ne puisse se saisir des images.

Rebond sur un article de Christine Ross, sur la notion d'écran immersif:
«L'image ne serait plus une image que l'on regarde, mais un environnement que l'on habite» Elle cite Martin Lister…
A propos de M. Rovner « (…) qu'il importer également de se poser la question de la performativité des fictions issus d'écrans qui détachent de plus en plus difficilement la fiction de la réalité»
Oliver Grau "notion d'images privées", toujours en lien avec les dispositifs immersifs...
L'écran en voie de disparition (toujours inachevée), Parachute n° 113, Montréal