Conférence : "Manifesta 4", questions de procédures, de contextes et de méthodologies.
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La conférence 1ère partie
[ce qui suit est une retranscription "fidèle", non encore relue par l'auteur de la conférence. Les phrases longues conservent la fluidité de l'élocution et s'accordent au mode de lecture fluide à l'écran]
MANIFESTA 4 est la quatrième édition dune biennale dart contemporain européenne, une biennale particulière qui a des attentions, des enjeux particuliers. Jai été, cette année, nommée commissaire avec Iara Boubnova, et Nuria Enguita Mayo.
Dune certaine manière il y a une proximité dans les origines et larchéologie de MANIFESTA par rapport à DOCUMENTA. MANIFESTA est née au moment dune crise historique, après la chute du Mur de Berlin et autour dune préoccupation et dune réflexion émanant de quelques critiques et commissaires dexposition qui voulaient réfléchir sur les conditions de déséquilibre et les disfonctions entre Europe de louest et Europe de lest: Voir comment après cet événement majeur, allaient se mettre en place dautres réseaux, dautres mouvements, dautres territoires, territoires de production, danalyse et de création et quelles allaient être dans les années à venir, les nouvelles formes de création, et les anticiper. Ces gens se sont constitués en une espèce de groupe, au départ très informel qui sappelle aujourdhui La Fondation MANIFESTA. Ce nest pas une organisation secrète, cest un groupement de gens qui sont pour la plupart des commissaires dexpositions, des critiques, qui travaillent ou non dans linstitution artistique et qui se sont rassemblés pour réfléchir à la création dun nouvel événement et surtout dune nouvelle forme dexposition.
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Cette nouvelle spectacularité de lart
Cétait aussi sinterroger dans le contexte de lart, sur linflation des événements de type biennale partout dans le monde, sur la nécessité de ces événements, sur leur contenu et de voir comment fonctionnait cette nouvelle spectacularité de lart. En effet, depuis dix ans, partout dans le monde, chaque grande ville a une demande culturelle importante, qui va dans le sens de la multiplication des biennales. Lesprit de MANIFESTA, cétait de se situer dans un espace public et un peu en retrait de cette spectacularité, en retenant lidée de la mobilité, lidée du nomade, dêtre hors dune logique culturelle institutionnelle figée et locale: le groupe sest mis daccord sur le principe dune biennale qui circulerait, qui aurait lieu dans une ville différente, à chaque nouvelle édition.
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Le principe curatorial choisi
La première biennale a eu lieu à Rotterdam, la deuxième à Luxembourg, la troisième à Lublijana, et la quatrième, cette année, à Francfort. Francfort nest pas un lieu marginal, cest la ville des banques. Mais en Allemagne, la notion de centre est éclatée. Francfort est une capitale mais dune certaine manière...
Pour les pratiques de sélection, lidée était dessayer de court-circuiter la position a priori dominante du commissaire dexposition, qui est devenue la figure centrale de lart, ces dernières années, et de mettre en évidence un espace de partage, encore une fois décentralisé et de nommer à chaque fois une équipe de commissaires et non pas un seul commissaire comme seule instance décisionnaire, avec des variations depuis la première édition. La Fondation MANIFESTA a nommé des équipes avec trois, quatre, cinq commissaires venus de différents pays européens, avec un langage, une culture différente, une histoire différente. Lidée était de créer une situation détrangeté porteuse de collaboration, dalliance, de négociation et de partage, en sachant que les conditions nen étaient pas acquises davance, que cette situation était génératrice de crises, et que cela faisait partie de la dynamique, des enjeux mêmes de MANIFESTA, de situer toujours MANIFESTA à lendroit dune crise. Cétait le principe curatorial choisi.
Dans son nom même, MANIFESTA exprime la volonté de donner la parole aux commissaires _la prise de parole est importante_et de leur donner la possibilité de refonder, de questionner, voir de détruire des modèles: des modèles discursifs, mais aussi économiques, des modèles dexposition, des modèles de relations avec les artistes, avec la création, avec le savoir... Ce qui voulait dire, dans le faire même de cette exposition, de reprendre à chaque fois les choses depuis le début, de se reposer la question de la pratique artistique en regard de celle du commissariat. Cest une sorte de mouvement de balancier qui regarde dun côté et de lautre, de lun dans lautre, la pratique artistique et la pratique curatoriale.
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Quelle Europe?
Quand jai été appelée à travailler sur MANIFESTA, je savais déjà que jentrais dans une histoire quil fallait accepter. MANIFESTA porte sur un territoire précis, une géographie précise, qui est lEurope. La première question, cétait quelle Europe? Quelle est lacception, quel est le regard ou la connaissance quon a de lEurope? Est-ce que cest une Europe extensive, une Europe limitée à lEurope économique. Quels sont les déplacements, quest-ce qui se produit en termes de géopolitique aujourdhui. La première question, cest celle du positionnement géostratégique. Puis il y a la question du temps, ou des fréquences et des cycles. MANIFESTA a toujours été énoncée comme la plus petite des biennales et qui sintéressait principalement aux pratiques artistiques émergentes (autre formulation de jeunes artistes) ou à des formes encore inconnues de la création. Quand on accepte de travailler dans ce cadre-là, les premières questions sont finalement des questions de limites, de frontières, de définition et de différenciation.
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Les méthodologies pratiques de MANIFESTA
La première dynamique est celle qui consiste à repenser ces frontières, qui sont des frontières infiniment mobiles et à essayer den vérifier les territoires. En ce qui nous concerne, très vite, on a essayé de mettre en place une sorte de méthode danalyse et on a commencé à senvoyer des questions en sachant quon ne se connaissait pas du tout, quil fallait faire cette expérience collective. Dans les méthodologies pratiques de MANIFESTA, il y a un élément central qui est celui de la recherche, cest à dire que MANIFESTA met les commissaires en situation de se déplacer, de voyager, de faire une recherche extrêmement importante et donc de circuler dans toute lEurope, pour regarder ce quil sy produit, pour rencontrer des artistes, dautres médiateurs, et justement la question quon se pose en général (12:32), cest celle de la médiation. Est-ce quil y a besoin dune médiation supplémentaire, étant donné que le curator est déjà dans une position de médiation, est-ce que cette médiation nest pas justement leffacement dune situation politique plus dure et plus intéressante?
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Penser lart en terme de situation locale
Les voyages, pour nous, ont duré neuf mois, pendant lesquels on a traversé plusieurs villes dans chaque pays dEurope, parce que les pratiques artistiques devaient être regardées en fonction de contextes précis, et quon peut difficilement aujourdhui penser lart en termes de pays, de nationalité, mais plutôt en termes de situation locale (13:25). Dune certaine manière, il y a autant de différences entre Sarajevo et Lisbonne quentre Madrid et Barcelone.
On sest donc donné la possibilité de regarder attentivement les limites et les frontières entre ces différentes situations et localisations. On a visité environ 36 pays, ensemble, parce quil fallait faire cette expérience ensemble, cétait la seule condition de réussite (14:03). Lidée, ce nétait pas déchanger simplement des listes de noms et de faire circuler les noms et les informations parce que ça, cest typiquement un travail de communication et de médiation et on voulait être en dehors dun tel travail. On sest vite mis daccord sur le fait que ce quon faisait navait pas encore de statut, mais que ça navait en tous les cas rien à voir avec des stratégies de communication. On a rencontré plus de 1000 artistes (14:34); ça a lair dêtre très performant, très spectaculaire, et en même temps ridicule, parce que rencontrer 1260 artistes pose la question des conditions dans lesquelles on les a rencontrés, de la qualité et de la nature de la rencontre. De loin, ça pouvait être perçu comme une espèce de casting international (15:00).
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Radicaliser (un peu) la logique de MANIFESTA
Mais on a décidé de radicaliser (un peu) la logique de MANIFESTA et daller très loin dans cette espèce dappétit constant, de recherche constante et dintensifier lexpérience. On se retrouvait souvent dans une situation détrangeté et très vite on a compris que le projet quon était en train de faire ne serait pas délimité par une thématique (15:35) globale: thématique de la frontière, du corps, de lidentité..., mais par la situation particulière dans laquelle on se retrouvait nous, par lexpérience elle-même (15:58) à la fois de relation, de cochage, de rencontre, damnésie, de déplacement dans les villes. La métaphore la plus intéressante pour le projet quon allait mettre en place, pour éviter laxe thématique (16:32) et pour éviter les grandes catégories conceptuelles, cétait certainement celle de la différence et donc de la crise, du conflit. Par ailleurs, on sest dit que la ville est toujours le lieu de la crise, du conflit. Francfort elle-même est une ville dans laquelle les gens sont majoritairement étrangers, étrangers au sens que Francfort est une ville de passage, un des plus grands aéroports du monde, une ville où les gens ne restent pas, ne demeurent pas et ne font que passer. Cest une ville qui est assez étonnante dans son organisation des communautés étrangères, qui ne sont pas organisées en quartiers.
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Un certain nombre de questions
On a commencé à élaborer une sorte de réflexion diffuse sur la notion de crise, de conflit, de ville, de paysage communautaire et de paysage individuel. (17:39) avec des terminologies en anglais qui fonctionnent évidemment mieux. On a essayé de mettre en place une sorte de vocabulaire pauvre (17:50) sur lequel démarrer et un certain nombre de questions. Je vous soumets les miennes. Lidée était aussi de se dire dans la stratégie de mise en relation (18:04) des commissaires, puis des artistes, puis de tous les participants, le risque majeur est la neutralisation (18:14) des pensées, des discours, des subjectivités, et donc on sest imposé une sorte de contrainte, qui nécessite des efforts et un entraînement pour ne jamais se substituer à lautre (18:32). Par exemple, je nai jamais intégré dans mes textes des éléments qui venaient des textes des deux autres commissaires, parce quon pensait que ce qui allait se produire de plus intéressant était certainement dans lintervalle (18/53) entre un discours et un autre, et dans lintervalle entre le projet dun artiste et le projet dun autre.
Donc, très vite, on a compris quon ne ferait jamais le jeu des associations ou dune certaine linéarité dans lexposition, si lexposition devait avoir lieu, parce que là aussi, cest un des éléments importants dans MANIFESTA, il y a cette espèce de liberté apparente au départ,_apparente, parce quen même temps, la demande implicite est très forte de faire vraiment une exposition_liberté qui donnerait la possibilité aux commissaires de ne pas faire une exposition. Favoriser la recherche, avancer très loin dans la recherche, faire ce travail danalyse et de différenciation, mais peut-être de ne pas faire une exposition en sachant que lexposition nest pas toujours le seul contexte (20:00) ou le meilleur médium pour dire, exprimer un certain nombre de choses ou même pour mettre les artistes en situation de production.
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MANIFESTA, cest un format particulier dexposition
Depuis le début, MANIFESTA a toujours été une exposition. Si elle continue, elle sera toujours une exposition et même un format dexposition (20:00), qui est en train de sinstitutionnaliser dune certaine manière. On na jamais été dupe, on na jamais été naïf, on a toujours su quon ferait une exposition, quon était intéressé par le format dexposition.
On a mis en branle un certain nombre de règles du jeu en sachant très bien quau bout de cette trajectoire, de ce parcours, on ferait une exposition qui serait à limage des conditions réelles dans lesquelles on avait décidé de travailler, conditions marquées par la différence, lextériorité, létrangeté, par différents déplacements. Les questions posées nallaient évidemment pas être résolues par lexposition puisque je ne pense pas quune exposition soit un exercice didactique, ni une explication de texte. Une exposition ne résout jamais rien. Une exposition est un espace proprement problématique. (21:45) dans lequel on voit apparaître les questions, les tensions et justement les différences. On voit apparaître le rapport entre deux objets, entre deux personnalités, deux individualités, deux temporalités, deux espaces. Cette notion de deux et non pas dun (pas de linéarité) est très importante.
Cest un des aspects les plus controversés de MANIFESTA, puisquon nous a beaucoup reproché de ne pas avoir mis en réseau les travaux des artistes les uns par rapport aux autres, de ne pas les avoir mis en regard, de ne pas les avoir assez instrumentaliser (22:35) dune certaine manière. En ce qui me concerne, je nai pas de problème avec linstrumentalisation. Je pense même quil y a des commissaires dexposition qui font un travail formidable et de toute façon, on instrumentalise toujours le travail des artistes, mais là, dans cette situation précise, jai toujours eu la conviction que cétait intéressant de reterritorialiser, puisque MANIFESTA est un projet sur la question du territoire, de reterritorialiser chaque projet individuellement
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Reterritorialiser chaque projet individuellement
La première question était celle des étrangetés, des extériorités, ou des territorialités. Assez vite, on sest dit que plutôt que dessayer de traiter de façon binaire ces relations extérieur/intérieur, exclusion/intégration, ou de faire le jeu des répartitions habituelles qui sont la plupart du temps des répartitions identitaires nationales et culturelles, il était plus important de considérer chaque projet dans son rapport aux autres, comme autant de lignes (vérifier le mot) et de pratiques résolument étrangères et déterritorialisées. Il sagissait de produire un paysage contenant lui-même des îles (23:49) des portions de mondes et de montrer les tensions entre chacun de ces mondes. De montrer les écarts et les différences, (24:06) et tout ce qui se produit dans lécart, le moment intermédiaire où une pratique se déplace dun territoire à un autre, du texte à la forme, du dessin darchitecture à la réalité du lieu dhabitation, de la connaissance à lexpérience, de la représentation dune image, dun signe du discours à sa perception. Cet espace dintervalle étant très exactement ce quon appelle le dispositif, notion qui vient de la sémiologie, de la psychanalyse et qui est cet espace a priori mentalisé, cet espace flottant imaginaire et en même temps physique qui sépare le regard du spectateur (pas le public) et la forme, lobjet ou le lieu de la projection. Et dans cet intervalle, dans ce lieu intermédiaire, se produit quelque chose dautre, qui na pas à voir avec lidentité du spectateur ou avec la qualité ou la nature de lobjet, mais qui est dans un rapport de coproduction et qui produit un autre objet, une autre forme ou un autre contenu.
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Des formes de déroute
La deuxième question importante est celle qui concerne les déplacements, les décontextualisations, des formes de déroute (25:29) _on sen est rendu compte en voyageant, en sachant que les circonstances étaient étranges, parce que nos voyages se sont déroulés dans le moment du 11 septembre. Et cet événement, cette conjoncture nous a permis aussi de ré-articuler quelque chose et de penser différemment à la fois nos propres déplacements (difficultés à voyager), ces situations intermédiaires (situation daéroport: ces lieux dinsterstice), et de repenser la notion détranger, dautre (26:35), par rapport à ces notions de déplacement, de déroute. (réécouter larticulation du discours)
On peut se dire quil y a plus encore aujourdhui que précédemment, la sensation dune déroute généralisée, accélérée, par la conviction commune que tout est déjà là, produit, accessible, et montrer comment les artistes travaillent, même à un niveau inframince, sur les possibilités de se réapproprier la somme dimages, didées, de productions déjà investis, comment ils font de lhistoire et de ses impasses (27:00) un terrain actif dinventivité, comment ils travaillent avec le trop plein ou le presque rien, avec la confusion et avec les manques, avec les pouvoirs et les dysfonctionnements des outils de communication, enfin comment ils donnent les moyens de leur propre visibilité dans un environnement qui ne rend visible que ce qui est déjà vendu.
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Lidée du manque ou de la perte
On a eu assez vite une espèce de sensation commune que lenjeu aujourdhui dans les énoncés, dans les projets des artistes (27:35) sétait déplacé par rapport à la notion dappropriation, qui était très présente dans les années 70-80, vers quelques chose qui était lidée du manque ou de la perte, cest à dire comment on travaille avec la perte. cest quelque chose qui revient très souvent dans le discours des artistes, ceux qui reprennent par exemple tout lhéritage de la modernité et on sest rendu compte quil ny a pas une véritable tendance didées communes (28:14), un discours commun, il sagit dune espèce de circulation des pensées: les pensées circulent de manière synchrone, et pour le coup au-delà des frontières (28:27) et des situations spécifiques locales.
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La forme de lexposition: déplacer les archétypes
Pour cela, il fallait sengager dans un travail structurel La forme de lexposition (28:36)où lartiste, quand il est jeune et a été encore peu exposé pouvait faire surgir une forme singulière à partir déléments communs banalisés étranglés (vérifier le terme) par la culture globale, mettre en place un système de renversement des hiérarchies: dune part, lartiste seul est placé dans un environnement plus large, se représente son monde, construit son contexte. comme sil sagissait dune exposition monographique, dautre part, à linverse, le groupe, le collectif, se configure comme une entité concentrée sur un seul objet détude et de création.
Jouer ainsi sur les archétypes des expositions collectives qui fonctionnent sur la dissémination (29:14) et monographiques qui fonctionnent sur laccumulation. Dans le cas de dexposition collective, lartiste doit jouer avec les limites des autres. Dans le cas de lexposition monographique, il ne sagit souvent que de travailler sur ses propres limites (29:26).
Lexposition pouvait ainsi être le terrain dexpérimentation dun déplacement des archétypes. Ceci a été assez peu perçu par les gens qui ont visité lexposition, mais pour nous ça faisait partie des enjeux importants.
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De la maison à la ville à létat au monde
Lautre question était cette espèce de déplacement, non pas de thématique mais de figure un peu littéraire, ce passage qui seffectue pour un artiste et comme pour nous dune certaine manière, de la maison à la ville à létat au monde. (30:02) Lexposition pouvait prendre pour nous la forme dun trajet circulaire dans la ville où chaque monde serait à la fois représenté comme totalité et partie. Il sagissait dinsister dans lensemble des productions et des artistes sélectionnés sur tout sur ce qui a à voir avec la fiction et la réalité de lhabitation, du voyage, de lexil, du transport, de la maison, des modalités dhabitation, de circulation et de signalisation. Tout ce qui a à voir avec les structures précaires, mobiles, avec les visions-machine, avec les écrans, la signalétique, avec le déplacement des paramètres urbains, avec la création despaces communautaires, despaces révolutionnaires au sens de répétitifs et circulaires (30:50)
Cette notion de répétition et de circularité a aussi été une sorte de figure courante dans le travail quon a voulu effectuer et dans la sélection qui sest faite à un moment donné, pour les artistes.
Ce dont je vous parlais aussi, qui est quelque chose quon a mis à plat à un moment donne et qui fait partie des éléments textuels du catalogue, cette espèce dincident majeur, dinterruption (le 11 septembre) nous a permis de travailler sur ces données, et donc décrire un bref passage :
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La mondialisation comme une série de flux
Donc, pendant ce temps, lidée du POST _Quest-ce qui se passe quand un événement de ce type se produit, quest-ce qui se passe après, comment ça transforme en surface ou de manière fondamentale les mécanismes de pensée et les formes dagir, les actes? Pendant ce temps, la guerre, la guerre étant un effet direct de la mondialisation (vérifier le texte,32:04) au sens où le discours global a généré lanxiété, les rumeurs, les images, les slogans qui vont toujours plus vite à travers le monde. Après le 11 septembre, nous assistons à une bataille à propos des visions concurrentes de la mondialisation. Il faut dire que ce nest pas une guerre de civilisation, ni loccident contre lislam, ni le bien contre le mal, mais cest pourtant une guerre. Quelle interprétation de la politique, de la culture, de léconomie, de la morale, de lesthétique va lemporter au niveau mondial. Notre travail sest situé exactement à lendroit de cette question..., et quelque chose dans MANIFESTA a dû enregistrer dune certaine manière une série dhypothèses sur ce présent et cette inquiétude (32:44). A travers lart, tel quil se développe aujourdhui, il sagit plutôt de voir la mondialisation comme une série de flux (vérifier le texte 32:50), de passage entre les cultures, et non comme limposition dune culture dominante au niveau planétaire.
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Une troisième voie originale et irréductible
Voir davantage une mise en mouvement de cultures qui sinterpénètrent quune opposition, voir aussi lémergence de différents types de modernités (33:07), de formes de réappropriation, voir comment la culture du faible par exemple, le cinéma alternatif, ou les formes de production très marginalisé se nourrissent de la culture du fort et de toute la production dominante (le cinéma américain par exemple) pour produire une troisième voie originale et irréductible (33:30). La mondialisation engendre en ce sens davantage dhétérogénéité (33:35) de différence que duniformité et de ressemblance.
Comme les films, il y a partout les mêmes outils, les mêmes ordinateurs, qui se ressemblent dans leurs techniques, mais ne sont pas utilisés, ni intégrés dans limaginaire de la même façon.(33:40)
Cest pourquoi il convient maintenant, il convenait pour nous danalyser les ressources différentielles que peut produire la mondialisation, notamment chez les jeunes artistes et de tracer à travers leurs pratiques quotidiennes, lhistoire des diversités culturelles ou plutôt des mouvements de diversification des cultures. Monter par exemple comment entre Sarajevo et Munich, les jeunes artistes utilisent la technologie, (34:13) la presse, les médias, et montrer lusage singulier quils font de la culture globale.
Cette question de lusage, qui na rien à voir avec un rapport dusage, un rapport de consommation, est aussi, je pense, une question centrale qui est finalement peu discutée (34:33), assez peu analysée, sur le terrain de lart contemporain. Elle est pourtant très importante, parce quon sest rendu compte, en faisant ce travail dinvestigation dans toutes les parties de lEurope, quil y avait une véritable polyphonie, et une véritable hétérogénéité des modes dutilisation des outils, des cultures, des langages. Lorsquon parle de mondialisation, il y a toujours cette espèce de vision très monolithique et très diabolisée de la culture dominante, de ce rapport dominant/dominé (35:29) qui appauvrit énormément le discours sur la réalité et lévolution des pratiques artistiques.
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La question des processus
De manière plus pratique, se pose alors la question des processus et non pas celle des formes et des résultats (35:55). je terminais ce texte en forme de statement:
La seule façon déchapper aux écueils de la version négative de la culture globale, déchapper aussi aux contraintes figées de lexposition comme un exercice de plus de savoir et de pouvoir, serait donc de comptabiliser, de regarder puis dexposer la somme des différences, des gestes quotidiens, des façons de voir de se confronter daccumuler de coller et de monter, des artistes eux-mêmes, à la condition de leur donner les moyens de transporter ces sommes dobjets réels et imaginaires dans un espace qui puisse les contenir. Lenjeu restait donc de laisser disponibles des espaces virtuels et de garder une certaine flexibilité jusquà la fin de la réalisation du projet (36:46)....
Il y a évidemment énormément décart entre lexposition, la réalité, limage de lexposition, du projet lui-même et les intentions premières.
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